Ville de Fort Erie - « Faire la lumière sur les réunions à huis clos »

Ville de Fort Erie - « Faire la lumière sur les réunions à huis clos »

février 6, 2008

6 février 2008

L’Ombudsman a conclu que le conseil de Fort Erie n’avait rien fait de mal quand il s’est réuni à huis clos à des fins « d’éducation et de formation » le 7 janvier 2008. Mais dans l’intérêt d’une transparence accrue au niveau local, il a recommandé que le conseil donne plus de détails à propos de telles réunions, à l’avenir.

Enquête sur la réunion à huis clos du conseil municipal de Fort Erie tenue le 7 janvier 2008

« Faire la lumière sur les réunions à huis clos »

André Marin
Ombudsman de l’Ontario

février 2008

 

Plainte

1     Le 7 janvier 2008, mon bureau a reçu une plainte concernant une réunion convoquée par le conseil municipal de Fort Erie, réunion qui devait se dérouler ce soir-là. Il s’agissait d’une séance hors site à huis clos, tenue à des fins « d’éducation et de formation ». Le 16 janvier, mon bureau a reçu une deuxième plainte concernant cette même séance, à l’effet que le public n’avait pas été informé de la nature de l’éducation et de la formation offertes dans le cadre de la réunion du 7 janvier. De plus, la plainte laissait entendre que le conseil aurait peut-être eu des discussions sur les affaires municipales pendant la réunion privée.
 


Compétence de l’ombudsman

2     En vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités, les municipalités et les conseils locaux doivent adopter des règlements énonçant les règles de pratique relativement aux réunions. Le règlement de procédure prévoit un avis public des réunions et toutes les réunions sont ouvertes au public, sauf disposition contraire. Il y a peu de temps, la seule façon de faire observer les dispositions relatives aux réunions publiques était de porter plainte devant les tribunaux.

3     Depuis le 1er janvier 2008, l’entrée en vigueur de modifications législatives donne aux citoyens le droit de soumettre une demande d’enquête pour savoir si une municipalité qui a tenu une réunion à huis clos s’est conformée à la loi. La Loi permet aux municipalités de décider qui mènera l’enquête en réponse à une plainte – elles peuvent nommer leur propre enquêteur ou faire appel à mon bureau. Plus de 100 municipalités ontariennes qui n’ont pas encore choisi leur propre enquêteur relèvent par défaut de la compétence du bureau de l’ombudsman.

4     Le 10 décembre 2007, le conseil municipal de Fort Erie a décidé de nommer l’ombudsman de l’Ontario en tant qu’enquêteur pour les plaintes sur les réunions à huis clos.

 

Séances d’éducation et de formation à huis clos

5     Le paragraphe 239 de la Loi de 2001 sur les municipalités cite plusieurs exceptions qui permettent que ces séances se tiennent à huis clos. Le 1er janvier 2007, une exception a été ajoutée au paragraphe : Une réunion d’un conseil peut se tenir à huis clos si elle a pour but l’éducation ou la formation des membres, pourvu que lors de la réunion, aucun membre ne discute ou ne traite autrement d’une question qui fait avancer d’une manière importante les travaux ou la prise de décision du conseil.[1]

6     Avant de tenir à huis clos une réunion ayant pour but l’éducation ou la formation des membres, le conseil indique par voie de résolution que la réunion doit se tenir à huis clos, quelle est la nature générale de la question devant y être étudiée et il précise qu’elle se tiendra à huis clos en vertu de la disposition législative en question.[2]
 


Règles du conseil municipal de Fort Erie

7     Les Règles de pratique[3] de la Corporation de la ville de Fort Erie prévoient qu’une réunion extraordinaire du conseil, notamment une réunion à huis clos, puisse être convoquée et qu’un avis public à cet effet indique l’objet de la réunion. En règle générale, aucun sujet outre celui précisé dans l’avis ne peut être discuté. L’avis public relativement à la réunion doit être publié sur le site « à des fins d’imputabilité et de transparence ».

