Enquête sur des réunions tenues par le Conseil de la Ville d’Essex les 20 février, 15 et 29 avril, et 6 mai 2024

Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario

Octobre 2025

Plainte

1    Mon Bureau a reçu une plainte selon laquelle le Conseil de la Ville d’Essex (la « Ville ») aurait tenu, les 20 février, 15 et 29 avril et 6 mai 2024, des séances à huis clos qui ne cadraient pas avec les exceptions relatives aux réunions ouvertes au public prévues dans la Loi de 2001 sur les municipalités[1] (la « Loi »). On y alléguait aussi que le Conseil avait omis de décrire, dans la résolution de retrait à huis clos de chacune de ces quatre réunions, la nature générale des questions à examiner à huis clos conformément à l’alinéa 239(4)a) de la Loi.

2    Selon mon enquête, les séances à huis clos visées s’inscrivaient bel et bien dans les exceptions aux règles des réunions publiques établies dans la Loi de 2001 sur les municipalités.

3    Toutefois, mon enquête a aussi révélé que la Ville a contrevenu à la Loi en omettant d’indiquer, par voie de résolution, la nature générale de la question à étudier aux séances à huis clos des 20 février, 15 et 29 avril, et 6 mai 2024.

Compétence de l’Ombudsman

4    La Loi dispose que toutes les réunions d’un conseil ou d’un conseil local et de leurs comités doivent être ouvertes au public, sauf si les exceptions prévues par la Loi s’appliquent.

5    Depuis le 1er janvier 2008, la Loi accorde à quiconque le droit de demander une enquête visant à déterminer si une municipalité ou un conseil local a respecté ou non la Loi en se réunissant à huis clos. La Loi fait de l’Ombudsman l’enquêteur par défaut pour les municipalités qui n’ont pas désigné le(la) leur.

6    L’Ombudsman est l’enquêteur de réunions à huis clos pour la Ville d’Essex.

7    Lorsque nous enquêtons sur des plaintes concernant des réunions à huis clos, nous cherchons à savoir si les exigences relatives aux réunions publiques énoncées dans la Loi et le règlement de procédure municipal ont été respectées.

   Depuis 2008, mon Bureau a enquêté sur des centaines de réunions à huis clos. Pour aider les conseils municipaux, le personnel municipal et le public, nous avons créé un recueil en ligne des cas de réunions publiques. Ce recueil interrogeable vise à permettre aux intéressé(e)s d’accéder facilement aux décisions de l’Ombudsman et à ses interprétations des règles des réunions publiques. Les membres du Conseil et le personnel peuvent consulter ce recueil pour éclairer leurs discussions et leurs décisions afin de déterminer si certaines questions devraient ou pourraient être discutées à huis clos, ainsi que pour examiner les questions liées aux procédures des réunions publiques. Des résumés des décisions antérieures de l’Ombudsman sont consultables dans ce recueil : www.ombudsman.on.ca/fr/pour-le-secteur-public-et-les-elues/gouvernement-municipal/recueil-des-cas-reunions-municipales.

9    L’Ombudsman de l’Ontario est également habilité à réaliser des examens et enquêtes impartiaux concernant des centaines d’organismes publics. Cela comprend les municipalités, les conseils locaux et les sociétés contrôlées par des municipalités ainsi que les organismes gouvernementaux provinciaux, les universités financées par les fonds publics et les conseils scolaires. Il peut aussi examiner les plaintes sur les services fournis par les sociétés d’aide à l’enfance et les titulaires de permis d’un foyer, et sur les services en français fournis aux termes de la Loi sur les services en français. Pour en savoir plus sur les organismes relevant de notre Bureau : www.ombudsman.on.ca/fr/se-plaindre/en-quoi-peut-aider/contre-qui-deposer-plainte.

Processus d’enquête

10    Mon Bureau a informé la Ville de son intention d’enquêter sur ces plaintes le 17 juin 2024. Nous avons parlé avec la mairesse, le maire adjoint, le directeur général (DG) et les conseiller(ère)s. Nous avons aussi examiné les ordres du jour et les procès-verbaux des séances publiques et à huis clos, et passé en revue les autres documents se rapportant aux quatre réunions.

