Municipalité de Russell

Municipalité de Russell

décembre 16, 2021

16 décembre 2021

L'Ombudsman a reçu une plainte alléguant que le conseil de la Municipalité de Russell avait enfreint la Loi de 2001 sur les municipalités quand il s’était retiré à huis clos le 16 novembre 2020 pour discuter d'un projet d'infrastructure. La plainte alléguait que la discussion ne relevait d’aucune des exceptions aux règles des réunions publiques. Après avoir enquêté sur la question, l'Ombudsman a conclu que la discussion du conseil était permise en vertu des exceptions prévues à l’alinéa 239 (2) c), acquisition ou disposition d’un bien-fonds, et à l’alinéa 239 (2) k), projets et instructions dans le cadre de négociations.

Enquête sur une plainte à propos d’une réunion tenue par la Municipalité de Russell le 16 novembre 2020

Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario

 

Décembre 2021


 

Plainte

1    Mon Bureau a reçu une plainte à propos d’une réunion à huis clos tenue par le conseil de la Municipalité de Russell (la « Municipalité ») le 16 novembre 2020. La plainte alléguait qu’une proposition de transaction foncière entre la Municipalité et la municipalité de palier supérieur des Comtés unis de Prescott et Russell (les « Comtés unis ») avait été discutée indûment durant la réunion à huis clos.
 


Compétence de l’Ombudsman

2    En vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités[1] (la « Loi »), toutes les réunions d’un conseil municipal, d’un conseil local et des comités de l’un ou de l’autre doivent se tenir en public, sauf si elles relèvent d'une exception prescrite.

3    Depuis le 1er janvier 2008, la Loi accorde à quiconque le droit de demander une enquête visant à déterminer si une municipalité a respecté la Loi en se réunissant à huis clos. Les municipalités peuvent nommer leur propre enquêteur(rice) ou utiliser les services de l’Ombudsman de l’Ontario. La Loi fait de l'Ombudsman l'enquêteur par défaut pour les municipalités qui n'ont pas désigné le(la) leur.

4    L’Ombudsman est l'enquêteur des réunions à huis clos pour la Municipalité de Russell.

5    Quand nous enquêtons sur des plaintes à propos de réunions à huis clos, nous cherchons à déterminer si les exigences de la Loi en matière de réunions publiques et les procédures de gouvernance de la municipalité ont été respectées.

6    Notre Bureau a enquêté sur des centaines de réunions à huis clos depuis 2008 en Ontario. Pour aider les conseils municipaux, le personnel municipal et le public, nous avons créé un recueil en ligne des cas de réunions publiques. Nous avons créé ce recueil interrogeable pour permettre aux intéressé(e)s d'accéder facilement aux décisions de l'Ombudsman et à ses interprétations des règles des réunions publiques. Des résumés des décisions antérieures de l’Ombudsman sont consultables dans ce recueil à : https://www.ombudsman.on.ca/digest-fr/accueil.

 

Processus d’enquête

7    Le 8 décembre 2020, nous avons informé la Municipalité de notre intention d’enquêter sur la réunion du 16 novembre 2020.

8    Les membres de l’équipe de mon Bureau qui est chargée des réunions publiques a examiné les parties pertinentes du règlement et des politiques de la Municipalité, ainsi que de la Loi. Nous avons aussi examiné la documentation de la réunion, dont l’ordre du jour et le procès-verbal. Nous avons fait des entrevues avec les membres du conseil, le directeur général (DG), le directeur exécutif des services d’infrastructure, la trésorière adjointe, la directrice d’aménagement du territoire, du bâtiment et du développement économique, et la greffière.

9    Mon Bureau a obtenu une entière coopération dans cette affaire.

 

Contexte

10    Le conseil de la Municipalité s’est réuni le 16 novembre 2020 pour discuter de l’acquisition éventuelle d’un bien-fonds afin de construire une nouvelle infrastructure de transport à une intersection à Embrun. L’enjeu au moment de la réunion était de décider si la Municipalité devait procéder ou non, à ses propres frais, à un projet proposé pour l’intersection, qui avait déjà été approuvé dans le plan de lotissement, ou s’il devait envisager un projet d’infrastructure différent pour l’intersection qui exigerait l’achat d’un bien-fonds, mais qui pourrait s’avérer meilleur en termes de développement à long terme.

