Comté de Bruce

Comté de Bruce

mai 20, 2022

20 mai 2022

L’Ombudsman a reçu une plainte à propos de quatre réunions tenues par le Comité exécutif du Comté de Bruce le 21 septembre 2017, le 2 août et le 6 septembre 2018, et le 10 janvier 2019. La plainte alléguait que le Comité avait enfreint la Loi de 2001 sur les municipalités en tenant ces réunions à huis clos et en omettant de faire rapport en séance publique.

L’Ombudsman a conclu que le Comité n’avait pas enfreint la Loi en se retirant à huis clos le 2 août 2018. Cependant, le Comité a enfreint la Loi le 21 septembre 2017 et le 6 septembre 2018. La brève discussion à huis clos du Comité le 10 janvier 2019, au sujet d’un nouveau poste pour une certaine personne, relevait de l’exception des renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée. Toutefois, cette question aurait pu être entrecoupée du reste de la discussion du Comité, qui ne relevait d’aucune des exceptions relatives aux réunions à huis clos.

Enquête sur des réunions tenues par le Comté de Bruce le 21 septembre 2017, le 2 août 2018, le 6 septembre 2018 et le 10 janvier 2019

Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario

Mai 2022


 

Plainte

1    Mon Bureau a reçu une plainte en février 2021 à propos de quatre réunions tenues par le Comité exécutif du Comté de Bruce (le « Comité »), composé de tous(toutes) les membres du conseil. La plainte alléguait que ces quatre réunions s’étaient indûment tenues à huis clos et ne relevaient pas des exceptions énoncées à l’article 239 de la Loi de 2001 sur les municipalités (la « Loi »)[1] et que le Comité avait omis de faire rapport de ses discussions en séance publique. Les réunions en question ont eu lieu les 21 septembre 2017, 2 août et 6 septembre 2018, et 10 janvier 2019, les trois premières ayant eu lieu durant le mandat d’un conseil différent, avant les élections municipales de 2018.

2    Pour les raisons énoncées ci-dessous, j’ai conclu que le Comité exécutif du Comté de Bruce n’avait pas enfreint la Loi en se réunissant à huis clos le 2 août 2018, car ses discussions relevaient de l’exception des litiges actuels ou éventuels relativement aux réunions à huis clos.

3    Cependant, le Comité a enfreint la Loi le 21 septembre 2017 et le 6 septembre 2018, car ses discussions ne relevaient d’aucune des exceptions aux règles des réunions publiques énoncées dans la Loi. Le Comité a également enfreint la Loi lors de la réunion du 21 septembre 2017 en votant sur une question qui ne relevait d’aucune des exceptions relativement aux réunions à huis clos.

4    Le Comité a également enfreint la Loi le 10 janvier 2019, car seuls certains points de ses discussions à huis clos relevaient d’une exception prescrite. Les points de discussions sur un nouveau poste pour une personne en particulier relevaient de l’exception des renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée. Cependant, leur discussion aurait pu être séparée du reste des discussions du Comité, qui portaient sur un organisme prônant la croissance de l’industrie de l’énergie nucléaire. Le reste des discussions tenues à cette date ne relevait d’aucune des exceptions relativement aux réunions à huis clos.

 

Compétence de l’Ombudsman

5    En vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités, toutes les réunions d’un conseil municipal, d’un conseil local et des comités de l’un ou de l’autre doivent se tenir en public, sauf si elles font l'objet d'exceptions prescrites.

6    Depuis le 1er janvier 2008, la Loi accorde à quiconque le droit de demander une enquête visant à déterminer si une municipalité a respecté la Loi en se réunissant à huis clos. Les municipalités peuvent nommer leur propre enquêteur(euse). La Loi fait de l'Ombudsman l'enquêteur par défaut dans les municipalités qui n'ont pas désigné le(la) leur.

   L’Ombudsman enquête sur les réunions à huis clos pour le Comté de Bruce.

8    Lorsque nous enquêtons sur des plaintes concernant des réunions à huis clos, nous examinons si les exigences relatives aux réunions publiques énoncées dans la Loi et le règlement de procédure de la municipalité ont été respectées.

9    Depuis 2008, mon Bureau a enquêté sur des centaines de réunions à huis clos. Pour aider les conseils municipaux, le personnel municipal et le public, nous avons créé un recueil en ligne des cas de réunions publiques. Nous avons créé ce recueil interrogeable pour permettre aux intéressé(e)s d'accéder facilement aux décisions de l'Ombudsman et à ses interprétations des règles des réunions publiques. Les membres du conseil et le personnel peuvent consulter ce recueil pour éclairer leurs discussions et leurs décisions afin de déterminer si certaines questions devraient ou pourraient être discutées à huis clos, ainsi que pour examiner les questions liées aux procédures des réunions publiques. Des résumés des décisions antérieures de l’Ombudsman sont consultables dans ce recueil : https://www.ombudsman.on.ca/digest-fr/accueil.

 

Processus d’enquête

10    En mars 2021, mon Bureau a informé le Comté de son intention d’enquêter sur cette plainte.

11    Des membres de mon équipe chargée des réunions publiques ont examiné les parties pertinentes du règlement de procédure du Comté et de la Loi. Nous avons examiné les ordres du jour des réunions, des documents connexes et les procès-verbaux des séances publiques et des huis clos de chaque réunion.

12    Nous avons interviewé les sept membres actuel(le)s du conseil du Comté de Bruce, ainsi que la greffière et la greffière adjointe. Trois membres actuel(le)s du conseil ne siégeaient pas au conseil alors en place lors des trois premières dates de réunion, ayant pris leurs fonctions en décembre 2018. Nous avons également parlé avec plusieurs ancien(ne)s membres du personnel pour mieux cerner le contexte des points discutés par le conseil.

13    Mon Bureau a obtenu une entière collaboration dans cette affaire.

 

Enquêtes antérieures sur des réunions à huis clos

14    Mon Bureau est devenu l’enquêteur sur les réunions à huis clos pour le Comté de Bruce le 1er janvier 2021. Auparavant, d’autres enquêteurs(euses) avaient constaté qu’un certain nombre de réunions à huis clos tenues au cours des dernières années avaient été closes au public illégalement en vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités[2]. Nous avons appris qu’à la suite de ces conclusions d’enquête, les membres du conseil et le personnel du Comté avaient reçu une formation sur les réunions à huis clos au début de 2020. Après cette formation, le Comté a apporté des modifications à ses pratiques de réunions publiques afin d’améliorer leur transparence. Les réunions visées par l’enquête de mon Bureau ont eu lieu avant cette formation, et beaucoup de personnes interrogées ont dit que les réunions visées par mon enquête ne reflètent pas les pratiques actuelles du Comté en matière de réunions.