11    Mon Bureau a obtenu une pleine coopération dans cette affaire.

Réunion du Conseil du 20 février 2024

12    Le Conseil a tenu une réunion ordinaire le 20 février 2024, à 16 h. Après l’ouverture de la séance, il a adopté une résolution de retrait à huis clos, citant les exceptions aux règles des réunions publiques pour l’acquisition ou la disposition d’un bien-fonds et pour les projets et instructions pour des négociations. La résolution ne donnait aucune autre précision sur les questions à traiter à huis clos.

13    Selon le procès-verbal de la séance à huis clos et nos entrevues auprès des conseiller(ère)s, le Conseil a discuté d’un projet d’acquisition d’une propriété qui serait ensuite louée à un tiers. La discussion portait notamment sur des offres de prix potentielles et sur les modalités à inclure dans la convention d’achat et le contrat de location-bail subséquent.

14    Le Conseil a quitté le huis clos, puis levé la séance à 16 h 34.

Analyse

Exception relative à l’acquisition ou à la disposition d’un bien-fonds, alinéa 239(2)c)

15    Le Conseil a cité l’exception relative à l’acquisition ou à la disposition d’un bien-fonds, qui s’applique aux discussions sur « l’acquisition ou la disposition projetée ou en cours d’un bien-fonds par la municipalité ou le conseil local »[2]. Cette disposition vise essentiellement à protéger la position de négociation d’une municipalité durant le processus d’achat ou de vente d’un bien-fonds, et peut s’étendre à des intérêts liés, comme des servitudes et des contrats de location-bail[3]. Pour que cette exception s’applique, la municipalité doit prendre part à la transaction foncière[4]. De plus, les discussions doivent porter sur une transaction foncière réelle et concrète en cours ou projetée[5]. La transaction foncière doit être plus que purement hypothétique[6].

16    Dans une lettre de 2021 à l’intention du Conseil de Sault Ste. Marie, j’ai conclu que la séance à huis clos durant laquelle le Conseil avait poursuivi des discussions sur l’achat d’un terrain et son coût éventuel ainsi que sur les modalités de la vente relevait bien de l’exception[7].

17    Dans le cas qui nous occupe, la discussion à huis clos du Conseil portait sur une transaction foncière proposée pour un terrain précis, sur une offre de prix possible et sur les éventuelles modalités de la convention d’achat et du contrat de location-bail subséquent. Le Conseil devait protéger sa position de négociation devant le propriétaire du terrain et le tiers disposé à louer ce terrain. La divulgation publique de la teneur des discussions tenues à huis clos aurait pu compromettre cette position. Par conséquent, la discussion à huis clos du 20 février 2024 relève bien de l’exception relative à l’acquisition ou à la disposition d’un bien-fonds.

Exception relative aux projets et instructions pour des négociations, alinéa 239(2)k)

18    Le Conseil a aussi mentionné l’alinéa 239(2)k) de la Loi, qui permet à une municipalité de tenir des discussions sur « une position, un projet, une ligne de conduite, une norme ou une instruction devant être observé par la municipalité ou le conseil local, ou pour son compte, dans le cadre d’une négociation actuelle ou éventuelle »[8]. Le but de cette exception est de permettre « à une Municipalité de protéger des renseignements qui pourraient contrevenir à sa position de négociation, ou donner à une autre partie un avantage injuste par rapport à la municipalité dans le cadre de négociations en cours »[9]. Pour que l’exception s’applique, la municipalité doit démontrer que :

  1. la discussion à huis clos porte sur des positions, des plans, des procédures, des critères ou des instructions.
  2. les positions, projets, procédures, critères ou instructions sont destinés à être appliqués aux négociations;
  3. les négociations sont en cours ou à venir;
  4. les négociations sont menées par la municipalité ou en son nom[10].

19    En l’espèce, tous ces critères sont satisfaits. Le Conseil a discuté de son projet d’achat d’une propriété et de sa location-bail subséquente à un tiers. Les détails du projet, comme le prix d’achat, le prix de location et les modalités des transactions, faisaient partie des échanges. Le Conseil avait l’intention d’appliquer le projet aux négociations avec le propriétaire du terrain et le tiers intéressé à le louer au nom de la Municipalité.

