Kelly Burke Commissaire du changement positif (ONFR)

décembre 10, 2022

10 décembre 2022

Kelly Burke, commissaire aux services en français et avocate chevronnée, possède une connaissance approfondie des droits, obligations et responsabilités concernant la Loi sur les services en français. Au début du mois de décembre, dans son rapport annuel, elle a appelé la province à renforcer son « engagement ferme » envers ces services. Kelly Burke surveillera au doigt et à l’œil les plans du gouvernement.

Lila Mouch-Essers
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le 10 décembre 2022

TORONTO – Kelly Burke, commissaire aux services en français et avocate chevronnée, possède une connaissance approfondie des droits, obligations et responsabilités concernant la Loi sur les services en français. Au début du mois de décembre, dans son rapport annuel, elle a appelé la province à renforcer son « engagement ferme » envers ces services. Kelly Burke surveillera au doigt et à l’œil les plans du gouvernement.
 

Vous avez commencé comme enseignante. Comment passe-t-on de l’enseignement au Bureau de l’ombudsman ?

En fait, j’ai poursuivi des études pour devenir enseignante. J’ai donc pratiqué dans les écoles d’immersion en français. D’abord à Cornwall puis à Sarnia.

D’ailleurs, Sarnia c’est la 27e région désignée sous les services en français et j’ai participé au récent lever du drapeau. Pour moi, c’est important parce qu’il y a 30 ans, c’est là-bas que j’ai commencé ma carrière. On n’était que quelques enseignants avec très peu de matériel pour livrer nos cours. Je m’en souviens très bien. Cela a été un bon moment de faire un retour là-bas, après 30 ans.

 

Qu’est-ce qui a motivé les évolutions de carrière que vous avez réalisées ?

J’ai été élevée dans la francophonie et j’ai vu chez moi un amour pour notre culture et notre langue. Je viens d’une grande famille francophone de l’Est ontarien. Je suis passée par l’école élémentaire et secondaire à Cornwall et j’ai fait des études en langue française à Kingston, puis j’ai enseigné avec l’espoir de partager mes connaissances et le patrimoine culturel francophone.

Après des études en droit, j’ai œuvré comme avocate dans le droit du travail. On m’avait approchée pour me dire que je serais une bonne candidate au sein des Affaires francophones et dans la protection des droits linguistiques. C’était aussi un intérêt que j’avais manifesté. C’est finalement ça qui m’a menée aux Affaires francophones de la province.

 

Comment résumeriez-vous votre expérience au sein du ministère des Affaires francophones de l’Ontario ?

Ça a été une bonne expérience, notamment en appuyant plusieurs ministres qui occupaient le portefeuille de la francophonie. Sous deux gouvernements différents, libéral et conservateur, j’ai influencé la direction des droits linguistiques à l’époque.

 

Avez-vous plaidé dans des affaires de droits linguistiques lorsque vous étiez avocate ?

En tant que juriste et membre de l’Association des juristes d’expression française de l’Ontario (AJEFO), oui, dans le secteur juridique. En tant que membre du conseil administratif, mais aussi comme représentante j’ai influencé la direction du barreau de l’Ontario quant à ses services en français. Dans ce sens, j’ai poussé l’ordre des avocats vers le besoin d’œuvrer dans les deux langues officielles du pays.

Le simple fait d’être capable de travailler comme juriste en français et de plaider en français devant la Cour en fait partie. J’ai été appelée à prendre des dossiers en main et à comparaître devant la province du fait de mes compétences linguistiques. On revient de loin.

 

Quand vous étiez sous-ministre adjointe au ministère des Affaires francophones (MAFO), quel a été votre rôle dans la création du monument de la francophonie à Queen’s Park ?

J’ai eu un rôle de soutien au gouvernement, surtout sur l’emplacement. On se demandait où nous allions placer ce monument sur les terrains de Queen’s Park et comment il serait entretenu, un rôle plutôt logistique. Le monument est le lègue de la commémoration des 400 ans de la présence francophone dans la province et de tout ce qu’on a accompli.

