Faire la clarté

Faire la clarté

juin 3, 2008

3 juin 2008

Enquête sur la manière dont le Ministère des Services gouvernementaux et des Services aux consommateurs présente au public ses relations avec Tarion Warranty Corp.

Enquête sur la manière dont le Ministère des Services gouvernementaux et des Services aux consommateurs présente au public ses relations avec Tarion Warranty Corp.

« Faire la clarté »

André Marin
Ombudsman de l'Ontario

mai 2008

 

Table des matières



 

Aperçu

1     Pour la plupart des Ontariens, acheter un logement neuf constitue la dépense la plus importante de leur vie. Il s’agit d’une expérience à la fois excitante et terrifiante. Dans le cas des Smith[1], leur rêve de posséder leur propre maison a tourné au cauchemar. Les Smith et leurs deux jeunes enfants ont emménagé avec grande joie dans leur nouvelle maison pour s’apercevoir qu’elle était bourrée de vices. Ils ont appris qu’elle avait été frappée huit fois par des engins de chantier, que la fondation était fissurée, que la maçonnerie de briques et le stucco étaient défectueux et que des poutres et des solives avaient été mal installées. La maison présentait de nombreux défauts d’étanchéité. Les Smith ont commencé à avoir des problèmes de santé. La famille a attendu six mois ses armoires de cuisine.

2     Les Smith ont demandé l’aide de la Tarion Warranty Corporation. Tarion est une société indépendante à but non lucratif qui gère le Régime de garanties des logements neufs de l’Ontario. Le régime protège les acheteurs de logements neufs qui paient des frais d’inscription calculés en fonction du prix d’achat de leur logement. Les Smith ont payé 750 $ pour leur assurance. Ils ont réclamé à Tarion plus de 200 000 $ pour l’exécution de travaux qui auraient dû, selon eux, être effectués avant que l’achat soit finalisé, et couvrant également les dommages subséquents. Les Smith ont reçu 117 384 $, mais il leur restait 30 réparations à faire faire, et ce montant était insuffisant. Tarion a conseillé à la famille de signer une décharge et de poursuivre le constructeur devant le tribunal civil.

3     Mécontents de leur expérience avec Tarion, les Smith ont voulu porter plainte auprès du ministère des Services gouvernementaux et des Services aux consommateurs, et ont appris, après deux mois de démarche, que le Ministère jugeait « inapproprié » d’intervenir. Finalement, le Ministère a accepté de faire part à Tarion de leurs plaintes, mais leurs problèmes n’ont pas été réglés pour autant.

4     Tout comme les Smith, d’autres familles, qui ont communiqué avec nous et ont demandé au Ministère de les aider, après que les requêtes auprès de Tarion ont échoué, se sont fait dire que le Ministère ne pouvait pas intervenir dans les réclamations individuelles.

5     On comprendra que ces propriétaires désespérés fassent appel au Ministère. Après tout, son nom dit bien « services aux consommateurs » et son site Web précise ce qui suit :

Notre but au ministère… est de favoriser un marché équitable, sécurisé et avisé – un marché dans lequel vos droits en tant que consommateur sont pleinement protégés.


6     Le Ministère exerce une surveillance pour protéger les propriétaires de logements neufs. Mais c’est Tarion qui, en vertu de la Loi sur le régime de garanties des logements neufs de l’Ontario, administre le régime de garanties. Tarion n’est pas subventionnée par le gouvernement, mais financée uniquement par les frais d’enregistrement, les revenus de placement et les cotisations des constructeurs.

7     En Ontario, tout constructeur de logements neufs doit s’inscrire auprès de Tarion et enregistrer chaque maison neuve ou appartement en copropriété neuf avant sa construction. Tarion est régie par un conseil de direction composé de 16 membres. En vertu de la Loi, le Ministère nomme cinq membres du conseil de direction. Le Ministère n’intervient pas dans les activités quotidiennes de Tarion, mais assure une surveillance indirecte. La Loi exige que Tarion soumette un rapport annuel au Ministère et, en vertu d’un mécanisme de reddition de comptes, lui présente un état trimestriel d’exploitation. Le Ministère n’intervient pas dans les plaintes individuelles des consommateurs quant aux décisions de Tarion relativement aux garanties, mais les consommateurs peuvent s’adresser au Tribunal d’appel en matière de permis. Toutefois, le Ministère demande parfois à Tarion de se pencher sur certains sujets de préoccupation soulevés par les consommateurs.

