Services en français : « des progrès » à l’Université Laurentienne, selon Kelly Burke (Radio-Canada)

décembre 7, 2022

7 décembre 2022

L’Université Laurentienne s’est engagée auprès du Bureau de la commissaire aux services en français de l’Ontario à mettre en œuvre un processus de consultation avant de faire tout changement qui pourrait avoir un impact sur sa désignation en vertu de la Loi sur les services en français (LSF).

Bienvenu Senga et Chris St-Pierre
Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletRadio-Canada
le 7 décembre 2022

L’Université Laurentienne s’est engagée auprès du Bureau de la commissaire aux services en français de l’Ontario à mettre en œuvre un processus de consultation avant de faire tout changement qui pourrait avoir un impact sur sa désignation en vertu de la Loi sur les services en français (LSF).

L’établissement a ainsi donné suite à une importante recommandation de la commissaire Kelly Burke, formulée en mars dernier après qu'elle eut établi que l’Université Laurentienne avait enfreint la LSF durant son processus de restructuration financière enclenché en février 2021.

Dans son rapport d’enquête sur l’Université Laurentienne (Nouvelle fenêtre) , Mme Burke avait émis un total de 19 recommandations à l’Université Laurentienne, au ministère des Collèges et Universités ainsi qu’au ministère des Affaires francophones de l’Ontario. Elle avait aussi demandé à ces trois organisations de lui fournir une mise à jour sur l’application des recommandations aux six mois.

Dans son troisième rapport annuel publié mercredi matin, la commissaire confirme que son bureau a reçu les premières mises à jour.

« L’Université [Laurentienne] passera par un processus interne de consultation avant de faire tout changement qui pourrait avoir un impact sur sa désignation [en vertu de la Loi sur les services en français]. Ce processus inclura également les ministères des Collèges et Universités ainsi que des Affaires francophones », peut-on y lire.

L’Université Laurentienne est dotée d’une désignation partielle en vertu de la Loi sur les services en français depuis 2014.

En mars dernier, la commissaire aux services en français avait déterminé que l’Université Laurentienne avait enfreint ladite loi, car après les coupes de programmes d’avril 2021, il n’y avait plus eu aucune voie pouvant mener à l’obtention d’une maîtrise en arts et d’une maîtrise en kinésie humaine, deux diplômes pourtant désignés.

Or, en suspendant ces deux grades et en supprimant près de la moitié des programmes en français, « l’Université [Laurentienne] n’a pas consulté les deux ministères [le ministère des Collèges et Universités et le ministère des Affaires francophones] pour discuter de l’impact de ses décisions par rapport à ses obligations en vertu de la LSF », écrivait Mme Burke dans son rapport d'enquête.

« Bien qu’il y ait eu des conversations informelles, je ne considère pas qu’il s’agisse de consultations. [...] Je m’attends pourtant à ce que ce processus soit rigoureux et formellement encadré. »
Une citation de  Extrait du rapport de la commissaire aux services en français de l’Ontario sur l’Université Laurentienne


Elle soulignait également que lors de son enquête, un membre de l’administration de l’Université Laurentienne avait affirmé à son bureau « qu’il ne savait pas que l’Université avait l’obligation d’informer le ministère des Affaires francophones de l’Ontario de coupes de programmes sous des grades désignés ».

« J'estime [...] qu'il y a du progrès qui se fait. »
Une citation de  Kelly Burke, commissaire aux services en français de l'Ontario


Dans son rapport annuel, Mme Burke note aussi des avancées au ministère des Affaires francophones, qui travaille à mettre à jour la politique d’évaluation afin de s’assurer que les évaluations de conformité à la LSF soient faites de manière rigoureuse, comme l’avait recommandé la commissaire en mars.

Le même ministère travaille aussi à la création d’un protocole à mettre en œuvre dans des situations où le gouvernement prendrait connaissance de la non-conformité à la LSF d’un organisme désigné.

Pour sa part, le ministère des Collèges et Universités conçoit une politique interne qui vise à renforcer le rôle de son coordonnateur des services en français.

Dans son rapport sur l’Université Laurentienne, la commissaire Burke indiquait que le coordonnateur des services en français « [n’avait pas joué] de rôle par rapport à l’Université Laurentienne après sa désignation en 2014 », et ce, y compris lors des coupes de programmes de l’année dernière.

 

Progrès remarqués

Les constats de la commissaire aux services en français, notamment en ce qui concerne la nouvelle transparence et le désir de conformité de l'Université, ne surprennent pas. Plusieurs gens en sont venus aux mêmes conclusions dans les derniers mois.

« C’est également le sentiment que nous avons éprouvé depuis l’entrée en fonction du nouveau président du conseil des gouverneurs, Jeff Bangs, de la rectrice intérimaire Tammy Eger et de la vice-rectrice intérimaire Céline Larivière », indique le président de l’Association des professeures et professeurs de l’Université Laurentienne, Fabrice Colin.

« Je crois que c’est vraiment bien », ajoute le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, Fabien Hébert.

Si plusieurs personnes se désolent du fait que l’Université n’avait pas de processus interne pour changer sa programmation, ce qui a mené à la suppression de 28 programmes en français, M. Hébert se dit satisfait des mesures prises pour rectifier la situation.

« Au moins, maintenant, on va bénéficier de cet outil supplémentaire pour nous permettre d’éviter des situations similaires dans le futur », dit-il.

Malgré les progrès notés dans le rapport de Mme Burke, le président de l’AFO maintient sa position quant à la nécessité d’une nouvelle université « pour et par les francophones ».

« L’Université Laurentienne va maintenir son statut bilingue, mais ça ne répond plus aux besoins de la communauté francophone. »

 

Point du non-retour

Tout comme M. Hébert, la directrice générale de l’Association canadienne-française de l’Ontario du Grand Sudbury, Joanne Gervais, souhaite passer à autre chose.

Bien qu’elle souhaite un retour en force de l’Université Laurentienne, elle constate que l’établissement a franchi le point du non-retour dans sa relation avec les francophones. Surtout, elle en a marre de trouver des « remèdes » et de « donner des chances ».

« Ça fait 50 ans que la communauté francophone se bat avec l'Université Laurentienne pour s’assurer d’avoir notre place, notre propre gouvernance, notre propre financement et de répondre aux besoins de notre communauté », dit-elle.

« L’Université était bien fière de nous informer qu’elle était la première université à obtenir la désignation [d’université bilingue] en vertu de la loi. Mais les actions démontrent clairement qu’elle se fout carrément de la communauté francophone. »
Une citation de  Joanne Gervais, directrice générale de l’Association canadienne-française de l’Ontario du Grand Sudbury


L’ancienne étudiante de la Laurentienne Marie-Pierre Héroux a été particulièrement choquée par le peu d’importance accordé à la désignation bilingue lors des abolitions de programmes en avril 2021.

Elle voit d’un bon œil les recommandations présentées par Mme Burke, mais elle n’est pas satisfaite par les progrès réalisés jusqu’ici pour les mettre en œuvre.

« Jusqu’au jour où on aura les preuves concrètes que ç’a été fait et que ça apporte quelque chose, que ça améliore la situation, pour moi, ce sont des mots. »