Ville de St. Catharines

Ville de St. Catharines

février 14, 2019

14 février 2019

L’Ombudsman a reçu une plainte à propos d’une réunion tenue par le conseil de la Ville de St. Catharines en juin 2018. La plainte alléguait que la discussion du conseil sur une proposition de poste du personnel ne relevait pas des exceptions des « négociations » ou des « relations de travail ou négociations avec les employés » énoncées dans la Loi de 2001 sur les municipalités. L’Ombudsman a conclu que la discussion ne relevait pas des exceptions des réunions publiques.

Enquête sur une plainte à propos d’une réunion à huis clos tenue par la Ville de St. Catharines le 25 juin 2018

Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario

février 2019

 

Plainte

1    En août 2018, mon Bureau a reçu une plainte à propos d’une réunion à huis clos tenue par le conseil de la Ville de St. Catharines (la « ville ») le 25 juin 2018.

2    Cette plainte alléguait que, durant la réunion, le conseil avait tenu une séance à huis clos illégale pour discuter d’une proposition de poste du personnel.
 


Compétence de l’Ombudsman

3    En vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités[1] (la « Loi »), toutes les réunions d’un conseil municipal, d’un conseil local et des comités de l'un ou de l'autre doivent se tenir en public, à moins de relever des exceptions prescrites.

4    Depuis le 1er janvier 2008, la Loi accorde aux citoyens le droit de demander une enquête visant à déterminer si une municipalité s’est conformée à la Loi en tenant une réunion à huis clos. Les municipalités peuvent désigner leur propre enquêteur. La Loi fait de l’Ombudsman l’enquêteur par défaut dans les municipalités qui n'en ont pas désigné.

5    L’Ombudsman est chargé d’enquêter sur les réunions à huis clos pour la Ville de St. Catharines.

6    Quand nous enquêtons sur des plaintes à propos de réunions à huis clos, nous cherchons à déterminer si les exigences des réunions publiques énoncées dans la Loi et les procédures de gouvernance municipales ont été respectées.

 

Procédures du conseil

7    Le règlement de procédure de la ville (règlement no 2015-170 tel que modifié par le règlement 2016-207) stipule que toutes les réunions doivent se tenir en public, sauf dans les cas prévus par la Loi. Avant de se retirer à huis clos, le conseil et tout comité doivent indiquer par voie de résolution le fait qu’ils vont tenir une réunion à huis clos et la nature générale de la question à examiner.

 

Processus d’enquête

8    Le 18 septembre 2018, nous avons avisé la ville de notre intention de faire enquête sur cette plainte.

9    Des membres de l’équipe de mon Bureau qui est chargée d’examiner les réunions publiques se sont penchés sur les extraits pertinents des règlements et des politiques de la ville, ainsi que de la Loi. Ils ont aussi examiné la documentation de la séance publique et de la séance à huis clos de la réunion du conseil le 25 juin, ainsi que celle de la réunion du conseil le 11 juin 2018. La ville fait des enregistrements audio et vidéo de ses séances publiques. Les membres de mon équipe ont de plus examiné l’enregistrement de la séance publique de la réunion du 25 juin.

10    Nous avons interviewé les membres du conseil, la greffière et l’avocate de la ville.

11    Mon Bureau a obtenu une pleine collaboration dans cette affaire.

 

Contexte

Réunion à huis clos du 25 juin

12    Durant une réunion ordinaire le 25 juin 2018, le conseil s’est retiré à huis clos. Le procès-verbal de la séance publique n'indique pas de résolution adoptée pour se retirer à huis clos, alors que l’enregistrement audio et vidéo de la réunion inclut une motion adoptée verbalement pour tenir un huis clos. Toutefois, cette motion verbale n’inclut pas de description générale des questions à examiner à huis clos, et ne cite pas les exceptions des réunions publiques invoquées par le conseil pour se retirer à huis clos.

13    Selon l’ordre du jour de la réunion du 25 juin, quatre points devaient être discutés à huis clos. L’un d'eux était le suivant : « question du personnel de développement économique – relations gouvernementales ». L’ordre du jour indiquait que les exceptions des relations de travail et des négociations énoncées aux alinéas 239 (2) d) et 239 (2) k) de la Loi s’appliquaient à cette question.

14    Tous les membres du conseil, à l’exception du conseiller Mark Elliot, étaient présents, de même que la greffière, l’avocate de la ville et plusieurs membres du personnel.