Avant de construire ce monument, nous avions monté un comité d’expert de l’histoire franco-ontarienne, au sein duquel l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) a d’ailleurs joué un rôle. Le comité avait été mis en place pour acheminer ce résultat.

 

En tant que sous-ministre adjointe au MAFO puis des Collèges et Universités, vos défis étaient-ils différents ?

La charge de travail est grande dans les postes de sous-ministre adjointe et dans les deux rôles que j’ai eus, aux Collèges et Universités aux Affaires francophones. L’expérience pendant mon séjour aux deux ministères était énorme et valorisante.

Différents défis, mais dans les deux cas, mon travail était d’améliorer le côté éducation et post-secondaire dans un ministère et dans l’autre un remaniement du ministère des Affaires francophones.

Aux Collèges et Universités, je devais aussi m’assurer que le ministère ait des services en français, équivalent à ce qu’il offrait en anglais.

 

Comment avez-vous vécu votre arrivée au Bureau de l’Ombudsman dans le contexte controversé de 2018-2019 ?

J’ai reconnu un grand défi devant moi. J’ai vu aussi une opportunité de ramener les pendules à l’heure vis-à-vis de la sauvegarde du patrimoine culturel. Il y avait du travail avec ce changement de culture. Maintenant, la commissaire fait partie d’une équipe qui rapporte à l’Ombudsman et bien sûr cela se distingue de l’ancien rôle autonome, mais j’ai vu des possibilités. Je suis restée optimiste. L’objectif est le même : rendre meilleur les services en français dans la province.

 

Et ça ne vous a pas fait peur après tout ?

Je connais très bien les droits linguistiques et j’œuvre dans ce domaine depuis très longtemps. Je connais les rouages du gouvernement. J’ai même œuvré au sein de l’appareil gouvernemental. Mes compétences jumelées ont développé la meilleure façon d’obtenir les résultats à mon objectif.

 

Succéder à François Boileau, après ce remaniement… Que retenez-vous ?

Évidemment, il a fait du bon travail et je me suis inspirée de son expérience. Malgré les changements, je devais poursuivre son travail. Je devais montrer que j’étais aussi dédiée que lui à l’objectif de la Loi. Je suis tout aussi motivée aujourd’hui que je l’étais il y a trois ans. Nous avons pédalé pour en arriver là, mais aujourd’hui, je peux attester de nos succès. J’ai confiance qu’on fait des gains.

La résilience, c’est la formule à retenir. Au début, j’ai reconnu que la tâche ne pourrait être accomplie pleinement, mais on ne lâche pas. Je m’inspire aussi de l’expérience des personnes qui sont passées avant moi dans la province et à l’échelle du pays dont M. Boileau, Mme d’Entremont au Nouveau-Brunswick, Mme MacLean, commissaire aux Langues officielles au Nouveau-Brunswick, M. Théberge ou encore Mme Adam au fédéral.

 

Et dans ce rôle de commissaire, quelle est l’exigence au quotidien ?

Il faut maintenir un momentum vers des réalisations qui envoie un message au gouvernement et rappeler qu’il y a des droits linguistiques à respecter. La Loi nous appuie et a pour objectif de sauvegarder le patrimoine culturel pour les générations à venir.

 

Passer de fonctionnaire de l’ombre à commissaire dans la lumière… comment aborde-t-on ce changement ?

Je décris cette situation comme un positionnement privilégié. Ce n’est pas le cheminement que j’avais prévu il y a 30 ans, mais ça a toujours été un intérêt. Influencer les jeunes quand j’étais enseignante et guider un peu la façon de penser avec des lentilles bilingues et francophones. L’influence que j’exerce et avec les recommandations que l’on met de l’avant va continuer à influencer positivement, je l’espère.

 

Justement, on parle de vous comme d’une agente de changement positif, qu’en dites-vous ?