8     Le rôle du Ministère par rapport à Tarion n’est pas bien connu. Le site Web du Ministère contient un lien à la page d’accueil de Tarion, mais donne peu d’information relativement à la protection des acheteurs de logements neufs. Les consommateurs qui cherchent à comprendre la relation entre le Ministère et Tarion ne peuvent qu’essayer de deviner, à la lumière des bribes d’information disponible, ce qui en ressort.

9     À l’Assemblée législative de mai 2007, le ministre de l’époque (Gerry Phillips) a déclaré qu’il cherchait sans cesse des moyens d’améliorer Tarion. Au printemps dernier, le gouvernement a annoncé qu’il avait nommé un nouveau membre au conseil de Tarion. Un article publié le 9 juin 2007 par le Toronto Star qualifiait le titulaire de « défenseur du bien public » et de « représentant des consommateurs ». Le premier ministre aurait également déclaré : « Nous voulons nous assurer que le système de garantie actuel inspire confiance, et c’est pour cela que nous élargissons la représentation publique ». Le ministre aurait aussi dit que le titulaire (un journaliste à la retraite) pouvait « très bien agir comme porte-parole du consommateur ».

10  Après la diffusion de cette information, plusieurs acheteurs de logements neufs inquiets ont écrit directement à ce dernier « représentant du consommateur » nommé au conseil de direction de Tarion. Tarion a répondu qu’en fait, ce représentant ne pouvait pas agir comme défenseur spécial des consommateurs, ni se pencher sur leurs plaintes, mais qu’il était plutôt responsable de transmettre les préoccupations des consommateurs dans le cadre de ses fonctions globales de membre du conseil. Dans une lettre à un propriétaire mécontent, le Ministère a donné l’explication suivante :

La responsabilité du membre du conseil ne s’étend pas aux décisions spécifiques prises par la société relativement aux propriétaires. Ainsi, il ne convient pas que les membres du conseil interviennent dans les cas individuels.


11  En 2007, 52 332 logements neufs ont adhéré au régime de garanties pour un total de 465 116 logements sous garantie. La société a versé plus de 9 millions de dollars en règlements au titre de la garantie. Cette même année, 199 propriétaires de logements neufs se sont plaints au Ministère à propos du Régime de garanties des logements neufs de l’Ontario et de Tarion, et ils s’attendaient tous à ce que le Ministère responsable des « services aux consommateurs » leur vienne en aide. Les agents du Ministère ont passé beaucoup de temps à expliquer le rôle de surveillance limitée que le Ministère joue à l’égard de l’acquisition de logements neufs. Il aurait été possible d’éviter tant de frustration et de temps perdu si le Ministère avait indiqué clairement et publiquement son rôle limité à l’égard des questions touchant Tarion et l’administration du Régime de garanties des logements neufs de l’Ontario.

12  Sachant que, tous les ans, des centaines de milliers de gens comptent sur le régime de garanties, et que l’achat d’un logement neuf constitue un investissement important, j’en conclus qu’il faut remédier immédiatement au fait que le Ministère n’a pas indiqué clairement son rôle à l’égard de l’acquisition de logements neufs. Je recommande au Ministère de clarifier son rôle dans ce domaine, notamment en ce qui a trait aux membres du conseil de direction de Tarion nommés par le gouvernement.

 

Processus d’enquête

13  Au cours de l’année passée, mon bureau a reçu plus de 100 plaintes de propriétaires aux prises avec Tarion et le Ministère. Ces plaintes provenaient de propriétaires individuels, de certains députés provinciaux qui m’écrivaient au nom de leurs électeurs, et d’un groupe de pression représentant des propriétaires.

14  Le personnel de l’Ombudsman a commencé à surveiller les plaintes relatives à l’acquisition de logements neufs après que notre bureau a reçu, en mars 2007, une proposition détaillée, produite par le groupe de pression et demandant que l’Ombudsman assure l’encadrement du régime de garanties des logements neufs de l’Ontario et de Tarion.

15  Il est vrai que je suis chargé de la surveillance du Tribunal d’appel en matière de permis, qui traite les appels des décisions prises par Tarion, mais je n’ai pas compétence sur Tarion. Ainsi, mon bureau n’a pas le pouvoir d’enquêter directement sur les plaintes individuelles portées par les propriétaires contre Tarion. En 1986, dans le cadre de propositions soumises à un comité permanent de l’assemblée législative, l’ombudsman de l’époque, DrDaniel Hill, a été le premier à suggérer que ce domaine devrait être de son ressort, mais cela fait 30 ans que cette charge est exclue du mandat de l’ombudsman. Le Ministère a récemment envisagé d’élargir la compétence de l’ombudsman afin de responsabiliser Tarion et d’en améliorer la gouvernance. Toutefois, le Ministère ne semble pas près de passer aux actes.