8     À la suite d’un préavis convenable et par vote majoritaire, le conseil est autorisé à tenir des réunions ailleurs que dans ses bureaux.[4]

 

Processus d’enquête

9     Le 17 janvier 2008, à la suite des enquêtes préliminaires effectuées par mon bureau, les plaignants et l’avocat de la ville de Fort Erie ont été avisés de mon intention de mener une enquête sur les plaintes relatives à la séance d’éducation et de formation à huis clos tenue le 7 janvier.

10     Nos enquêteurs ont interrogé 11 personnes, y compris les sept membres du conseil, ainsi que la secrétaire municipale, l’avocat municipal, le directeur municipal et l’animatrice indépendante qui a préparé le matériel de formation et animé la séance à huis clos. De plus, les documents fournis par la municipalité, soit le procès-verbal, les notes de service, le matériel de formation et la documentation remise, les notes personnelles des participants de la séance, les règlements municipaux, procédures et dispositions législatives pertinentes ont été examinés.

11     Il s’agit de la première enquête menée par mon bureau depuis que les nouvelles dispositions législatives sont entrées en vigueur. La collaboration exceptionnelle du conseil de Fort Erie et de ses employés municipaux a grandement contribué à l’exécution réussie de cette enquête dans des délais raisonnables.

 

Données et témoignages de l’enquête

Un besoin en matière d’éducation et de formation

12     Au cours de notre enquête, nous avons appris qu’en novembre 2007, le maire avait discuté officieusement de la possibilité de tenir une séance de formation avec les membres du conseil. Ils avaient convenu qu’une telle séance serait utile car elle les aiderait à trouver des moyens de mieux concentrer leurs efforts sur l’exécution soutenue de leur mandat en renforçant les relations et communications interpersonnelles.

13     Dans une note interservices envoyée le 13 novembre 2007 aux membres du conseil, le maire expliquait l’objectif de la séance de formation envisagée, soit permettre de « (traduction libre) faire un retour sur l’année passée afin d’améliorer notre rendement en tant que Conseil par un échange de points de vue sur la façon de consolider les relations au sein du conseil et entre le conseil et les employés. »

14     Compte tenu de la nature de la formation envisagée, l’animatrice a recommandé que la séance ait lieu à huis clos afin que les participants puissent s’exprimer plus librement.  

15     Un membre du conseil s’est déclaré préoccupé du fait que certains points de discussion proposés pourraient entraîner des discussions sur les affaires du conseil pendant la séance. Consultés dès le départ, l’avocat municipal et la secrétaire municipale ont revu l’ordre du jour provisoire et ont conclu qu’il ne comportait aucun sujet qui pourrait être lié aux affaires du conseil.

 

Décision de tenir une séance à huis clos

16     La première référence publique à la réunion du 7 janvier 2008 a été faite le 10 décembre 2007, date à laquelle le conseil a indiqué par voie de résolution qu’il tiendrait une séance d’éducation et de formation à huis clos en vertu du paragraphe 239 de la Loi.  

17     L’ordre du jour de la réunion du 10 décembre y faisait référence sous la mention « Affaires nouvelles » comme ceci :

a.     « (traduction libre)  (a) Réunion à huis clos le lundi 7 janvier 2008 à la salle de conférence Peace Bridge Authority. Objet : Séance d’éducation et de formation. ».