 

Réunion du 21 septembre 2017

15    Le Comité exécutif a tenu une réunion ordinaire le 21 septembre 2017, à compter de 12 h 45. Immédiatement après avoir convoqué la réunion, le Comité a résolu de se retirer à huis clos pour discuter des sujets suivants :

  1. Plan d’affaires 2018 de la directrice générale (DG), en invoquant l’alinéa 239 (2) b), exception des renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée et le paragraphe 239 (3.1), exception de l’éducation ou d’information.

  2. Stratégie de développement économique du Comté de Bruce, en invoquant l'alinéa 239 (2) b), exception des renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée.


16    En ce qui concerne le deuxième point, c’est-à-dire le développement économique, le procès-verbal de la réunion à huis clos indique que le Comté a reçu un avis d’une autre municipalité indiquant qu’elle avait l’intention d’entrer en contact avec certaines autres municipalités pour les inviter à entamer un dialogue sur les défis et les possibilités communs de développement économique. Sur ce point, le procès-verbal comprend des renseignements sur la réponse que le Comté avait l’intention de donner à cette demande.

17    Le procès-verbal indique ensuite que le Comité exécutif a discuté de l’« Ébauche du Plan d’affaires 2018 – DG ». Cependant, le procès-verbal n’indique pas clairement le contenu de la discussion, et dit simplement que le plan d’affaires a été examiné et que le Comité exécutif a voté pour l’approuver. Le Plan d’affaires 2018 du Comté de Bruce était inclus aux documents fournis à notre Bureau.

18    Le Comité exécutif a levé la séance à huis clos à 13 h 09. Le rapport fait en séance publique indique ce qui suit : « Le président a déclaré qu’il n’y avait aucune information à signaler concernant la réunion à huis clos. » Le Comité exécutif a levé la séance publique à 13 h 10.

19    Nous avons parlé avec les trois conseillers(ères) actuel(le)s qui assistaient à cette réunion, ainsi qu’avec la greffière adjointe qui avait rédigé le procès-verbal en l'absence de la greffière[3]. Aucune des personnes interrogées ne s’est souvenue personnellement de la discussion à huis clos ou du vote.

 

Analyse

Exception des renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée

20    L’exception des « renseignements privés » s’applique aux discussions qui révèlent des renseignements privés à propos d’une personne qui peut être identifiée. La Loi sur les municipalités ne définit pas les « renseignements privés » aux fins des règles des réunions publiques énoncées dans la Loi. Pour examiner les paramètres des exceptions des réunions publiques, mon Bureau a souvent tenu compte des décisions du Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée (CIPVP) en vertu de la Loi sur l’accès à l’information municipale et la protection de la vie privée. Cette loi définit ainsi les « renseignements personnels », « renseignements consignés ayant trait à un particulier qui peut être identifié. S’entend notamment : « g) des opinions et des points de vue d’une autre personne au sujet de ce particulier et h) du nom du particulier, s’il figure parmi d’autres renseignements personnels qui le concernent ou si sa divulgation risque de révéler d’autres renseignements personnels au sujet du particulier. »

 

Stratégie de développement économique du Comté de Bruce

21    Dans le procès-verbal de la réunion à huis clos, rien n’indique que des renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée ont été discutés durant l’examen de l’avis à propos du développement économique. Par conséquent, la discussion du Comité exécutif ne relevait pas de l’exception des renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée.

 

Plan d’affaires 2018 de la DG

22    Le procès-verbal de la réunion à huis clos révèle peu de choses sur la discussion que le Comité exécutif a tenue sur le Plan d’affaires 2018 de la DG, et les personnes avec lesquelles nous avons parlé n’avaient gardé aucun souvenir de cette réunion. Cependant, le procès-verbal ne comprend pas de renseignements privés sur des personnes identifiables, et le Plan d’affaires 2018 ne contient aucun renseignement privé sur des personnes identifiables. Ce Plan définit plutôt les priorités stratégiques, les indicateurs clés de performance et les principales initiatives du Comté pour l’année, ainsi que le budget prévisionnel pour de telles initiatives.

23    Par conséquent, je conclus que la discussion tenue par le Comité exécutif sur le Plan d’affaires 2018 ne relevait pas non plus de l’exception des renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée.

 

Exception de l’éducation et la formation

24    Le Comité exécutif a également invoqué l’exception de « l’éducation et la formation » pour discuter du Plan d’affaires 2018 à huis clos.

25    Le paragraphe 239 (3.1) de la Loi sur les municipalités stipule que le conseil peut tenir une réunion à huis clos si la réunion a pour but « l’éducation ou la formation » de ses membres et si aucun membre ne discute ou ne traite autrement d'une question d'une manière qui fait avancer de façon importante les travaux ou la prise de décision du conseil.

26    Cette exception doit être interprétée de manière restrictive et mon Bureau a noté les limites de l’exception de « l’éducation et la formation ». Dans un rapport daté d’avril 2015 à propos de réunions à huis clos du Village de Casselman, mon Bureau a conclu ceci :

La portée de l’exception de « l’éducation/la formation » énoncée dans la Loi s’étend uniquement aux réunions qui se tiennent à huis clos pour permettre aux membres du Conseil d’obtenir des renseignements susceptibles de les aider à mieux comprendre les affaires de la municipalité, ou d’acquérir des compétences…[4]


27    Par exemple, dans une lettre datée de septembre 2014 adressée à la Ville de Moosonee, mon Bureau a conclu que l’exception ne s’appliquait pas, car l’information transmise à huis clos ne portait pas sur des « renseignements généraux » mais plutôt sur « des questions ayant une incidence directe sur les affaires de la municipalité »[5]. Mon Bureau a également souligné que l’objectif des exceptions des réunions publiques, y compris l’exception de l’« éducation ou la formation », n’est pas de protéger du regard du public des renseignements « de nature délicate ou confidentielle »[6].