16  Les plaintes ont été évaluées par l’équipe d’intervention spéciale de l’Ombudsman (EISO). Il est ressorti qu’il régnait une grande confusion et que les consommateurs ne comprenaient pas le rôle du Ministère dans la garantie des logements neufs. J’en ai conclu qu’il serait approprié de mener une enquête sur la façon dont le Ministère présente au public ses relations avec Tarion. Un préavis d’enquête a été envoyé au Ministère le 20 février 2008.

17  Trois enquêteurs de l’EISO et deux agents de règlement préventif ont mené l’enquête. Ils ont interviewé le personnel du Ministère qui traite avec les pouvoirs délégués, ainsi que quatre des personnes nommées au conseil de direction de Tarion et deux avocats-conseils de Tarion. Les enquêteurs ont également étudié les plaintes que nous avons reçues et ont mené des entretiens en profondeur avec plusieurs propriétaires.

18  L’équipe a passé en revue des cartons de documents fournis par le Ministère et contenant des milliers de pages de documentation remontant à 2005, notamment la correspondance envoyée par des propriétaires au Ministère et les réponses du Ministère aux propriétaires.

19  Nous avons aussi étudié les régimes de garanties des logements neufs des autres provinces pour voir quels renseignements sont fournis aux consommateurs de ces territoires. Les régimes de garanties varient d’une province à l’autre, et seules trois provinces ont une garantie obligatoire de logements neufs : l’Ontario, la Colombie- Britannique et le Québec.

20  Nous avons bénéficié de l’entière collaboration du Ministère tout au long de l’enquête.

 

Régime de garanties des logements neufs de l’Ontario

21  L’Ontario a adopté son premier Régime de garanties des logements neufs en 1976. Ce régime a toujours été administré par une société indépendante à but non lucratif. Elle a changé de nom à plusieurs reprises au fil des ans, mais porte le nom de Tarion depuis 2004. Le site Web de Tarion précise que son rôle consiste à s’assurer que les constructeurs se conforment à la législation, et « à intervenir pour protéger les consommateurs lorsque les constructeurs n’assument pas les responsabilités de leurs garanties ».

22  En 2006, les recettes totales de Tarion se chiffraient à 70 645 000 $. Une partie importante de ces recettes, soit près de 47 %, est tirée des frais d’enregistrement des logements.[2] Jusqu’à présent, pour chaque tranche de 99 $ versée par les acheteurs sous forme de frais d’enregistrement, les constructeurs versent quelque 6 $ sous forme de cotisations d’adhésion et de renouvellement. Les fonds disponibles provenant des recettes tirées des frais d’enregistrement des logements et des cotisations des constructeurs sont investis. Les revenus de placement, qui représentaient environ 52 % des recettes globales de Tarion en 2006, ont servi notamment à régler les réclamations au titre de la garantie, à couvrir les frais liés aux enquêtes, ainsi qu’aux frais d’exécution et d’administration relatifs à l’application de la législation.

23  Tous les propriétaires de logements neufs reçoivent une trousse d’information du propriétaire expliquant comment se prévaloir des garanties légales lorsque des travaux sous garantie n’ont pas été exécutés. Lorsqu’un propriétaire fait une réclamation, le constructeur a généralement 120 jours pour effectuer les réparations. Si le problème n’est toujours pas réglé, le propriétaire a 30 jours pour en informer Tarion et déposer une demande de conciliation. À partir de cette date, le constructeur a généralement 30 jours pour régler toute question en suspens. Si les réparations ne sont toujours pas effectuées, Tarion agit comme médiateur entre le propriétaire le constructeur. On dresse un compte-rendu précisant les travaux dont le constructeur doit s’occuper, et indiquant quels travaux ne sont pas couverts.

24  Certains propriétaires font face à des problèmes que le régime de garanties ne peut pas résoudre à leur satisfaction. Ils peuvent alors porter appel au Tribunal d’appel en matière de permis, ou entreprendre des poursuites au civil. Au cours de l’exercice financier de 2005-2006, le Tribunal d’appel en matière de permis a reçu 173 plaintes sur Tarion.

