Ville de Hawkesbury

Ville de Hawkesbury

mars 29, 2021

29 mars 2021

L’Ombudsman a reçu une plainte alléguant que le 15 juin 2020 un quorum des conseillers de la Ville de Hawkesbury avait discuté des travaux du conseil qu’ils avaient l’intention de présenter lors d’une réunion du conseil prévue pour le lendemain, et au sujet desquels ils comptaient voter alors. La plainte alléguait que la discussion équivalait à une « réunion », qui avait été indûment close au public, contrairement à la Loi de 2001 sur les municipalités. L’Ombudsman a conclu que la Ville n’avait pas enfreint les exigences des réunions publiques énoncées dans la Loi, car les discussions séquentielles de la maire ne constituaient pas des réunions au sens de la Loi.

Enquête sur le processus décisionnel de la Ville de Hawkesbury le 15 juin 2020

Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario

mars 2021


 

Plainte

1    Mon Bureau a reçu une plainte alléguant que, le 15 juin 2020, un quorum des conseillers de la Ville de Hawkesbury avait discuté des travaux du conseil qu’ils avaient l’intention de présenter lors d’une réunion du conseil prévue pour le lendemain, et au sujet desquels ils comptaient voter alors. La plainte alléguait aussi que cette discussion équivalait à une « réunion » qui avait été indûment tenue à huis clos, contrairement à la Loi de 2001 sur les municipalités.

 

Compétence de l’Ombudsman

2    En vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités[1] (la Loi), toutes les réunions d'un conseil municipal, d'un conseil local et des comités de l'un ou de l'autre doivent se tenir en public, à moins qu'elles ne relèvent des exceptions prescrites.

   Depuis le 1er janvier 2008, la Loi accorde aux citoyens le droit de demander une enquête visant à déterminer si une municipalité a respecté la Loi en se réunissant à huis clos. Les municipalités peuvent nommer leur propre enquêteur. La Loi fait de l'Ombudsman l'enquêteur par défaut pour les municipalités qui n'ont pas désigné le leur.

4    L'Ombudsman est l'enquêteur des réunions à huis clos pour la Ville de Hawkesbury.

5    Quand nous examinons des plaintes sur des réunions à huis clos, nous cherchons à déterminer si la municipalité a respecté les exigences de la Loi en matière de réunions publiques et son propre règlement de procédure.

6    Depuis 2008, notre Bureau a enquêté sur des centaines de réunions à huis clos. Pour aider les conseils municipaux, le personnel municipal et le public, nous avons créé un recueil en ligne des cas de réunions publiques. Nous avons rédigé ce recueil interrogeable pour permettre aux intéressés d'accéder facilement aux décisions de l'Ombudsman et à ses interprétations des règles des réunions publiques. Les membres du conseil et le personnel peuvent consulter ce recueil pour éclairer leurs discussions et leurs décisions afin de déterminer si certaines questions devraient ou pourraient être discutées à huis clos, ainsi que leurs débats sur des questions de procédure des réunions publiques. Des résumés des décisions antérieures de l'Ombudsman sont consultables dans ce recueil à https://www.ombudsman.on.ca/digest-fr/accueil.

 

Processus d’enquête

7    En septembre 2020, mon Bureau a informé la municipalité de notre intention d’enquêter sur cette plainte.

8    Nous avons examiné le règlement de procédure de la municipalité, les ordres du jour des réunions publiques et à huis clos, ainsi que le procès-verbal de la réunion du comité plénier du conseil le 16 juin 2020, de même que la documentation d’une réunion extraordinaire connexe tenue le 5 août 2020. Nous avons aussi examiné divers courriels qui nous ont été fournis par le personnel municipal et les conseillers municipaux concernant la prise de décision du conseil le 15 juin 2020, ainsi qu’une copie d’un document signé par divers conseillers à la même date. Nous avons interviewé Madame la maire, chaque membre du conseil et la greffière actuelle, qui avait un rôle différent en juin 2020.

9    Mon Bureau a obtenu une entière coopération dans cette affaire.

 

Discussions du 15 juin 2020

10    La maire a déclaré à mon Bureau que, dans l’après-midi du 15 juin 2020, elle avait parlé individuellement avec trois conseillers, en différents lieux, pour déterminer s’ils étaient favorables aux licenciements d’employés municipaux identifiés. La Ville de Hawkesbury compte sept membres du conseil, si bien que confirmer le soutien de trois autres signifierait qu’une majorité appuie les licenciements.