11    Étant donné que cette seconde option aurait été interconnectée avec l’infrastructure des Comtés unis, des fonds et des approbations étaient requis de la part des Comtés unis. L’option de projet exigeait également l’acquisition d’un bien-fonds, soit auprès d’un groupe de propriétaires résidentiels, soit auprès d’un promoteur immobilier. Nous avons été informé(e)s que le promoteur immobilier avait parlé officieusement à un(e) fonctionnaire de la Municipalité et avait proposé un prix d’achat par acre. En fin de compte, les Comtés unis ont décidé de ne pas donner suite à ce projet.

 

Réunion du conseil le 16 novembre 2020

12    Le conseil s’est réuni virtuellement en séance ordinaire à 18 h 00 le 16 novembre 2020. Il s’est retiré à huis clos pour discuter de cinq questions, dont une « Mise à jour d’une acquisition projetée ou en cours d’un bien-fonds à Embrun – Rapport verbal ». Cette question a été examinée à huis clos en vertu de l’exception concernant l’acquisition ou la disposition d’un bien-fonds, énoncée à l’alinéa 239 (2) c) de la Loi.

13    Lors de la séance à huis clos, le conseil a été informé de la question et il a demandé au maire d’écrire une lettre au conseil préconisant que les Comtés unis reconsidèrent leur décision précédente sur la question. Le conseil a repris sa séance publique à 20 h 22 et il a levé la séance à 20 h 26.

 

Analyse

Applicabilité de l’exception de l’acquisition ou la disposition d’un bien-fonds, alinéa 239 (2) c)

14    Dans la résolution qu’il a adoptée pour tenir une séance à huis clos, le conseil a cité l’exception concernant l’acquisition ou la disposition d’un bien-fonds. Cette exception aux réunions publiques permet de tenir à huis clos des discussions sur l’acquisition ou la disposition projetée ou en cours d’un bien-fonds par une municipalité[2]. Comme je l’ai déjà fait savoir, cette exception est discrétionnaire et ne s’applique pas aux discussions hypothétiques sur les transactions foncières. Son objectif premier est plutôt de protéger la position de négociation de la municipalité lorsqu’elle risque de subir un préjudice en raison de discussions publiques[3].

15    L’exception de l’acquisition ou la disposition d’un bien-fonds a été jugée applicable même si une transaction foncière n’est pas en cours, à condition que les discussions portent sur des biens-fonds spécifiques, et que la position de négociation de la municipalité risque d’être compromise par des discussions publiques[4].

16    Dans ce cas particulier, la transaction foncière proposée aurait porté sur des biens-fonds spécifiques – ceux du promoteur immobilier – à un coût spécifique par acre, connu du conseil au moment de la réunion. Le conseil avait une position de négociation à protéger relativement à l’acquisition éventuelle de biens-fonds, car il aurait été appelé à contribuer au coût d’achat. La discussion sur l’acquisition éventuelle de biens-fonds du promoteur immobilier relevait donc de l’exception aux réunions publiques concernant l’acquisition ou la disposition d’un bien-fonds.

 

Applicabilité de l’exception des projets et des instructions dans le cadre de négociations, alinéa 239 (2) k)

17    Bien que le conseil n’ait pas cité l’exception des projets et des instructions dans le cadre de négociations quand il a tenu la séance à huis clos le 16 novembre 2020, nous avons examiné si cette exception s’appliquait également aux discussions à huis clos.

18    L’alinéa 239 (2) k) de la Loi permet de tenir des discussions à huis clos sur des projets et des instructions dans le cadre de négociations. Le but de cette exception est de permettre à une municipalité de protéger des renseignements qui pourraient compromettre sa position de négociation, ou donner à une autre partie un avantage injuste par rapport à la municipalité, lors d’une négociation en cours[5]. Pour que cette exception s’applique, la municipalité doit montrer que :

i.     la discussion à huis clos portait sur des positions, des projets, des procédures, des critères ou des instructions;
ii.     les positions, projets, procédures, critères ou instructions sont destinés à être appliqués aux négociations;
iii.     les négociations sont en cours, ou à venir;
iv.     les négociations sont menées par la municipalité ou en son nom[6].


19    Dans ce cas, les discussions portaient sur des positions, des projets et des instructions concernant une proposition d’infrastructure. Selon le procès-verbal, le conseil a demandé que les Comtés unis reconsidèrent leur décision de ne pas procéder à l’option de projet d'infrastructure à l'intersection.

20    Ces discussions étaient destinées à s’appliquer aux négociations. Le procès-verbal indique que le conseil a donné des instructions spécifiques au maire pour qu'il rédige une lettre demandant au conseil que les Comtés Unis reconsidèrent leur décision.

21    Au moment de la réunion du 16 novembre 2020, la Municipalité menait des négociations avec les Comtés unis au sujet de l’aménagement d’une infrastructure de transport à une intersection.