15    Nous avons été informés que le but de la discussion sur « la question du  personnel de développement économique » était que le conseil reçoive et examine un rapport confidentiel du personnel sur la faisabilité et la fonctionnalité de l’ajout d’un poste de conseiller en relations gouvernementales à l’administration de la ville. Le rapport a fourni au conseil des renseignements financiers sur le poste proposé, ainsi que des données provenant d’autres municipalités où il existait un poste similaire. Le rapport du personnel a été présenté au conseil par le directeur du développement économique et des relations gouvernementales.

16    D’après les personnes que nous avons interviewées, une fois que le rapport du personnel lui a été présenté, le conseil a discuté de la nature et du rôle du poste proposé et a débattu de la nécessité d’un tel poste au sein de l’administration municipale. Certains conseillers se sont souvenus d'avoir souligné que les liens personnels des membres du conseil avec des députés provinciaux pourraient être utilisés afin de promouvoir les relations avec le gouvernement provincial. D’autres se sont souvenus d’avoir examiné si ce poste « pourrait se subvenir » grâce à des demandes de subventions fructueuses faites au nom de la ville.

17    Le conseil a aussi discuté des détails de l’emploi, entre autres du salaire, des frais de déménagement et de la durée du contrat. Nous avons été informés que le maire, le directeur général et le directeur du développement économique et des relations gouvernementales avaient répondu aux questions posées par les membres du conseil.

18    Nous avons aussi été informés qu’à un moment de la discussion de brèves références de haut niveau ont été faites à certains projets municipaux susceptibles de relever des responsabilités du nouveau conseiller en relations gouvernementales, étant donné que ce conseiller serait appelé à faire valoir les intérêts de la ville auprès du gouvernement provincial.

19    L’avocate de la ville était présente durant la séance à huis clos, mais elle n’a donné aucun conseil juridique.

20    Après la séance à huis clos, le conseil a adopté la résolution suivante en public :

Que le conseil approuve l’ajout demandé d’un poste de conseiller en relations gouvernementales à la Division du développement économique et des relations gouvernementales; et
 
Que le conseil ordonne que le poste de conseiller en relations gouvernementales proposé soit financé par le Fonds de réserve de stabilisation fiscale pour 2018, et ajouté au budget de 2019.


 

Analyse

Applicabilité de l’exception des « relations de travail »

21    La ville a cité l’exception des relations de travail quand elle s’est retirée à huis clos pour discuter de la proposition de poste de conseiller en relations gouvernementales.

22    En vertu de la Loi, le conseil est en droit de discuter à huis clos de questions concernant les relations de travail ou les négociations avec les employés (al. 239 (2) d)).

23    D’après la Cour d’appel de l’Ontario, la définition de « relations de travail » peut s’appliquer aux relations ou aux conditions de travail qui vont au-delà du contexte des négociations collectives[2]. Le Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée a conclu que l'expression « relations de travail » désigne les relations de négociations collectives entre un organisme et ses employés.

24    Dans un rapport précédent au Canton de Baldwin, mon Bureau a conclu que le but de l’exception des relations de travail était de protéger les discussions liées aux relations entre une municipalité et ses employés. Les discussions sur un processus d’embauche qui comprend un examen de candidats individuels peuvent aussi relever de l’exception des relations de travail[3].

25    Dans ce cas, la discussion ne portait pas sur les relations entre la municipalité et ses employés, et la conversation n’a pas fait référence à certaines personnes en particulier qui pourraient être embauchées comme conseiller en relations gouvernementales. La discussion à huis clos a plutôt porté sur la nature et le rôle d’un poste proposé. Les responsabilités et les fonctions générales de ce poste, son salaire, la durée du contrat et d’autres détails d’emploi ont été discutés. Le rapport du personnel a fourni des renseignements financiers sur le poste proposé ainsi que les données provenant d’autres municipalités où un poste similaire existait.

26    Par conséquent, la discussion à huis clos du conseil ne relevait pas de l’exception des relations de travail.

 

Applicabilité de l’exception des « négociations »

27    Quatre nouvelles exceptions pour les réunions publiques sont entrées en vigueur le 1er janvier 2018, dans le cadre de la Loi de 2017 sur la modernisation de la législation municipale ontarienne. L’alinéa 239 (2) k) stipule qu’une réunion à huis clos peut avoir lieu si la question à examiner porte sur :

une position, un projet, une ligne de conduite, une norme ou une instruction devant être observé par la municipalité ou le conseil local, ou pour son compte, dans le cadre d’une négociation actuelle ou éventuelle.