28    Dans le cas présent, le procès-verbal indique que la discussion tenue par le Comité exécutif au sujet du Plan d’affaires 2018 ne portait pas sur des renseignements généraux, mais plutôt sur les priorités et les plans spécifiques du Comté pour l’année. Le Plan d’affaires 2018 cernait les priorités stratégiques, les indicateurs clés de performance et les principales initiatives pour l’année, ainsi que le budget prévisionnel pour ces initiatives. Rien n’indique que la réunion était axée sur la formation des membres du Comité exécutif aux principes fondamentaux ou au vocabulaire d’un plan d’affaires. Par conséquent, la discussion ne relevait pas de l’exception de « l’éducation et la formation » aux règles des réunions à huis clos.

29    L’un(e) des membres du conseil avec qui nous avons parlé a suggéré que cette question devait être discutée à huis clos, car certains renseignements contenus dans le plan étaient « de nature délicate » et avaient des répercussions financières sur le Comté. Cependant, l’exception de l’éducation ou la formation n’est pas destinée à protéger des renseignements de nature délicate du regard du public.

30    Lors d’entrevues avec notre Bureau, quelques-unes des personnes interrogées ont indiqué qu’auparavant le Comité exécutif s’appuyait souvent sur l’exception de « l’éducation ou la formation » pour se retirer à huis clos, mais que depuis que le Comté avait reçu une formation sur les réunions à huis clos au début de 2020, le Comité n’y avait plus recours. Je félicite le Comté de ses efforts soutenus pour améliorer la responsabilisation et la transparence de ses pratiques de réunions, et je note que les réunions analysées dans ce rapport peuvent ne pas refléter l’approche actuellement suivie par le Comté pour décider de discuter ou non d’un sujet à huis clos.

 

Vote

31    En vertu de l’alinéa 239 (6) a) de la Loi sur les municipalités, il est permis de voter à huis clos uniquement si le sujet peut ou doit être discuté à huis clos. Comme le sujet ne correspondait à aucune des exceptions relatives aux réunions à huis clos, le vote visant à approuver le Plan d’affaires 2018 du Comté était contraire aux règles des réunions publiques.

 

Réunion du 2 août 2018

32    Le Comité exécutif a tenu une réunion ordinaire le 2 août 2018 à compter de 9 h 40. Le procès-verbal de la réunion publique indique que le Comité a résolu de se retirer à huis clos pour discuter d’une revendication territoriale, en s’appuyant sur l’alinéa 239 (2) e), soit l’exception des litiges actuels ou éventuels. L’ordre du jour de la réunion publique indiquait que le Comité exécutif comptait aussi discuter d’une proposition d’acquisition ou de disposition d’un bien-fonds, mais notre examen a déterminé que cette question avait été reportée à la réunion du 6 septembre 2018.

33    Selon le procès-verbal de la réunion à huis clos, ce huis clos a commencé à 13 h 16 et le Comité exécutif a discuté d’une procédure judiciaire contre le Comté de Bruce, liée à une revendication territoriale. Le procès-verbal indique que l’avocat(e) du Comté a fait le point sur le litige et le Comité a donné des directives sur les questions discutées.

34    La réunion à huis clos a été levée à 14 h 42. Le rapport fait en séance publique indiquait ceci : « Le président a signalé que des directives avaient été communiquées durant la réunion à huis clos. » La réunion a été levée à 14 h 43.

35    Quatre des membres actuel(le)s du conseil avec qui notre Bureau a parlé siégeaient au conseil à cette époque et ont assisté à cette réunion. La greffière et la greffière adjointe étaient également présentes. Cependant, aucune des personnes interrogées ne se souvenait personnellement de la discussion à huis clos.

 

Analyse

Exception des litiges actuels ou éventuels

36    Mon Bureau a conclu que les discussions sur un litige en cours relevaient de l’exception des « litiges actuels ou éventuels »[7].

37    Lors de sa réunion du 2 août 2018, le Comité exécutif a discuté du litige en cours du Comté concernant une revendication territoriale. Le Comité a reçu une mise à jour faite par l’avocat(e) du Comté, a examiné plusieurs questions précisément en lien avec le litige, et a donné des instructions à l’avocat(e). Par conséquent, j’estime que cette réunion relevait de l’exception des « litiges actuels ou éventuels ».

 

Réunion du 6 septembre 2018

38    Le 6 septembre 2018, le Comité exécutif a commencé sa réunion ordinaire à 9 h 55. Peu après, le Comité a résolu de se retirer à huis clos pour discuter de « carrefours du Comté » conformément à l’exception de « l’acquisition ou la disposition d’un bien-fonds » énoncée à l’alinéa 239 (2) c) de la Loi.

39    Le procès-verbal de la réunion à huis clos indique que la DG par intérim a présenté un rapport sur le développement de carrefours du Comté dans des zones géographiques générales. Mon Bureau a reçu une copie de ce rapport. La DG par intérim a expliqué que le Comté de Bruce possédait un bien-fonds qui comprenait un excédent d’espace, et qu’un service du Comté avait exprimé le souhait d’en utiliser une partie. Le rapport indiquait que cela serait conforme aux désirs du Comté de recourir à un modèle de « carrefours » au plan régional, pour offrir des services « à guichet unique ». Le procès-verbal indique qu’une équipe avait été créée à l’automne 2017 pour examiner ces plans pour ce bien-fonds.

40    Le procès-verbal indique également que le personnel avait souligné que le bien-fonds était également recherché pour un autre projet entrepris par le même service. Le procès-verbal précise qu’il y a eu une discussion sur la possibilité d’obtenir un terrain donné dans le but de créer un carrefour qui répondrait aux objectifs des deux services. La possibilité d’acquérir des parcelles similaires et d’avoir des carrefours à plusieurs endroits a également été évoquée.

41    À la suite de cette discussion, le Comité exécutif a demandé au personnel de prendre diverses mesures pour approfondir et examiner les options discutées.

42    La réunion à huis clos a été levée à 10 h 43. Le rapport fait en séance publique indique ceci : « Le président a signalé que des directives avaient été communiquées au personnel durant la réunion à huis clos. » La séance publique a été levée immédiatement après.

43    Une fois de plus, quatre des membres actuel(le)s du conseil avec qui notre Bureau a parlé siégeaient alors au conseil. La greffière et la greffière adjointe étaient toutes deux présentes. Et une fois encore, aucune des personnes interrogées n’avait de souvenirs personnels de la réunion à huis clos.