22    Enfin, les négociations étaient menées par le maire de la Municipalité, au nom de la Municipalité.

23    Bien que satisfaisant au critère susmentionné, la plainte alléguait que la position de négociation de la Municipalité aurait pu être compromise en raison du double rôle du maire au moment de la réunion, soit celui de maire de la Municipalité et celui de président du conseil des Comtés unis. Lors d’une enquête antérieure menée par mon Bureau dans une autre municipalité, nous avons conclu que la protection de la position de négociation de la municipalité était défaite, et que l’exception des réunions publiques ne s’appliquait pas, car l’autre partie à la négociation était présente durant la réunion à huis clos[7].

24    Pour déterminer si la présence du maire lors d’une réunion à huis clos a compromis la position de négociation de la Municipalité, nous devons tenir compte de l’intention de la Loi concernant la participation des membres aux deux niveaux de conseil.

25    À l’alinéa 218 (2) b), la Loi prévoit expressément que les membres du conseil peuvent siéger à la fois au conseil de la municipalité de palier supérieur et de la municipalité de palier inférieur. En vertu des articles 9 à 11, relatifs aux pouvoirs municipaux généraux, une municipalité de palier supérieur peut déterminer la composition de son conseil et décider si le(la) chef(fe) du conseil de palier supérieur peut ou non siéger à un conseil de palier inférieur. Par conséquent, la Loi indique clairement qu’il n’était pas inapproprié pour le maire de la Municipalité d’agir également à titre de président du conseil des Comtés unis.

26    Les tribunaux ont jugé que l’obligation d’agir dans l’intérêt de la municipalité n’est pas compromise par le double mandat des élu(e)s municipaux(ales) uniquement, et qu’un tel mandat ne donne pas lieu à une crainte raisonnable de partialité[8]. De plus, les documents fournis par le gouvernement provincial suggèrent qu’un(e) maire ou président(e) dispose des ressources nécessaires pour délimiter son rôle au sein des deux conseils[9].

27    La présence du maire lors de la réunion à huis clos de la Municipalité n’a pas compromis sa position de négociation en ce qui concerne l’acquisition éventuelle d’un bien-fonds auprès du promoteur, ni les négociations avec la municipalité de palier supérieur. Le maire doit s’acquitter honorablement de ses fonctions au sein des deux conseils simultanément, comme le prévoit la loi. Par conséquent, le double mandat du maire de Russell n’a pas établi indépendamment que la position de négociation de la Municipalité était compromise.

 

Opinion

28    Le conseil de la Municipalité de Russell n’a pas enfreint la Loi de 2001 sur les municipalités le 16 novembre 2020 quand il s’est réuni à huis clos pour discuter de l’acquisition en cours d’un bien-fonds à Embrun. La discussion relevait des exceptions aux réunions publiques énoncées aux alinéas 239 (2) c) et k) de la Loi, à savoir l’acquisition ou la disposition d’un bien-fonds, et des projets ou des instructions dans le cadre de négociations.

 

Rapport

29    Le maire de la Municipalité de Russell a eu l’occasion d’examiner une version préliminaire de ce rapport et de la commenter pour mon Bureau. Tous les commentaires que nous avons reçus ont été pris en compte dans la préparation de ce rapport final.

30    La greffière a indiqué que mon rapport serait mis à la disposition du public au plus tard lors de la prochaine réunion du conseil. Il sera également publié sur notre site Web à www.ombudsman.on.ca.


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Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario



[1] LO 2001, chap 25.
[2] Lettre de l’Ombudsman à la Municipalité d’Orangeville (24 janvier 2014) [Orangeville], en ligne.
[3] Ombudsman de l'Ontario, Enquête visant à déterminer si les Conseils du Canton d’Armour et du Village de Burk’s Falls ont tenu des réunions à huis clos illégales le 16 janvier 2015, (octobre 2015), en ligne.
[4] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos d’une réunion à huis clos tenue par le Comté de Norfolk le 28 janvier 2020, (mars 2021), en ligne.
[5] Lettre de l’Ombudsman à la Ville de Pickering (23 septembre 2020), en ligne.
[6] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos d’une réunion à huis clos tenue par la Ville de St. Catharines le 25 juin 2018, (février 2019), en ligne.
[7] Orangeville, supra note 2.
[8] Orangeville (Town) v Dufferin (County), 2010 ONCA 83 (CanLII), en ligne; Mariano v Mississauga (City), 1992 CanLII 7557 (ONSC), en ligne.
[9] Gouvernement de l’Ontario, « Guide de la conseillère ou du conseiller municipal », Partie 5, L’organisation municipale, en ligne.