Une agente de changement positif (Rires). Je crois que c’est une personne qui demeure optimiste pour l’avenir. Alors, j’ai confiance dans les générations, celle avant nous, mais aussi celle dans laquelle je me trouve et celle après nous. Je pense à la relève francophone : elle est diverse, elle m’excite.

Notre francophonie est en évolution, alors quand on parle d’agent de changement, il faut être capable d’évoluer et je crois que c’est le rôle que je suis appelée à jouer. Réunir cette francophonie en évolution, elle est vibrante, elle est allumée. J’embrasse cette francophonie que je tiens à cœur et ça me rend heureuse de contribuer à son évolution.

 

Pourriez-vous nous dire quelque chose sur vous que la communauté franco-ontarienne ne sait pas ?

Bon, tout le monde sait que je suis active. Je suis une personne qui aime les défis, malgré des circonstances parfois difficiles. Je pense que mon trait de caractère insoupçonné, c’est que je suis persévérante, tout en reconnaissant qu’il faut parfois reculer de quelques pas pour avancer encore plus loin. Ou alors, c’est que je suis patiente (Rires).

 

Quel conseil donneriez-vous à ceux qui veulent s’investir dans la francophonie ?

Je le dis souvent à mon équipe : en francophonie rien ne se fait seul. Il faut collaborer et intégrer plusieurs perspectives qui mènent vers un accomplissement qu’ensuite nous pouvons tous partager. Il faut de la transparence et de l’ouverture. C’est la formule gagnante.

 

Trouvez-vous que vos recommandations sont suffisamment suivies par le gouvernement ?

Ce qu’il y a d’intéressant vis-à-vis des recommandations en attente, c’est qu’elles découlent en grande partie d’une des premières recommandations. Aujourd’hui résolue, c’était de produire un rapport annuel sous le ministère des Affaires francophones. Avec cette demande mise en place à présent et avec l’intégration de la boussole linguistique, on a espoir de voir les autres appliquées.

Un fait pertinent, ce 6 décembre, la ministre Mulroney a déposé un nouveau règlement qui encadre la notion d’offre active. C’est une réponse à la grande majorité de mes recommandations. Nous suivons les avancées, je le fais régulièrement auprès du gouvernement et on vérifie la mise en œuvre des plans.

 

Le règlement sur l’offre active est supposé être mis en vigueur le 1er avril 2023. Votre recommandation pour le règlement 398/93 (qui dresse la liste des organismes désignés sous la Loi sur les services en français) doit être modernisée avant septembre 2023. Faisons-nous face à une nécessité urgente de moderniser le règlement 398/93, sinon comment faire pour appliquer le règlement sur l’offre active à une liste désuète ?

Il y a quand même dans la liste des organismes qui existent, et ces gens-là pourront de suite appliquer le nouveau règlement sur l’offre active et prévoir leurs services. Mais en effet, lorsque la liste sera mise à jour, les organismes, agences et tierces parties qui n’y figurent pas pourront développer un plan.

Je m’attends à ce que le ministère rafraîchisse le règlement 398/93 dans un temps assez rapproché. Les deux activités en parallèle n’affecteront pas les objectifs.

 

Quelle est la formule pour être sûre que les ministères appliquent vos recommandations ?

Les ministres doivent rendre compte de la qualité des services en plus de l’obligation d’offrir activement le service. Maintenant, je demande à ces ministères de me préparer des plans pour être en mesure d’offrir le service. J’offre la boussole qui permet de se mesurer et sur une base annuelle. La ministre des Affaires francophones dépose un rapport avec un compte rendu de la santé linguistique dans chacun des ministères. »

 

LES DATES-CLÉS DE KELLY BURKE  :

  • Naissance à Cornwall, Ontario

  • 1996 : Devient membre du barreau

  • 2014  : Obtient le prix Excelsior qui récompense son rôle au sein ministère du Procureur général

  • 2015 : Participe aux commémorations des 400 ans de l’influence francophone en Ontario

  • 2020 : Devient commissaire aux services en français

  • 2022 : Hisse le drapeau franco-ontarien à Sarnia le 25 septembre