 

Analyse

Exception de l’acquisition ou la disposition d’un bien-fonds

44    Quand une municipalité procède à l’achat ou à la vente d’un bien-fonds municipal, le fait de tenir des discussions sur la transaction foncière en séance publique peut avoir des répercussions sur la position ou la stratégie de négociation de la municipalité. L’Ombudsman a conclu que l’objectif de l’exception de « l’acquisition ou la disposition d’un bien-fonds » est de protéger la position de négociation de la municipalité lors des négociations d’achat ou de vente d’un bien-fonds[8]. Comme l’alinéa 239 (2) c) de la Loi fait référence à « l’acquisition ou la disposition projetée ou en cours d’un bien-fonds par la municipalité » [soulignement ajouté], la municipalité doit être soit le vendeur, soit l’acheteur du bien-fonds en question pour que l’exception s’applique[9].

45    Notre Bureau a conclu que les discussions purement hypothétiques sur des transactions foncières ne relevaient pas de cette exception des réunions à huis clos. La municipalité doit avoir une position de négociation à protéger. En l’absence de position de négociation, l’exception ne s’applique pas[10].

46    Dans le cas actuel, la discussion du Comité exécutif sur le développement d’un « carrefour du Comté », ne relève pas de l’exception, car elle ne concernait pas l’acquisition ou la disposition d’un bien-fonds. Le Comté était déjà propriétaire du terrain en question et ne cherchait pas à le vendre, mais plutôt à agrandir le bâtiment existant sur ce site. Bien que la documentation de la réunion à huis clos fasse référence à la possibilité de vendre la propriété existante, comme option à examiner par le Comité exécutif, le procès-verbal n’indique aucunement que ce sujet ait été discuté. Même si le Comité avait discuté de cette option, la discussion serait restée purement hypothétique, car le Comté ne prenait pas réellement de mesures pour vendre le terrain alors. Le Comté n’avait pas de position de négociation à protéger en lien avec cette propriété au moment de la réunion.

47    La discussion du Comité exécutif sur l’acquisition d’un bien-fonds pour l’autre projet était également hypothétique. Bien que le Comité ait discuté de la possibilité d’acquérir un terrain, aucune parcelle spécifique n’était identifiée. En fait, le procès-verbal indique que le Comté devait encore identifier et confirmer sur quel terrain précis le projet serait construit, ainsi que le budget à cet effet. Étant donné que l’acquisition éventuelle d’un terrain pour ce projet n’était qu’une simple possibilité et que le Comté n’avait pas de position de négociation à protéger alors, l’exception de « l’acquisition ou la disposition d’un bien-fonds » ne s’appliquait pas.

 

Réunion du 10 janvier 2019

48    Le 10 janvier 2019, le Comité exécutif a commencé sa séance publique ordinaire à 15 h 17. Presque immédiatement après, il s’est retiré à huis clos pour discuter du Nuclear Innovation Institute et d’une « Mise à jour de l’initiative du Bruce Centre of Excellence », en s’appuyant sur l’alinéa 239 (2) a), exception de la « sécurité des biens de la municipalité » et le paragraphe 239 (3.1), exception de « l’éducation ou la formation ».

49    Selon le procès-verbal de la réunion à huis clos, la DG par intérim et la directrice de la Planification et du développement ont présenté au Comité un rapport intitulé « Ontario Nuclear Innovation Institute Update ». Notre Bureau a examiné une copie de ce rapport.

50    Selon le procès-verbal, Bruce Power avait contacté le Comté au sujet d’une question concernant l’emplacement du Nuclear Innovation Institute (l’« Institut »). À l’époque, l’Institut était en cours de développement; il a officiellement ouvert ses portes en 2021. Le procès-verbal donne des détails sur les emplacements possibles pour l’Institut et décrit les prochaines étapes éventuelles du processus décisionnel, notamment la détermination des besoins en superficie en pieds carrés, la pertinence d’un emplacement particulier, l’évaluation d’autres options d’emplacements, le recrutement d’un(e) architecte et la convocation d’une réunion ultérieure, au besoin.

51    Le procès-verbal comprend aussi des recommandations de Bruce Power au Comité exécutif concernant l’avenir de l’Institut, incluant la création d’un comité de surveillance et la nomination d’une personne identifiée à un poste précis à l’Institut. Le procès-verbal indique en outre que des membres du personnel ont soulevé d’autres points à soumettre à l’examen du Comité, notamment la façon dont le poste en question serait structuré sur le plan administratif et la nécessité d’un plan d’affaires complet.

52    À la suite de cette discussion, le Comité a demandé au personnel de prendre d’autres mesures d’action. Le rapport fait en séance publique indique ceci : « Le président a signalé que des directives avaient été communiquées au personnel durant la réunion à huis clos. » La séance publique a été levée à 16 h 00.

53    Tous(toutes) les membres du conseil actuellement en poste siégeaient au conseil au moment de cette réunion, mais un(e) conseiller(ère) était absent(e). La greffière et la greffière adjointe étaient toutes deux présentes. Un(e) seul(e) des conseiller(ère)s que nous avons interrogé(e)s a déclaré se souvenir de cette réunion, mais a fait savoir par la suite qu’il(elle) avait pu confondre cette réunion avec une autre, et se souvenait surtout de son impression générale à ce sujet. Nous avons également parlé avec plusieurs ancien(ne)s membres du personnel pour comprendre le statut de l’Institut au moment de cette réunion.

 

Analyse

Exception de la sécurité des biens de la municipalité

54    L’alinéa 239 (2) a) de la Loi permet à une municipalité ou à un conseil local de discuter à huis clos de « la sécurité des biens de la municipalité ou du conseil local ». Dans un rapport daté de novembre 2016 adressé à la Ville de Grimsby, mon Bureau a décrit comme suit la portée de cette exception :

En 2009, le Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée a conclu qu’il fallait comprendre l’expression « sécurité des biens de la municipalité » dans son sens ordinaire, signifiant la protection d’un bien-fonds contre tout dommage ou toute perte physique (par exemple, vandalisme ou vol), et la protection de la sécurité du public relativement à ce bien-fonds. En 2011, le Commissaire a précisé que l’expression peut s’appliquer à des biens « corporels » et « incorporels », aussi longtemps qu’ils appartiennent à la municipalité et que les discussions visent à prévenir tout dommage ou toute perte[11].