11    Chacun des trois conseillers ayant exprimé son soutien aux licenciements, la maire leur a demandé de signer un document dactylographié « confidentiel » de deux pages, indiquant les mesures qu’ils voulaient que la municipalité prenne durant une discussion prévue en séance à huis clos le lendemain. Mon Bureau a examiné une copie de ce document, signé par la maire et trois conseillers. Le document identifiait certaines personnes à licencier, ainsi qu’un employé qui assumerait de nouvelles responsabilités. Le document donnait également la justification de ces mesures.

12    Chaque conseiller à qui la maire avait parlé a déclaré à notre Bureau qu’il avait rencontré individuellement la maire à ce sujet. Les discussions se sont déroulées en divers lieux, à la convenance de chaque conseiller. Deux conseillers se sont souvenus qu’ils avaient signé le document, tandis que le troisième ne pouvait pas s’en souvenir.

13    Les trois membres du conseil qui n’ont pas signé le document ont dit à mon Bureau que la maire ne les avait pas contactés avant la réunion du conseil du 16 juin 2020. Ils ont déclaré qu’ils n’avaient aucune idée que la maire et d’autres conseillers avaient l’intention de présenter de nouveaux points lors de la réunion du 16 juin, qui entraîneraient le licenciement de certains employés. Deux des conseillers qui n’avaient pas été contactés ont dit à mon Bureau qu’ils s’étaient sentis exclus du processus décisionnel du conseil et qu’ils auraient dû pouvoir y participer. La maire a confirmé à notre Bureau qu’elle n’avait pas contacté les trois autres conseillers car elle pensait qu’ils n’appuieraient pas les licenciements.

14    Interrogée sur sa décision de communiquer individuellement avec des conseillers sur cette question avant la réunion du 16 juin, la maire a dit qu’elle pensait que cela était acceptable en vertu de la Loi sur les municipalités, car la discussion ne faisait pas intervenir un quorum du conseil. Elle a ajouté qu’aucune décision n’avait été prise, et que n’importe lequel des conseillers aurait pu changer d’avis avant la réunion du conseil le lendemain.

15    D’après le procès-verbal de la réunion à huis clos du comité plénier du 16 juin, un conseiller qui avait été contacté par la maire a présenté la question des licenciements des employés. Le conseil a discuté de la question et a voté à 4 contre 3 pour requérir que le personnel prenne des mesures précises concernant les licenciements. Ces directives au personnel étaient semblables à celles envisagées dans le document que la maire et les trois conseillers avaient signé la veille. La maire et les trois conseillers qu’elle avait contactés précédemment ont voté en faveur de la résolution, tandis que les autres conseillers ont voté contre.

 

Analyse

Obligation de tenir des réunions publiques

16    L’article 239 (1) de la Loi de 2001 sur les municipalités exige que toutes les réunions des conseils municipaux se tiennent en public, sous réserve d’exceptions restreintes. Le droit qu’ont les citoyens d’assister aux réunions publiques et aux délibérations du conseil constitue le fondement de l’exigence des réunions publiques municipales. Comme l’a déterminé la Cour suprême du Canada dans l’affaire London (Cité) c. RSJ Holdings Inc., les exigences relatives aux réunions publiques énoncées dans la Loi sur les municipalités indiquent que le public est en « droit d’observer le déroulement des travaux du gouvernement municipal »[2].

17    Mon Bureau a conclu que la définition de « réunion » donnée dans la Loi sur les municipalités, à l’article 238 (1) exige qu’un quorum des conseillers[3] soit atteint et discute ou traite autrement d’une question d’une manière qui fait avancer « de façon importante » les travaux ou la prise de décision du conseil[4]. La Loi exigeait auparavant que les conseillers soient physiquement présents, mais elle a été modifiée en raison de la pandémie de COVID-19 pour inclure au calcul du quorum les participants par voie électronique, quand le règlement de procédure de la municipalité le prévoit[5]. Ce changement a permis aux municipalités de tenir des réunions du conseil virtuelles et synchrones en observant l’obligation de distanciation sociale, tout en respectant l’ouverture et la transparence des travaux du conseil.