 

Relations du Ministère avec Tarion

25  Le Ministère encadre de nombreux organismes autonomes qui exercent un pouvoir administratif délégué. Selon les agents du Ministère, la Loi sur l’application de certaines lois traitant de sécurité et de services aux consommateurs régit les autres organismes délégués, mais pas Tarion. Le sous-ministre nous a fourni l’explication suivante en réponse à notre préavis d’enquête :

Tarion n’est ni constituée en vertu de la Loi sur l’application de certaines lois traitant de sécurité et de services aux consommateurs ni assujettie à cette dernière. Cette loi exige que les autorités administratives déléguées concluent avec le Ministère un accord d’application exécutoire prévoyant un cadre précis de gouvernance et de responsabilisation. Le Ministère exerce sur Tarion un encadrement fondé sur une entente de responsabilité convenue avec la société le 26 juin 2003.


26  L’entente de responsabilité avec Tarion a été convenue à la suite du rapport annuel de 2003 du vérificateur général recommandant que le Ministère prenne des mesures qui améliorent les mécanismes de responsabilité afin de protéger les consommateurs qui achètent des logements neufs en Ontario. Elle établit des exigences formelles de reddition de comptes et précise les rôles et responsabilités de chacune des parties. Il contient également une attestation de Tarion reconnaissant qu’elle est tenue de rendre compte au Ministère. Selon cette entente, Tarion assume l’administration courante du régime de garanties des logements neufs.

 

Attentes des consommateurs

27  Les plaintes que nous ont envoyées les propriétaires avaient un thème commun : lorsqu’ils ont communiqué avec le Ministère pour lui faire part de leurs problèmes, les propriétaires s’attendaient vraiment à ce que ce dernier intervienne et les aide à trouver une solution avec Tarion. Comme l’a fait remarquer un propriétaire frustré :

Nous avons acheté cette maison… avec la conviction qu’il existait des règlements gouvernementaux, des règlements municipaux… que nous étions protégés… il y avait le Régime de garanties des logements neufs de l’Ontario… Vous achetez et, s’il y a un problème, vous vous attendez à ce qu’il y ait une certaine protection, surtout de la part du ministère qui établit les règles et qui – du moins, je l’espère – les surveille…


28  Étant donné que le Ministère a pour mandat de protéger les consommateurs, il n’est pas étonnant que les propriétaires supposent qu’ils peuvent s’adresser à lui lorsque d’autres démarches ont échoué. L’un d’entre eux s’est exprimé ainsi dans une lettre adressée au ministre :

J’ai cru, étant donné que vous êtes à la tête du ministère des Services gouvernementaux et des Services aux consommateurs, que vous étiez le surveillant de Tarion et de toutes les plaintes portées contre Tarion.


29  Souvent, ce n’est qu’après avoir écrit au ministère pour lui demander de l’aide que les propriétaires apprennent qu’il n’intervient pas dans les cas particuliers. Voici ce que le sous-ministre a écrit à un propriétaire :

… la relation [entre le ministère et Tarion] ne prévoit pas d’étude ou d’intervention dans des cas individuels; ceux-ci relèvent exclusivement de la compétence réglementaire de Tarion.


30  On nous a également signalé qu’un autre service du gouvernement avait dirigé des gens vers le ministère en laissant entendre que les problèmes rattachés à Tarion relevaient de sa « responsabilité ». Lorsqu’ils ont suivi ce conseil, ces individus ont naturellement été frustrés d’apprendre que le ministère ne ferait rien pour eux.

31  M. Green en est un exemple. Ses problèmes se sont manifestés il y a environ trois ans lorsque, quelques semaines seulement après qu’il ait pris possession de sa maison, le plancher s’est effondré. Il a communiqué avec Tarion et une inspection effectuée moins d’un mois plus tard a confirmé la présence de défectuosités majeures. Quelques réparations ont été effectuées, mais les problèmes ont persisté. Incapable d’obtenir gain de cause auprès de Tarion et du constructeur pour résoudre ces problèmes, M. Green a communiqué avec le ministère des Affaires municipales et du Logement pour se plaindre d’infractions au Code du bâtiment. On lui a recommandé de s’adresser à Tarion et au ministère des Services gouvernementaux et des Services aux consommateurs. Cependant, cette démarche n’a pas abouti puisque le ministère n’a pas voulu l’aider non plus. Il a donc l’impression d’être coincé dans un engrenage et que les bureaucrates se renvoient la balle à ses dépens.