18     Le procès-verbal de la réunion du 10 décembre 2007 contient la résolution suivante :

« (traduction libre) Résolution : QUE : Par la présente, le conseil municipal de Fort Erie autorise la tenue d’une réunion à huis clos le lundi 7 janvier 2008 à compter de 18 h dans le but de donner une séance d’éducation et de formation sur les relations au sein du conseil et entre le conseil et les employés. »


19     L’ordre du jour et le procès verbal de la réunion du 10 décembre 2007 ont été publiés sur le site Web de la ville de Fort Erie. L’ordre du jour de la réunion du 7 janvier a été envoyé au conseil quelques jours avant la réunion, et a également été publié sur le site Web. Il faisait également référence à une « (traduction libre) Séance d’éducation et de formation sur les relations au sein du conseil et entre le conseil et les employés » qui se tiendra à huis clos, à la salle de conférences Peace Bridge Authority. Quoique la séance d’éducation et de formation ait été tenue à huis clos, certaines sections typiques de la réunion étaient théoriquement ouvertes, soit l’ouverture, l’appel, les déclarations d’intérêt pécuniaire et de nature générale et l’ajournement.

 

La séance à huis clos du 7 janvier

20     À la demande de l’animatrice, la séance d’éducation et de formation tenue dans la salle des conférences Peace Bridge Authority a débuté 20 minutes plus tôt que prévu.[5] Elle a pris fin à 21 h 03.

21     Ont assisté à cette séance à huis clos le maire, Douglas Martin, les conseillers, Ann-Marie Noyes, Bob Steckley, Tim Whitfield, Martha Lockwood, Richard Shular et Sandy Annunziata, le directeur municipal, Harry Schlange, la secrétaire municipale, Carolyn Kett et l’animatrice de la séance, Beverley Carter. La secrétaire municipale qui remplit également les fonctions de commis était responsable de tenir le procès-verbal et de donner des conseils sur les questions de procédure.
 


Discussions durant la réunion à huis clos

22     Selon les personnes interrogées, ainsi que les notes et le matériel de formation, les grands points discutés dans le cadre de la réunion à huis clos étaient les suivants : les stades de développement d’un groupe, les comportements qui inspirent confiance et qui font perdre confiance, et la façon de former des groupes efficaces. Les participants ont été invités à parler de leurs propres aptitudes interpersonnelles, d’imaginer un conseil au rendement optimal et d’envisager des moyens d’arriver à un tel rendement optimal.

23     Les notes personnelles prises par les participants au cours de la séance, le compte rendu officiel de la réunion et nos discussions avec l’animatrice de formation laissent supposer qu’il a seulement été fait mention de travaux antérieurs du conseil, et ce, pour donner des exemples relativement aux points discutés, sans qu’aucune des nouvelles affaires du conseil ne soit discutée.  

24     Mon enquête confirme qu’aucune résolution n’a été adoptée pendant la réunion, à l’exception de la résolution de tenir la séance à huis clos et la résolution de lever la séance sans faire rapport. Nous avons conclu que les travaux du conseil n’avaient pas progressé au cours de la séance à huis clos.

 

Accès public aux parties « ouvertes » de la réunion

25     Les citoyens qui ont communiqué avec mon Bureau étaient préoccupés par le site de la réunion du 7 janvier, arguant que la salle des conférences Peace Bridge Authority est une propriété privée, ce qui la rend inaccessible aux membres du public qui auraient voulu assister à la petite partie « ouverte » de la réunion.

26     La secrétaire municipale a confirmé qu’avant que la réunion ait lieu, elle a reçu des questions de la part du public qui voulait connaître la raison pour laquelle la réunion n’allait pas avoir lieu à l’hôtel de ville et qui se demandait comment assister aux parties ouvertes de la réunion. Elle déclare avoir répondu à toutes ces questions.

27     L’animatrice de formation a dit aux enquêteurs qu’elle avait recommandé que la réunion se déroule à l’extérieur des bureaux du conseil, dans un environnement propice aux discussion franches qui sortirait les membres du conseil du cadre auquel ils était habitués. Elle a également demandé un site où il serait possible de former des groupes qui travailleraient dans des salles séparées. Le conseil avait déjà utilisé la salle des conférences Peace Bridge Authority et a décidé qu’elle conviendrait parfaitement.