55    Dans ce cas, lors de la réunion du 10 janvier 2019, la discussion du Comité exécutif a porté sur des emplacements potentiels du Nuclear Innovation Institute, ainsi que sur les prochaines étapes à suivre pour faire avancer le projet. Le procès-verbal de la réunion à huis clos n’indique aucune discussion sur des menaces, pertes ou dommages potentiels aux biens de la municipalité, corporels ou incorporels. Aucune des personnes avec lesquelles nous avons parlé n’a mentionné de menace(s) ou de perte ou de dommage potentiel relativement aux biens du Comté. Par conséquent, la discussion du Comité ne relève pas de l’exception de la « sécurité des biens de la municipalité ».

 

Exception de l’éducation et la formation

56    Comme décrit précédemment, l’exception de « l’éducation ou la formation » s’applique uniquement quand l’objectif de la discussion vise l’éducation ou la formation des membres du conseil, et quand aucun(e) membre ne discute ou ne traite autrement d’une question d’une manière qui fait avancer de façon importante les travaux ou la prise de décision du conseil.

57    Le 10 janvier 2019, le Comité exécutif a discuté d’emplacements éventuels pour le Nuclear Innovation Institute, ainsi que des prochaines étapes à suivre pour choisir un emplacement et faire avancer le projet. En fin de compte, le Comité exécutif a voté pour donner des directives au personnel sur ces prochaines étapes. Cette discussion ne visait pas uniquement à fournir des renseignements généraux aux membres du Comité exécutif, ni à les former ou les éduquer. Elle visait plutôt à informer, et à faire avancer la prise de décision au sujet du Nuclear Innovation Institute. Cette discussion ne relevait pas de l’exception de l’éducation ou la formation.

 

Autres exceptions des réunions à huis clos

58    Bien que le Comité exécutif n’ait pas cité d’autres exceptions relativement aux réunions à huis clos, les personnes avec lesquelles nous avons parlé ont mentionné plusieurs autres exceptions qui, de leur avis, auraient pu s’appliquer à la discussion du Comité.

 

Exception des renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée

59    L’un(e) des membres du conseil avec qui nous avons parlé a suggéré que la discussion avait dû se tenir à huis clos parce que certaines personnes étaient nommées dans le procès-verbal, notamment une personne qui obtiendrait un nouveau poste à l’Institut.

60    Mon Bureau a conclu que, pour être considérés comme des « renseignements privés » les renseignements doivent concerner une personne à titre personnel, plutôt qu’à titre professionnel, officiel ou commercial[12]. Toutefois, les renseignements concernant une personne à titre professionnel peuvent être considérés comme des renseignements privés s’ils révèlent quelque chose de nature personnelle à propos de cette personne. Par exemple, les discussions sur la conduite, le rendement et le salaire de membres du personnel peuvent relever de cette exception[13]. Les discussions sur des renseignements concernant un(e) ou plusieurs candidat(e)s en particulier à un poste peuvent aussi relever de cette exception[14].

61    Dans le cas présent, une personne en particulier est nommée dans le procès-verbal à titre de candidat(e) suggéré(e) pour un rôle précis. Le procès-verbal indique aussi que le Comité a brièvement discuté de la manière dont ce nouveau rôle serait structuré.

62    Étant donné que la discussion du Comité exécutif a identifié une personne en particulier relativement à des changements de son statut d’emploi, cette partie de la discussion relevait de l’exception des « renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée ».

63    Cependant, selon le procès-verbal de la réunion, ce n’était qu’une petite partie de la discussion du Comité, et notre enquête montre que la discussion aurait pu être séparée du reste de la discussion sur le Nuclear Innovation Institute.

64    Dans St. Catharines v. IPCO, 2011, la Cour divisionnaire a conclu qu’il n’est pas réaliste de s’attendre à ce que les conseils municipaux divisent les discussions entre séances publiques et séances à huis clos lorsque cela « nuirait à une discussion libre, ouverte et ininterrompue »[15]. En d’autres termes, lorsqu’il n’est pas réaliste de s’attendre à ce que le conseil divise des sujets qui se chevauchent, des points ne relevant pas autrement d’une exception des réunions à huis clos peuvent être discutés à huis clos[16]. Toutefois, si les points peuvent être séparés, le conseil est censé revenir en séance publique pour ces parties de la discussion qui ne relèvent pas d’une exception relativement aux réunions publiques.

65    Dans ce cas, la brève discussion sur la nomination d’une personne à un nouveau poste, et sur la façon de structurer son rôle, relevait de l’exception des renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée. Par conséquent, il était pertinent de discuter de ces points à huis clos. Toutefois, la discussion plus générale sur l’Institut aurait pu être séparée de la discussion sur une personne identifiable, et aurait donc pu se dérouler en séance publique.

 

Exception pour des renseignements communiqués à titre confidentiel par un tiers

66    Quelques membres du conseil ont suggéré que le Comité aurait pu invoquer l’exception relative aux réunions à huis clos pour les renseignements communiqués à titre confidentiel, prévue à l’alinéa 239 (2) i) de la Loi. Un(e) conseiller(ère) a déclaré que Bruce Power avait un concept ou un plan qu’il souhaitait garder confidentiel, jusqu’à ce qu’il soit prêt à être annoncé. Un(e) autre conseiller(ère) a dit que la discussion à ce sujet avait eu lieu à huis clos pour protéger les intérêts de Bruce Power. Toutefois, ce(cette) conseiller(ère) a reconnu que Bruce Power n’avait fourni au Comté aucun renseignement exclusif, secret commercial ou information financière durant leurs discussions. Enfin, un(e) troisième conseiller(ère) a suggéré que l’exception des renseignements communiqués à titre confidentiel par un tiers pourrait être pertinente étant donné qu’une autre municipalité et le Nuclear Innovation Institute avaient remis une liste confidentielle d’emplacements éventuels présentant un intérêt pour eux, en lien avec l’Institut.

67    Mon Bureau a conclu que cette exception s’applique quand :

  1. la discussion porte sur des renseignements qui relèvent de l'un des types énumérés (secret industriel, renseignements d’ordre scientifique, technique, commercial, financier ou renseignements sur les relations de travail);

  2. les renseignements ont été communiqués à titre confidentiel, explicitement ou implicitement, à la municipalité par un tiers;

  3. s’ils étaient divulgués, pourraient selon toutes attentes raisonnables avoir pour effet de nuire, soit en portant gravement préjudice à la situation concurrentielle, ou en entravant gravement les négociations contractuelles ou autres d'une personne, d'un groupe de personnes ou d'une organisation[17].