32  Les consommateurs ne sont pas les seuls à ne pas comprendre le rôle du ministère vis-à-vis de Tarion. Quelques députés provinciaux qui ont communiqué avec mon bureau ne comprenaient pas, eux non plus, les limites du rôle du ministère. Ceci n’est pas étonnant étant donné que le ministère n’explique pas l’étendue de son rôle dans ce domaine.

 

La réalité du ministère

33  Même s’il refuse d’intervenir dans les cas individuels, le ministère a traité tous les problèmes systémiques soulevés par sa surveillance de Tarion. Il a collaboré avec Tarion à plusieurs initiatives qui ont entraîné des changements au niveau des normes du service à la clientèle. Ils ont simplifié les processus de garantie et augmenté la quantité de renseignements que Tarion fournit aux consommateurs. Voici ce que le ministère dit souvent aux propriétaires qui se plaignent : « Le ministère étudie toutes les plaintes déposées par les propriétaires, et celles-ci lui servent de guide pour d’éventuelles améliorations ». Lorsque des inquiétudes ont été exprimées quant à la suffisance des garanties en 2006, le ministre a demandé que Tarion se soumette à une vérification externe indépendante des garanties couvrant les retards de conclusion et d’occupation. Tarion a donc formé un comité spécial sur les retards de conclusion, présidé par le ministre Frank Iacobucci, qui a apporté plusieurs recommandations de réforme.[3]

34  Le ministère ajoute à la confusion car, tout en affirmant qu’il ne traite pas les plaintes individuelles, il est effectivement intervenu dans certains cas. Dans plusieurs lettres que nous avons revues, le ministère apprend aux propriétaires que, quoiqu’il soit « inapproprié » qu’il intervienne dans des cas individuels, il a demandé à ses employés de communiquer avec Tarion parce que des plaintes concernant le service à la clientèle avaient été soulevées. Ce qui n’a pas été expliqué clairement aux propriétaires, c’est que lorsque le ministère communique avec Tarion en leur nom, c’est uniquement à propos de l’aspect « service à la clientèle » de la plainte. Le ministère n’assure pas la médiation des plaintes de fond sur les questions de garantie.

35  Ce point de vue a été confirmé par le sous-ministre de la division des politiques et des services de protection du consommateur qui a déclaré que selon la nature de la plainte, le ministère intervient à l’occasion :

S’il s’agit d’une plainte liée au service à la clientèle, [le personnel du ministère] essaiera d’intervenir et de voir s’il est possible de cerner le problème, mais si le propriétaire n’est pas content d’une décision qui a été prise, nous devons nous retirer.


36  Même dans de tels cas, le rôle du ministère se limite généralement à informer Tarion de la plainte du propriétaire, à demander à Tarion d’examiner la plainte puis à transmettre les renseignements fournis par Tarion au propriétaire. Une fois de plus, le rôle limité du ministère n’est pas toujours clairement expliqué au consommateur.

37  Alors, quel appui les propriétaires peuvent-ils obtenir du ministère? Selon le responsable de la direction de la liaison sectorielle :

Les membres du personnel expliquent la relation entre Tarion et le ministère et dirigent souvent le propriétaire vers Tarion. Si [nous] pensons qu’il s’agit d’une situation urgente, nous les dirigeons directement vers quelqu’un comme… le directeur des relations gouvernementales, qui s’en occupera, mais nous n’assurons pas la médiation des plaintes des consommateurs. Nous ne sommes pas autorisés à le faire et n’avons pas non plus l’expertise pour le faire – ce sont des problèmes de construction.


38  Les membres du personnel du ministère se sont empressés de nous dire que le ministère veut tout de même que les propriétaires communiquent avec lui pour lui faire part d’éventuels problèmes systémiques qui pourraient influencer la politique publique. Le directeur de la direction de la liaison sectorielle nous a dit ce qui suit :

Je crois qu’il serait important que les propriétaires continuent de communiquer avec le gouvernement parce qu’ils représentent un aspect très important de ce que nous faisons et que cela fait partie [de] notre législation. Je crois que tout ce que nous avons accompli depuis deux ans environ, nous le devons aux propriétaires qui se sont fait entendre. Alors, même si nous ne pouvons pas nécessairement apporter des changements à une décision concernant une garantie, nous tenons compte de chacune de ces lettres lorsque nous prenons des décisions d’intérêt public.