18    Toutefois, ces changements visant à permettre une participation par voie électronique ne modifient pas la définition fondamentale d’une réunion, qui exige qu’un quorum des conseillers soit physiquement ou électroniquement « atteint » en tant que groupe, pour que le conseil puisse mener ses travaux. Les discussions individuelles de la maire avec trois conseillers n’ont pas constitué une « réunion » au sens de la Loi car, en raison de la nature séquentielle des discussions, le quorum n’avait jamais été atteint.

19    Mon Bureau a toujours reconnu qu’il est important que les membres du conseil puissent s’entretenir librement entre eux en dehors de la structure d’une réunion officielle. Dans un rapport de 2013 sur la Ville de London, nous avons expliqué ceci :

Précisons clairement que la Loi de 2001 sur les municipalités n’impose aucunement aux membres d’un conseil l’interdiction complète de discuter des activités municipales en dehors de la salle de réunion du conseil. Dans une démocratie, il est bon que les responsables gouvernementaux échangent officieusement des renseignements avant de prendre des décisions de politique. Je suis tout à fait d’accord qu’il serait irréaliste de vouloir que les membres d’un conseil ne se parlent jamais en dehors des réunions publiques et qu’une telle attente aurait inutilement un effet d’intimidation[6].


20    Toutefois, les discussions dans ce cas sont allées au-delà d’un partage informel de renseignements entre des membres du conseil. En fait, la maire a organisé un groupe votant de conseillers qui se sont mis d’accord stratégiquement à l’avance sur la manière de traiter une question précise. Les autres conseillers qui n’avaient pas été contactés ont donc été privés de la possibilité de participer à la discussion, et les procès-verbaux et autres comptes rendus municipaux n’ont pas fait état de cette discussion. Au lieu de solliciter en privé, individuellement, le soutien de certains membres du conseil, la maire aurait pu agir de manière plus transparente et responsable en présentant cette question lors d’une réunion officielle du conseil.

21    Bien que mon Bureau ait conclu que cette conduite n’est pas interdite techniquement par les dispositions des réunions à huis clos énoncées dans la Loi sur les municipalités, la Loi n’aborde pas directement cette question. Vu l’importance de la responsabilisation, de la transparence et de l’obligation de ne pas subvertir les exigences d’ouverture, le gouvernement pourrait souhaiter préciser si des accords préalables conclus par une majorité du conseil sont contraires aux dispositions des réunions publiques énoncées dans la Loi sur les municipalités.

 

Opinion

22    Le conseil de la Ville de Hawkesbury n’a pas enfreint les exigences de la Loi sur les municipalités en matière de réunions publiques le 15 juin 2020, quand la maire s’est entretenue individuellement avec trois conseillers au sujet de licenciements d’employés, car ces discussions en série ne constituaient pas des réunions au sens de la Loi sur les municipalités.

 

Rapport

23    Le personnel de l'Ombudsman a examiné une version préliminaire de ce rapport avec la maire et la greffière de la Ville de Hawkesbury et leur a donné l'occasion de faire des commentaires. En réponse au rapport, la maire a déclaré à notre Bureau qu'elle préfère présenter les nouveaux travaux à traiter lors des réunions du conseil, mais qu'elle avait estimé que les circonstances de ce cas exigeaient une approche différente. Tous les commentaires reçus ont été pris en compte dans la préparation de ce rapport.

24    La greffière a indiqué que mon rapport serait communiqué au conseil et mis à la disposition du public au plus tard lors de la prochaine réunion du conseil.

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Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario



[1] LO 2001, chap. 5.
[2] Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletLondon (Cité) c. RSJ Holdings Inc., 2007 CSC 29 au paragraphe 32, en ligne.
[3] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur des plaintes à propos de réunions à huis clos tenues par la Ville de Hamilton le 9 et le 23 février 2019, (octobre 2019), en ligne.
[4] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos de séances d’information le 7 mars 2018 avec un quorum des conseillers du Village de Casselman, (août 2018), en ligne.
[5] Loi sur les municipalités, article 238 (3.1-3.4).
[6] Ombudsman de l'Ontario, Enquête visant à déterminer si des membres du Conseil de la Ville de London ont tenu indûment une réunion à huis clos le 23 février 2013, (octobre 2013), en ligne.