68    Parmi les types de renseignements énumérés dans l’exception, les termes « commercial » et « financier » sont ceux qui se rapprochent le plus du type d’information discuté lors de la réunion du Comité. Le CIPVP définit comme suit les « renseignements commerciaux » :

Renseignement qui concerne uniquement l’achat, la vente ou l’échange de marchandises ou de services. Ce terme peut s’appliquer aussi bien aux entreprises à but lucratif qu’aux organismes à but non lucratif, et s’applique aussi bien aux grandes entreprises qu’aux petites. Le fait qu’un document puisse avoir une valeur monétaire, ou une valeur monétaire potentielle, ne signifie pas nécessairement que le document lui-même contient des renseignements commerciaux[18].


69    Le CIPVP définit les « renseignements financiers » comme des « renseignements relatifs à l’argent et à son utilisation ou à sa distribution [qui] doivent contenir des données spécifiques ou y faire référence. Les exemples incluent les méthodes de comptabilité des coûts, les pratiques de tarification, les données sur les profits et les pertes, les frais généraux et les coûts d’exploitation »[19].

70    Dans ce cas, les renseignements communiqués par Bruce Power et l’autre municipalité ne sont pas des renseignements commerciaux ou financiers. La liste des emplacements potentiels pour l’Institut a trait à des biens immobiliers et n’est donc pas liée à l’achat, la vente ou l’échange de « marchandises ou services ». Ce ne sont pas non plus des « renseignements financiers, tels que définis par le CIPVP. Les autres catégories de renseignements énumérés ne s’appliquent pas non plus.

71    Étant donné qu’aucun des renseignements discutés lors de la réunion à huis clos du 10 janvier 2019 n’entre dans l’une des catégories énumérées à l’alinéa 239 (2) i), l’exception ne s’est pas appliquée à la discussion du Comité, et il n’est pas nécessaire de l’examiner plus avant.

 

Exception pour des renseignements communiqués à titre confidentiel par un autre palier de gouvernement

72    Nous avons également examiné l’applicabilité de l’exception des renseignements communiqués à titre confidentiel par un autre palier de gouvernement, car plusieurs personnes avec lesquelles nous avons parlé ont indiqué qu’une autre municipalité avait fourni la liste d’emplacements possibles pour l’Institut.

73    L’exception à l’alinéa 239 (2) h) s’applique « aux renseignements explicitement communiqués à titre confidentiel à la municipalité ou au conseil local par le Canada, une province, un territoire ou un organisme de la Couronne de l’un d’eux ». Comme les emplacements possibles ont été communiqués par le Comté de Bruce ou une autre municipalité, plutôt que par le Canada, une province, un territoire, ou un organisme de la Couronne de l’un d’eux, cette exception ne peut pas s’appliquer aux renseignements discutés par le Comité.

 

Exception de l’acquisition ou la disposition d’un bien-fonds

74    Certain(e)s des membres du conseil avec qui nous avons parlé ont suggéré que l’exception de « l’acquisition ou la disposition d’un bien-fonds » était peut-être pertinente, car le Comité avait discuté d’emplacements possibles pour le Nuclear Innovation Institute.

75    Selon un(e) conseiller(ère), le Comté était propriétaire d’un seul des emplacements potentiels identifiés pour l’Institut. Le(la) conseiller(ère) nous a dit que, lors de la réunion à huis clos, le Comité avait discuté de la possibilité d’acquérir un terrain dont la municipalité n’était pas propriétaire alors.

76    Comme décrit précédemment, les discussions purement hypothétiques sur des transactions foncières ne relèvent pas de l’exception de « l’acquisition ou la disposition d’un bien-fonds ». Pour que l’exception s’applique, la discussion doit porter sur une transaction foncière concrète, actuellement en cours, ou proposée, et non une transaction foncière hypothétique qui pourrait se produire ou non à l’avenir[20].

77    Dans un rapport de 2018 à la Ville de Fort Erie, mon Bureau a conclu que le conseil s’était réuni à huis clos à deux reprises pour discuter d’un partenariat potentiel avec un établissement d’enseignement postsecondaire, en invoquant l’exception de « l’acquisition ou la disposition d’un bien-fonds »[21]. Lors de l’une de ces réunions, le conseil avait fait référence à des emplacements précis susceptibles d’être d’intérêt pour le projet. Mon Bureau a conclu que l’exception ne s’appliquait pas parce que le conseil n’avait pas encore identifié une propriété spécifique qu’il souhaitait acheter ou louer, et il n’avait pris aucune mesure concrète pour acquérir une propriété quelconque. Par conséquent, la Ville n’avait pas de position de négociation à protéger.

78    Dans le cas présent, le procès-verbal de la réunion à huis clos fait état de divers emplacements possibles pour le Nuclear Innovation Institute, mais il indique clairement que le Comté et/ou Bruce Power n’ont pas encore choisi un emplacement précis à continuer d’examiner. De plus, les personnes avec lesquelles nous avons parlé ne savaient pas quel rôle, le cas échéant, le Comté de Bruce jouerait dans l’acquisition éventuelle d’un bien-fonds. Notre enquête indique qu’aucune transaction foncière n’était en cours ou n’avait été proposée, et qu’aucune mesure concrète n’avait été prise pour acquérir un bien-fonds ou entamer des négociations. Par conséquent, le Comté n’avait pas encore de position de négociation à protéger et l’exception de « l’acquisition ou la disposition d’un bien-fonds » ne s’appliquait pas.

 

Questions de procédure

Adéquation des procès-verbaux des réunions

79    Pour plusieurs des réunions en question, mon Bureau a observé que la plus grande partie du procès-verbal avait été copiée textuellement à partir de rapports connexes du personnel, et il n’était pas clair dans quelle mesure cela reflétait le contenu de la discussion réellement tenue à huis clos par le Comité. Par conséquent, et compte tenu de l’absence de souvenirs des témoins, mon Bureau a eu des difficultés à déterminer la teneur des discussions du Comité exécutif sur certaines questions.

80    Le paragraphe 239 (7) de la Loi exige que toutes les résolutions, décisions et autres procédures qui ont lieu au cours d’une réunion soient consignées sans remarques. Cette exigence s’applique à la réunion, qu’elle soit publique ou à huis clos.

81    Bien que la Loi exige que les procès-verbaux soient consignés « sans remarques », l’exigence de consigner un procès-verbal de la réunion doit être interprétée conformément à l’intention des dispositions des réunions municipales, qui visent à améliorer l’ouverture, la transparence et la responsabilisation du gouvernement municipal.