39  Si le ministère est heureux de connaître les réactions des propriétaires, peu de ces derniers savent comment le ministère utilise les renseignements qu’ils lui fournissent. D’après leurs commentaires, je dirais qu’ils se soucient plus de résoudre leurs problèmes personnels de garantie que d’une éventuelle contribution à l’élaboration de politiques futures. Précisons tout de même qu’il semble que le ministère tienne sincèrement à promouvoir les intérêts des consommateurs.

 

L’accent sur le consommateur

40  Au cours de cette enquête, les cadres supérieurs du ministère s’accordaient pour dire que, quoiqu’elle ait apporté certaines améliorations au fil des années, par exemple, en créant un centre d’appels et en améliorant son site Web, « Tarion est encore loin de répondre aux attentes du gouvernement et du public ». M. Ted McMeekin (ministre depuis le 30 octobre 2007) a exprimé la même opinion dans une lettre qu’il a envoyée aux cadres supérieurs de Tarion.

41  Le 18 mars 2008, le ministère a écrit au président et chef de la direction sortant de Tarion, insistant sur le besoin d’améliorer la gouvernance de la société, sa transparence et sa réceptivité aux consommateurs. Il a souligné que :

En tant qu’organisme ayant pour mandat de servir l’intérêt public, il est impératif que Tarion continue de s’améliorer. L’acquisition d’une propriété représente l’une des décisions les plus grandes et les plus importantes qui soient et, tout comme vous, je tiens à m’assurer que les consommateurs reçoivent toute la protection possible.


42  Tout en reconnaissant qu’elle a pris de nombreuses mesures visant la protection du consommateur, le ministre a souligné que « Tarion et ses pratiques commerciales étaient surveillées de très près par le public ». Il a fait référence au nombre record de plaintes reçues par le ministère à l’endroit de Tarion, et a déclaré qu’il demanderait au nouveau président et chef de la direction des assurances que la société continuerait de donner la priorité à l’amélioration de la protection des propriétaires. Le ministère a affirmé qu’il demanderait au nouveau conseil de prendre plusieurs mesures visant à améliorer la transparence et la responsabilisation chez Tarion, notamment :

  • élaborer des plans d’affaires et stratégiques clairs;

  • fournir des rapports trimestriels plus détaillés en ce qui a trait à la rapidité du traitement des demandes de règlement, aux plaintes portant sur le personnel et au processus de traitement des réclamations au titre de la garantie;

  • fixer des délais d’exécution pour les inspections, les réparations et le classement des dossiers de garantie;

  • élaborer un protocole sur les conflits d’intérêts et un code de conduite pour le personnel du service des réclamations;

  • améliorer la transparence aux yeux du public en tenant des assemblées générales annuelles publiques et des journées portes  ouvertes, et en étoffant les renseignements du rapport annuel de Tarion.


43  Pendant des discussions avec deux des avocats-conseils de Tarion, nos enquêteurs ont appris que la société avait évolué considérablement depuis quelques années et qu’elle avait l’intention d’adopter un système automatisé de suivi des plaintes, tout en précisant qu’il s’agit tout de même d’un processus continu. Nous avons eu l’impression que quoique Tarion ait pris certaines mesures pour donner la priorité au consommateur, elle ne met pas d’empressement particulier à améliorer ses pratiques. Le mandat de Tarion affecte près d’un demi-million de consommateurs par an. Compte tenu de l’importance de la garantie de protection des propriétaires ontariens, j’encourage le ministre à poursuivre énergiquement ses démarches proactives pour pousser Tarion à instaurer une véritable culture du service public.

44  Au bout du compte, ce n’est pas au ministère qu’incombe l’exploitation de la société au quotidien. Bien qu’il ait rehaussé sa participation en nommant des membres du conseil, ces derniers ne relèvent pas du ministère.

 

Conseil de direction : où sont les défenseurs du bien public ?

45  Le conseil de direction de Tarion est constitué de 16 membres nommés pour un mandat d’un an et représentant divers intervenants de l’industrie des logements neufs de l’Ontario. En 2007, le ministère des Services gouvernementaux et des Services aux consommateurs a proposé que Tarion modifie son règlement afin que le nombre de titulaires nommés par le ministère passe de quatre à cinq. La modification a été approuvée en mars 2007 et le conseil de direction comprend maintenant cinq titulaires nommés par le ministère : trois « représentants du consommateur », un représentant municipal et un haut représentant du ministère.