28    Cette réunion est la toute première sur laquelle mon Bureau enquête en vertu de cette exception.

29    Pour examiner les paramètres des exceptions des réunions publiques, mon Bureau s'est souvent penché sur la jurisprudence du Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée (CIPVP). Ces décisions ne sont pas contraignantes pour mon Bureau; toutefois elles sont instructives en ce qui concerne l’applicabilité des exceptions des réunions publiques énoncées dans la Loi.

30    Dans le contexte de la législation sur l'accès à l’information et la protection de la vie privée, les organismes gouvernementaux peuvent refuser de divulguer des documents qui révéleraient leurs intentions à l’égard de négociations actuelles ou futures[4]. Le CIPVP a conclu que le but de cette exception est de protéger les renseignements qui pourraient saper la position de négociation du gouvernement, ou donner un avantage injuste au public par rapport au gouvernement[5].

31    Le CIPVP a établi un critère en quatre parties pour déterminer si un organisme peut refuser de divulguer un document parce qu’il contient des renseignements sur des négociations menées par l’organisme[6]. L’organisme doit démontrer que :

  1. le document comprend des positions, des plans, des procédures, des critères ou des instructions;

  2. les positions, plans, procédures, critères ou instructions sont destinés à être appliqués aux négociations;

  3. les négociations sont en cours, ou à venir;

  4. les négociations sont menées par l’organisme ou en son nom.


32    Dans une décision de 2002 confirmée en appel devant la Cour divisionnaire, le CIPVP a déterminé que pour satisfaire à la première partie du critère, il doit y avoir « certaines preuves qu’un plan d’action ou une façon de procéder est "prédéterminé", c’est-à-dire qu’il existe une structure organisée ou une définition donnée au plan d’action à adopter »[7]. Le CIPVP a conclu qu’un « plan » est « une méthode formulée et particulièrement détaillée par laquelle une chose doit être faite; un concept ou un schéma ». En ce qui concerne les positions, les procédures, les critères et les instructions, le Commissaire a conclu que ces termes « peuvent se référer de même à des plans d’action ou à des façons de procéder prédéterminés ».

33    Dans le cas actuel, la discussion à huis clos de la ville ne semble pas avoir porté sur des positions, des plans, des procédures ou des critères à appliquer à des négociations en cours ou à venir de la ville. La ville a déclaré à mon Bureau que l’exception des négociations s’appliquait à la séance à huis clos du 25 juin car la discussion du conseil sur l’embauche d’un conseiller en relations gouvernementales visait à déterminer comment la ville allait négocier avec la province à l’avenir, ainsi qu'à cerner les répercussions éventuelles du changement au gouvernement provincial sur les projets municipaux-provinciaux actuels.

34    Cependant, d’après les entrevues faites par mon Bureau, il est évident que la discussion a visé à déterminer le rôle et la nature d’un nouveau poste du personnel, et non à élaborer un plan d’action détaillé pour des négociations actuelles ou futures avec le gouvernement provincial. De plus, la discussion du conseil n’a comporté aucun renseignement susceptible de nuire à la position de négociation de la ville avec la province.

35    Il est clair que la discussion à huis clos du 25 juin portait sur le rôle d’un nouveau membre du personnel, chargé d’élaborer des stratégies municipales pour collaborer avec différents paliers du gouvernement. La discussion n’a aucunement porté sur des positions, des plans, des critères ou des instructions devant être appliqués par la ville à ses négociations actuelles ou futures avec ces paliers de gouvernement.

36    Par conséquent, la discussion à huis clos du conseil ne relevait pas de l’exception des négociations.

 

Questions de procédure : Procès-verbal et résolution de se retirer à huis clos

37    Pour exclure le public d’une réunion, le conseil doit adopter une résolution l’autorisant à se retirer à huis clos. Selon les règles des réunions publiques, la résolution doit indiquer le fait que le conseil va tenir une réunion à huis clos ainsi que la nature générale de la question à examiner[8]. Dans Farber v. Kingston, la Cour d’appel de l’Ontario a souligné que la résolution devrait fournir une description générale de la question à examiner d’une manière qui maximise les renseignements communiqués au public, sans pour autant porter atteinte à la raison d’exclure le public[9]. Le règlement de procédure de la ville exige aussi qu’avant de se retirer à huis clos, le conseil municipal indique par voie de résolution le fait qu’il va tenir une réunion à huis clos et la nature générale de la question à examiner.