82    Mon Bureau a conclu qu’un compte rendu approprié de réunion à huis clos devrait inclure les éléments suivants:

  • lieu de la réunion;

  • moment où la réunion a commencé, a été ajournée;

  • personne qui a présidé la réunion;

  • personnes présentes à la réunion, avec référence spécifique au greffier et aux autres responsables du compte rendu;

  • indication de tout participant qui est parti ou arrivé durant la réunion, avec mention de l’heure de départ ou d’arrivée;

  • description détaillée des questions de fond et de procédure qui ont été discutées, avec référence à tout document considéré;

  • toute motion, avec référence à la personne qui l’a présentée et à celles qui l’ont appuyée;

  • tous les votes, et toutes les directives données[22].


83    De plus, à titre de pratiques exemplaires, mon Bureau recommande à toutes les municipalités de faire des enregistrements audio ou vidéo de toutes les réunions – aussi bien publiques qu’à huis clos – afin d’en conserver un compte rendu complet. En outre, cette pratique permet aux enquêteurs(euses) des réunions à huis clos de consulter une documentation claire et accessible, et contribue à s’assurer que les fonctionnaires ne s’écartent pas des exigences légales durant les huis clos.

84    Certes, je reconnais que le Comté a modifié un certain nombre de ses pratiques de réunions à huis clos depuis les réunions examinées dans le présent rapport, mais le Comté devrait veiller avec diligence à conserver des procès-verbaux complets et exacts de toutes les questions de fond et de procédure discutées à huis clos. J’encourage aussi vivement toutes les municipalités à faire des enregistrements audio ou vidéo des délibérations du conseil, incluant les réunions à huis clos.

 

Faire rapport

85    Les rapports faits en séance publique pour les quatre dates en question ne fournissent pas suffisamment de détails pour permettre au public de comprendre ce qui a été discuté en séance à huis clos.

86    Certaines des personnes interrogées nous ont indiqué qu’avant la formation supplémentaire donnée au conseil, le rapport fait par le Comité exécutif à l’issue du huis clos se limitait souvent à une déclaration indiquant que le personnel avait reçu des directives. Cependant, nous avons appris que cette pratique a été modifiée et que le Comté s’efforce maintenant de communiquer le plus de détails possible quand il fait rapport en séance publique.

87    Mon Bureau a systématiquement recommandé aux municipalités d’adopter la pratique exemplaire qui consiste à faire rapport de manière significative, dans la mesure du possible, après des discussions à huis clos[23], et j’encourage le Comté à poursuivre son engagement à améliorer la transparence et l’ouverture. Bien que les règles des réunions publiques n’exigent pas des municipalités qu’elles fassent rapport après une réunion à huis clos, le Comté aurait pu éviter certaines de ces plaintes s’il avait communiqué au public un rapport plus clair sur ses discussions à huis clos.

 

Opinion

88    Le Comité exécutif du Comté de Bruce n'a pas enfreint la Loi de 2001 sur les municipalités lorsqu'il s'est réuni à huis clos le 2 août 2018, car sa discussion relevait de l'exception relative aux réunions à huis clos pour les litiges actuels ou éventuels.

89    Le Comité a enfreint la Loi de 2001 sur les municipalités le 21 septembre 2017 et le 6 septembre 2018, car ses discussions ne relevaient d’aucune exception aux règles des réunions publiques énoncées dans la Loi. Le Comité a aussi enfreint la Loi en votant sur une question durant la réunion du 21 septembre 2017, question qui ne relevait d’aucune exception aux règles des réunions à huis clos.

90    Le Comité a également enfreint la Loi de 2001 sur les municipalités le 10 janvier 2019, car seule une partie de ses discussions à huis clos relevait d’une exception prescrite de la Loi. Les parties des discussions portant sur un nouveau poste pour une personne identifiable relevaient de l’exception des renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée. Cependant, elles auraient pu être séparées du reste des discussions du Comité sur le Nuclear Innovation Institute. Le reste des discussions tenues à cette date ne relevait d’aucune des exceptions relatives aux réunions à huis clos.

 

Recommandations

91    Je fais les recommandations suivantes pour aider le Comté de Bruce à s’acquitter de ses obligations en vertu de la Loi et à améliorer la transparence de ses réunions :

 
Recommandation 1

Tous(toutes) les membres du Comité exécutif du Comté de Bruce devraient s’acquitter avec vigilance de leur obligation individuelle et collective et veiller à ce que la municipalité se conforme à ses responsabilités en vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités et de son règlement de procédure.

 
Recommandation 2

Le Comité exécutif du Comté de Bruce devrait veiller à ce qu’aucun sujet ne soit abordé en séance à huis clos, à moins qu’il ne relève clairement de l’une des exceptions légales aux exigences des réunions publiques.

 
Recommandation 3

Le Comité exécutif du Comté de Bruce devrait s’assurer que ses votes à huis clos sont conformes au paragraphe 239 (6) de la Loi de 2001 sur les municipalités.

 
Recommandation 4

Le Comité exécutif du Comté de Bruce devrait veiller à ne citer que les exceptions de la Loi relatives aux réunions à huis clos qui s’appliquent aux discussions à huis clos.

 
Recommandation 5

Le Comité exécutif du Comté de Bruce devrait s’assurer que les comptes rendus des réunions sont complets et reflètent fidèlement tous les points de fond et de procédure qui ont été discutés.

 
Recommandation 6

À titre de pratique exemplaire, le Comité exécutif du Comté de Bruce devrait faire des enregistrements audio ou vidéo de ses délibérations, y compris des réunions à huis clos.

 
Recommandation 7

À titre de pratique exemplaire, le Comité exécutif du Comté de Bruce devrait adopter la pratique qui consiste à rendre compte de manière significative, si possible, à la suite de discussions en séance à huis clos.



 

Rapport

92    Le conseil du Comté de Bruce a eu l’occasion d’examiner et de commenter une version préliminaire de ce rapport pour mon Bureau. En raison des restrictions mises en place pour cause de COVID-19, certaines modifications ont été apportées au processus habituel d'examen préliminaire et nous remercions le conseil et le personnel de leur coopération et de leur souplesse. Les commentaires que nous avons reçus ont été pris en compte dans la préparation de ce rapport final.

93    Dans ses commentaires, le conseil du Comté de Bruce a fait valoir que la discussion du Comité exécutif le 10 janvier 2019 relevait de l’exception des réunions à huis clos concernant les projets et instructions dans le cadre de négociations, en vertu de l’alinéa 239 (2) k) de la Loi.