46  La sélection des titulaires nommés par le ministère vise à assurer qu’une variété de points de vue soient entendus et pris en compte par le conseil, mais les propriétaires ne savent pas nécessairement ce qui se passe après que ces membres ont été sélectionnés. Comme dans la plupart des sociétés, les personnes désignées sont, en pratique, des membres de la société, redevables envers tous les intervenants, et non pas seulement envers un groupe d’intervenants précis. Le ministère s’assure de la participation de ses titulaires aux réunions du conseil, mais ces titulaires ne sont nullement tenus de rendre des comptes au Ministère.

47  Lorsque nous leur avons demandé quel rôle ils jouaient au sein du conseil de direction de Tarion, les titulaires du ministère considéraient généralement que leur rôle n’était pas différent de celui des autres membres du conseil. Voici ce que l’un des « représentants du consommateur » a déclaré :

J’étais simplement l’un des membres du conseil… J’ai appris que mes responsabilités étaient celles d’un membre du conseil. C’est-à-dire que lorsque j’abordais un problème, je ne pouvais pas l’analyser purement en tant que protecteur du consommateur. Je devais tenir compte du conseil, de nos responsabilités, de nos méthodes de travail, de notre protocole de traitement des renseignements reçus.


48  D’autres ont observé des changements positifs, quoique graduels, à la suite de l’augmentation du nombre de titulaires du ministère nommés au conseil de direction de Tarion. L’un d’entre eux a dit que lorsque le budget alloué à l’information des consommateurs sur les processus de Tarion a été réduit, les titulaires du ministère s’y sont opposés. Grâce à leurs efforts, les fonds réservés à l’information des consommateurs ont été restitués. D’autres titulaires du ministère ont souligné leur appui aux changements à apporter à l’endroit des retards de conclusion.

49  Malheureusement, le fait que les « représentants du consommateur » soient nommés au conseil sans que le public comprenne quel est leur rôle exact cause encore plus de confusion et de plaintes mal dirigées. Après que l’article du 9 juin 2007 dans le Toronto Star ait qualifié le dernier titulaire du ministère de « défenseur du bien public », plusieurs propriétaires ont essayé de le joindre directement pour lui faire part de leurs difficultés jusqu’à ce qu’il demande que Tarion se charge directement des demandes. Un propriétaire déconcerté a reçu une réponse d’un cadre supérieur de Tarion précisant que ce membre du conseil n’était pas vraiment un « défenseur du bien public », qu’en fait, un tel poste « n’existait pas » et « qu’il ne s’occupait pas des plaintes individuelles ».

50  Cette réponse franche a sûrement déçu son destinataire, mais elle avait le mérite d’être plus instructive que les communications du ministère. Lorsque nous avons demandé au directeur intérimaire des relations avec les mandataires quel était le rôle du représentant du consommateur, il a déclaré que le membre du conseil n’était « pas officiellement le défenseur du bien public ». Toutefois, le ministère n’a pas pu nous dire si la description du rôle du titulaire parue dans le Toronto Star émanait de représentants du gouvernement ou du journal lui-même.

 

Cyberconfusion

51  Les lacunes du site Web du ministère sont désolantes. Il ne contient pas de renseignements sur son rôle en ce qui concerne le Régime de garanties des logements neufs de l’Ontario et Tarion. Voici l’avis d’un propriétaire :

Tout ce qui touche à Tarion et au rôle du ministère se perd dans les généralités… il n’y a rien de précis.


52  Il est inutile d’aller très loin pour s’en rendre compte. À la section FAQ (questions fréquentes) se trouve une catégorie intitulée « Protéger les consommateurs », qui mène à « Votre maison », où l’on apprend que « vous (le propriétaire) trouverez dans cette section des renseignements qui vous aideront à protéger vos droits lorsque vous achetez des marchandises et des services pour votre maison ». Il n’y a malheureusement aucune explication sur les relations entre le ministère et Tarion, ni sur ce que les consommateurs peuvent obtenir en communiquant avec le ministère.

53  Le moteur de recherche du site du ministère permet d’obtenir des renseignements généraux sur Tarion, mais les consommateurs ne trouveront aucun énoncé précis sur l’étendue de la surveillance exercée par le ministère. Plusieurs propriétaires ont également souligné que le site du ministère affirme qu’il « sert de médiateur entre les consommateurs et les entreprises lorsqu’il reçoit des plaintes écrites » sans jamais préciser que cela ne s’applique pas aux plaintes à l’endroit de Tarion.