 

Opinion

28     S’il est vrai qu’il est convenu de longue date que les municipalités de notre province doivent tenir des réunions ouvertes, ce n’est que maintenant que les réunions à huis clos peuvent faire l’objet d’enquêtes. Cette étape affermit la légitimité démocratique des décisions municipales. Toute tentative de se réunir à huis clos est susceptible de causer de l’inquiétude aux citoyens et doit être examinée minutieusement pour que le public ne perde pas confiance dans l’administration locale.

29     Après avoir analysé toutes les données disponibles, je considère que la séance à huis clos du 7 janvier tenue par le conseil de Fort Erie portait sur l’amélioration des aptitudes en communication et des capacités de travail en équipe et qu’elle correspondait à l’exception aux fins d’éducation et de formation en vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités.

30     Le conseil était autorisé à tenir une séance d’éducation et de formation à l’extérieur de ses bureaux à condition de se conformer à ses règlements. Le fait que la réunion se soit déroulée dans des locaux privés constituait un obstacle, mais je suis convaincu que si les citoyens désiraient assister aux parties ouvertes de cette réunion extraordinaire tenue dans la salle des conférences du Peace Bridge Authority, ils auraient pu le faire.

31     Cette approche législative visant avant tout à permettre au public de déposer une plainte si le conseil se réunit à huis clos veut soutenir la démocratie en donnant aux citoyens le pouvoir d’obliger les municipalités à justifier leur décision de se réunir à huis clos. Les nouvelles dispositions de la loi devraient faire l’objet d’une interprétation large et généreuse qui repose sur des principes d’ouverture et de transparence. L’exception « aux fins d’éducation et de formation » constitue un nouvel ajout à la liste d’exceptions admissibles pour tenir une réunion à huis clos et il est normal qu’elle suscite des inquiétudes. Ces exceptions doivent être lues de manière restrictive et les municipalités sont dans l’obligation d’émettre des avis publics cohérents et instructifs qui font la lumière sur la raison de la réunion à huis clos. Plus les raisons de la réunion à huis clos sont claires, moins il y a de place pour les suppositions.

32     De plus, comment les citoyens peuvent-ils prendre la décision éclairée de se plaindre d’une réunion à huis clos si l’avis relatif à cette réunion ne contient pas de renseignements cohérents? Autant demander à quelqu’un de s’avancer en territoire inconnu sans carte ni boussole. Donner les détails d’une réunion prévue, c’est laisser entrer la lumière. Ce n’est pas difficile et tout le monde en profite car personne n’aime être dans le noir.

33     Je pense que dans ce cas, les inquiétudes et critiques du public auraient pu, dans une très grande mesure, être évitées si le conseil avait décidé de fournir plus de renseignements sur la nature de la formation lorsqu’il a émis l’avis sur la réunion. Notre enquête nous a permis de conclure que la nature de la réunion entrait clairement dans le champ des exceptions. Alors pourquoi ne pas émettre un avis plus clair et plus précis, conforme à la lettre et à l’esprit de la législation? En réponse à notre rapport préliminaire, la ville de Fort Erie a décidé de donner des explications plus claires la prochaine fois qu’elle organisera une séance d’éducation et de formation à huis clos.

34     J’aimerais remercier la ville de Fort Erie pour sa collaboration durant l’enquête.

___________________
André Marin
Ombudsman of Ontario



[1] p.239 (3.1), Loi de 2007 sur les municipalités, ainsi modifiée.
[2] p.239(4)(b), Loi de 2007 sur les municipalités, ainsi modifiée.
[3] Règlement n° 145-06.
[4] p.239(3), Loi de 2001 sur les municipalités, règlement n° 145-06.
[5] Le conseil a renoncé au paragraphe 3.3 du Règlement n° 145-06 des Règles de pratique du Conseil dans ses nouveaux termes afin de permettre à la réunion de débuter à 17 h 40 au lieu de 18 h comme prévu. Il s’agit d’une procédure normale.