94    J’ai conclu précédemment que l’objectif de cette exception est de permettre à une municipalité de protéger des renseignements qui pourraient nuire à la position de négociation de la municipalité, ou donner à une autre partie un avantage injuste par rapport à la municipalité durant une négociation en cours[24]. Pour que l’exception s’applique, la municipalité doit démontrer que :

  • la discussion à huis clos portait sur des positions, projets, procédures, critères ou instructions;

  • les positions, projets, procédures, critères ou instructions sont destinés à être appliqués aux négociations;

  • les négociations sont en cours, ou à venir;

  • les négociations sont menées par la municipalité ou en son nom[25].


95    J’ai constaté que, pour plusieurs des réunions en question, la plus grande partie du procès-verbal avait été copiée textuellement à partir de rapports connexes du personnel et que les témoins n’avaient gardé aucun souvenir personnel des discussions à huis clos. Cela était vrai pour la réunion du 10 janvier 2019. Par conséquent, il n’était pas clair dans quelle mesure le procès-verbal reflétait le contenu de la discussion réellement tenue à huis clos par le Comité, ou quelle avait été la discussion du Comité exécutif.

96    Selon le procès-verbal, le personnel a présenté un rapport au Comité fournissant des détails sur des emplacements possibles pour le Nuclear Innovation Institute, les prochaines étapes potentielles du processus décisionnel, et des recommandations de Bruce Power. Le procès-verbal n’indique pas dans quelle mesure le Comité a effectivement discuté ou non des positions, projets, procédures, critères, instructions, ou de la nature de négociations en cours ou futures. En raison du temps écoulé, les personnes auxquelles nous avons parlé ne se souvenaient pas des détails des discussions durant cette réunion.

97    En fonction des preuves documentaires recueillies et des entrevues que nous avons effectuées, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que le Comité exécutif n’a pas discuté de projets et d’instructions dans le cadre de négociations durant la séance à huis clos le 10 janvier 2019. Par conséquent, l’exception des « projets et instructions dans le cadre de négociations » ne s’appliquait pas à la discussion du Comité.

98    Ce rapport sera affiché sur le site Web de mon Bureau, et devrait être rendu public par le Comté de Bruce. Conformément au paragraphe 239.2 (12) de la Loi de 2001 sur les municipalités, le conseil est tenu d’adopter une résolution indiquant comment il entend donner suite à ce rapport.


________________________
Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario



[1] L.O. 2001, chap. 25.
[2] Voir par exemple : Ce lien s'ouvre dans un nouvel onglet https://pub-brucecounty.escribemeetings.com/filestream.ashx?DocumentId=7180.
[3] Comme indiqué précédemment, seul(e)s quatre des membres actuel(le)s du conseil étaient en poste lors de cette réunion. Seul(e)s trois de ces membres ont assisté à la réunion; le(la) quatrième a envoyé ses excuses.
[4] Ombudsman de l'Ontario, Enquête visant à déterminer si le Conseil du Village de Casselman a tenu une réunion à huis clos illégale le 8 janvier 2015, (avril 2015), en ligne.
[5] Lettre de l’Ombudsman de l’Ontario à la Ville de Moosonee (9 septembre 2014), en ligne.
[6] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur de multiples réunions à huis clos du Conseil de la Ville de Welland de juin 2012 à mai 2014, (novembre 2014), en ligne.
[7] Voir p. ex., Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur la réunion à huis clos tenue par la Municipalité de St.-Charles le 6 mars 2017, (juin 2017), en ligne.
[8] Ombudsman de l'Ontario, Enquête visant à déterminer si le Conseil de la Ville de Fort Erie a tenu une réunion à huis clos illégale le 10 décembre 2014, (avril 2015), en ligne.
[9] Ombudsman de l'Ontario, Enquête visant à déterminer si le Conseil de la Ville de Port Colborne a tenu des réunions à huis clos illégales le 8 mars 2010, le 27 janvier 2014, et le 8 décembre 2014, (novembre 2015), en ligne.
[10] Ombudsman de l'Ontario, Enquête visant à déterminer si le Conseil de la Ville de Fort Erie a tenu une réunion à huis clos illégale le 10 décembre 2014, (avril 2015), en ligne.
[11] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos d’une réunion tenue par le Conseil de la Ville de Grimsby le 2 mai 2016, (novembre 2016), en ligne.
[12] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une réunion à huis clos du Canton de Lanark Highlands, (janvier 2018), en ligne.
[13] Voir p. ex., Ombudsman de l'Ontario, Enquête visant à déterminer si le conseil de la Ville du Grand Sudbury a tenu des réunions à huis clos illégales le 2 mars, le 23 mars et le 26 avril 2016, (janvier 2017), en ligne; et Ombudsman de l'Ontario, Enquête visant à déterminer si le Conseil du Canton de Russell a tenu une réunion à huis clos illégale le 1er juin 2015, (novembre 2015), en ligne.
[14] Ombudsman de l'Ontario, Enquête visant à déterminer si le Conseil du Canton de Russell a tenu une réunion à huis clos illégale le 1er juin 2015, (novembre 2015), en ligne.
[15] Ce lien s'ouvre dans un nouvel onglet St. Catharines (City) v. IPCO, 2011 ONSC 2346, par. 42, en ligne.
[16] Ombudsman de l'Ontario, Enquête à propos d’une plainte sur une réunion à huis clos tenue par la Ville de Plympton-Wyoming le 24 juin 2020, (février 2021), en ligne.
[17] Lettre de l’Ombudsman de l’Ontario à la Ville de South Bruce Peninsula (14 octobre 2021), en ligne.
[18] Voir p. ex., les Ordonnances PO-4183; PO-3570; PO-2018; PO-2010; P-1621; P-493.
[19] Voir p. ex., les Ordonnances PO-4183 et PO-2010.
[20] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur les réunions à huis clos tenues par le conseil de la Ville de Fort Erie les 4 et 6 décembre 2017, (avril 2018), par. 31, en ligne.
[21] Ibid.
[22] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos d’une réunion tenue par le conseil du Canton de Tehkummah le 22 décembre 2017, (avril 2018), en ligne.
[23] Voir p. ex., Lettre de l’Ombudsman de l’Ontario au Canton de Carling (3 octobre 2019), en ligne.
[24] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos d’une réunion à huis clos tenue par la Ville de St. Catharines le 25 juin 2018, (février 2019), par. 30-31, en ligne.
[25] Ibid.