54  Au début de notre enquête, les membres du personnel du ministère ont dit à nos enquêteurs que le ministère avait l’intention de modifier son site Web et d’y inclure une section distincte sur l’achat de logements, y compris une description de Tarion et une explication des relations du ministère avec Tarion. Par la suite, nous avons appris que quelques changements ont été apportés au site Web l’an dernier, mais qu’il n’y en aurait pas d’autre. C’est dommage.

55  Le ministère pourrait clarifier la situation tout simplement, en expliquant aux consommateurs, au moyen de son site Web et d’autres modes de communication, ce qu’il peut et ne peut pas faire pour les aider à résoudre les problèmes de garantie de leur nouveau logement. Tous les ans, des centaines de milliers d’Ontariens sont affectés par ce régime. Ils ont le droit de savoir dès le départ ce que leur gouvernement peut faire pour eux. Les consommateurs ne devraient pas être obligés d’attendre jusqu’au bout, après des années à se battre contre les constructeurs et Tarion, pour apprendre que ce qu’ils considéraient comme leur dernier recours leur est refusé. Si le ministère expliquait ce qu’il fait réellement au lieu de se contenter de vagues généralités, les attentes des propriétaires seraient plus réalistes, et ceux-ci sauraient mieux à quoi s’en tenir. Moins de temps et de ressources seraient gaspillés à répondre à des demandes d’aide futiles et à des plaintes mal dirigées.

 

Opinion

56  J’estime que le ministère ne fournit pas au public des renseignements clairs et uniformes sur l’étendue de ses relations avec Tarion, sur la portée de son rôle pour résoudre les soucis des consommateurs et sur le rôle de ses membres titulaires du conseil de direction de Tarion. En vertu des alinéas 21(1)(b) et (d) de la Loi sur l’ombudsman, ceci est déraisonnable et erroné.

 

Recommandation

57  Pour remédier aux lacunes du Ministère qui ne fournit pas suffisamment de renseignements aux consommateurs, je recommande que le ministère des Services gouvernementaux et des Services aux consommateurs clarifie sur son site Web et par d’autres modes de communication ses relations avec Tarion Warranty Corporation, et fournisse notamment des renseignements à propos :

  • du rôle des titulaires du ministère nommés au conseil de direction de Tarion;

  • du rôle du ministère relativement à la protection des consommateurs dans le domaine des garanties des logements neufs, y compris son champ d’action limité dans la résolution des plaintes individuelles.

Loi sur l’ombudsman – Alinéa 21(3)(g)


 

Réponse du ministère

58  J’ai remis mon rapport préliminaire au ministère et j’ai rencontré les représentants du ministère pour en parler. Par la suite, le sous-ministre a écrit à mon bureau pour confirmer l’engagement du ministre envers la mise en œuvre de ma recommandation. Dans sa lettre, le sous-ministre précise :

Je tiens à vous assurer que j’accepte vos précieuses recommandations visant à améliorer la communication, et je m’engage à les mettre en œuvre en expliquant le rôle du ministère dans le traitement des plaintes des consommateurs sur les garanties de logements neufs. Je m’engage également à expliquer clairement le rôle des représentants ministériels nommés au conseil de direction de Tarion. À la lumière de votre rapport final, le Ministère apportera des modifications à son site Web de manière à fournir des renseignements clairs, détaillés et conviviaux sur les relations du ministère avec Tarion, ainsi que sur les services offerts par Tarion. Le personnel du ministère collaborera avec le bureau de l’Ombudsman pour s’assurer que les changements apportés au site Web nous permettent de transmettre efficacement des renseignements qui intéressent les propriétaires de logements neufs et qui définissent la nature du rôle du ministère en ce qui concerne Tarion. Vos recommandations seront mises en œuvre dans les 30 jours suivant la publication de votre rapport final.


59  Je suis satisfait de l’engagement du ministère en ce qui concerne la communication avec le public relativement aux services fournis par Tarion et relativement à ses relations avec cette société, et je contrôlerai les démarches qu’il entreprendra pour remplir ses engagements.


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André Marin
Ombudsman de l’Ontario



[1] Les Smith et autres propriétaires mentionnés dans ce rapport sont réels, mais leur nom a été changé.
[2] Calculs fondés sur les revenus inscrits aux états financiers du rapport annuel de 2006 de Tarion.
[3] Comité spécial sur les retards de conclusion, Final Report of the Special Committee on Delayed Closings, Ontario : Tarion, février 2007.