38    Le paragraphe 239 (7) de la Loi exige que les municipalités « consignent, sans remarque, les résolutions, décisions et autres délibérations d’une réunion de l’entité, qu’elle se tienne à huis clos ou non ». Le procès-verbal devrait inclure une description détaillée des questions de fond et de procédure discutées, incluant toute motion adoptée durant la réunion.

39    Le procès-verbal de la séance publique de la réunion du 25 juin n’a pas indiqué la résolution adoptée pour se retirer à huis clos, bien que l’enregistrement audio et vidéo de la réunion comprenne la motion verbale. Toutefois, la motion verbale ne comprenait ni de description générale des questions à examiner, ni les exceptions invoquées pour les discussions à huis clos.

 

Opinion

40    Le conseil de la Ville de St. Catharines a enfreint la Loi de 2001 sur les municipalités le 25 juin 2018 quand il a discuté à huis clos d’une proposition de poste du personnel, pour un conseiller en relations gouvernementales. La discussion ne relevait pas des exceptions citées en vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités pour « les relations de travail » et « les négociations ».

41    Le conseil de la Ville de St. Catharines a enfreint les exigences énoncées à l’alinéa 239 (4) a) de la Loi de 2001 sur les municipalités et dans son règlement de procédure en omettant d’indiquer par voie de résolution la nature générale des questions à examiner à huis clos.

 

Recommandations

42    Je fais les recommandations suivantes pour aider le conseil à s’acquitter de ses obligations en vertu de la Loi et à renforcer la transparence de ses réunions.

 
Recommandation 1

Tous les membres du conseil de la Ville de St. Catharines devraient s’acquitter avec vigilance de leur obligation personnelle et collective de veiller à ce que le conseil se conforme à ses responsabilités en vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités et de son propre règlement de procédure.

 
Recommandation 2

La ville de St. Catharines devrait veiller à ne discuter d’aucun sujet à huis clos à moins que le sujet ne relève clairement de l’une des exceptions statutaires aux exigences des réunions publiques.

 
Recommandation 3

La ville de St. Catharines devrait veiller à ce que ses résolutions pour se retirer à huis clos donnent une description générale de la question à discuter d’une manière qui maximise les renseignements communiqués au public sans toutefois porter atteinte à la raison d’exclure le public.

 
Recommandation 4

La ville de St. Catharines devrait veiller à créer un compte rendu complet de toutes les réunions, aussi bien publiques qu’à huis clos.



 

Rapport

43    La ville a eu l’occasion d’examiner une version préliminaire de ce rapport et de la commenter pour mon Bureau. Nous n’avons reçu aucun commentaire.

44    Mon rapport devrait être communiqué au conseil et mis à la disposition du public dès que possible, au plus tard lors de la prochaine réunion du conseil.


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Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario



[1] LO 2001, chap. 25.
[2] Ontario (Minister of Health & Long-Term Care) v. Ontario (Assistant Information & Privacy Commissioner) 2003 CarswellOnt 4071, [2003] O.J. No. 4123, 126 A.C.W.S. (3d) 185, 178 O.A.C. 171. Voir aussi l’ordonnance du CIPVP PO-3311 (2014); et l’ordonnance du CIPVP PO-3311 (2014).
[3] Ombudsman Ontario, Enquête visant à déterminer si le Conseil du Canton de Baldwin a tenu une réunion à huis clos illégale le 8 septembre 2014 (décembre 2014), en ligne.
[4] Loi sur l'accès à l'information municipale et la protection de la vie privée, LRO 1990, chap. M56, al. 11 (e); Loi sur l'accès à l'information et la protection de la vie privée, LRO 1990, chap. F31, par. 18 1).
[5] Public Government for Private People: The Report of the Commission on Freedom of Information and Individual Privacy 1980, vol. 2 (Toronto: Queen's Printer, 1980).
[6] CIPVP, ordonnance M-92, Town (Ajax) (Re), 1993 CanLII 5077 (ON IPC); Voir aussi l’ordonnance du CIPVP PO-3570, Office of the Public Guardian and Trustee (Re), 2016 CanLII 4760 (ON IPC).
[7] Ordonnance PO-2034, Ontario (Community and Social Services) (Re), 2002 CanLII 46436 (ON IPC).
[8] Loi de 2001 sur les municipalités, par. 239 (4)
[9] Farber v. Kingston, 2007 ONCA 173.