20    Par conséquent, les discussions tenues par le Conseil le 20 février 2024 relèvent bien de cette exception.

Réunion du Conseil du 15 avril 2024

Renseignements généraux

21    Le drain Shepley est un drain municipal qui traverse les terres agricoles et les zones urbaines de la Ville d’Essex[11]. La Commission de drainage de la Ville avait déjà proposé de financer l’amélioration de cet ouvrage, possiblement avec la participation des résident(e)s touché(e)s qui le souhaitent sous forme de contributions volontaires. Or, des membres du Conseil nous ont dit avoir reçu des menaces de litige de certaines des personnes visées par la proposition, qui s’opposent aux travaux proposés pour l’installation de drainage.

Séance à huis clos

22    Le Conseil a tenu une réunion extraordinaire en personne le 15 avril 2024, à 17 h 30. Après avoir ouvert la séance, le Conseil a adopté une résolution de retrait à huis clos, citant les exceptions aux règles des réunions publiques relatives aux renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat et aux séances d’éducation ou de formation. La résolution ne donnait aucune autre information générale sur les questions à traiter à huis clos.

23    Selon le procès-verbal et nos entrevues avec les membres du Conseil, la séance à huis clos a commencé par une prise de parole du DG, qui a informé le Conseil que la Ville avait été menacée de litige concernant les travaux proposés pour le drain Shepley. Le personnel a ensuite expliqué les améliorations proposées pour l’installation et fourni des renseignements sur les dispositions pertinentes de la Loi sur le drainage[12]. Le directeur des services juridiques et législatifs de la Ville était présent à la séance à huis clos; il a donné aux membres des conseils juridiques à propos du drain Shepley et des risques de litige. Les membres du Conseil nous ont dit que cette information additionnelle était essentielle pour bien comprendre les conseils juridiques reçus.

24    Le Conseil a quitté le huis clos à 17 h 45, puis levé la séance.

Analyse

Exception des conseils protégés par le secret professionnel de l’avocat(e), alinéa 239(2)f)

25    Le Conseil a cité l’exception des conseils protégés par le secret professionnel de l’avocat(e), qui s’applique aux discussions entre une municipalité et son avocat(e) pour demander ou obtenir des conseils juridiques de nature confidentielle ainsi qu’aux communications nécessaires à cette fin[13]. L’exception vise à permettre aux responsables municipaux(ales) de parler librement de conseils juridiques sans crainte de divulgation[14].

26    J’ai déjà établi que le secret professionnel de l’avocat(e) peut s’appliquer aux communications que s’il s’agit d’une communication : 1) entre un(e) client(e) et son avocat(e), l’avocat(e) agissant à titre professionnel; 2) qui comporte une consultation ou un avis juridique; et 3) que les parties considèrent de nature confidentielle[15].

27    J’ai aussi conclu précédemment que les renseignements fournis à huis clos à un conseil par quelqu’un qui n’est pas un(e) avocat(e) peuvent être visés par l’exception des conseils protégés par le secret professionnel de l’avocat(e) s’ils sont obtenus dans le cadre d’une demande de conseils juridiques faite par le conseil ou s’ils sont nécessaires au conseil pour discuter des questions avec un(e) avocat(e) de manière satisfaisante[16]. Par exemple, dans un rapport de 2023 destiné à la Ville de Hamilton, j’ai conclu que l’exception s’appliquait aux quatre parties d’une présentation PowerPoint, même si une seule de ces parties comportait des conseils juridiques, parce que les autres parties de la présentation étaient requises pour mettre en contexte la municipalité et lui permettre de comprendre les conseils juridiques de l’avocate[17].

28    Dans le présent cas, le directeur des services juridiques et législatifs de la Ville a, durant le huis clos, offert des conseils juridiques au Conseil concernant le drain Shepley et les menaces de litige. Si une seule partie de la séance portait directement sur des conseils juridiques, plusieurs membres du Conseil nous ont dit que les renseignements présentés à propos des dispositions pertinentes de la Loi sur le drainage étaient nécessaires pour comprendre les conseils juridiques et approfondir la question.

29    Par conséquent, la discussion du Conseil tenue à huis clos le 15 avril 2024 était visée par l’exception des conseils protégés par le secret professionnel de l’avocat(e).

Exception pour les séances d’éducation ou de formation, par. 239(3.1)

30    Le Conseil a aussi invoqué l’exception relative à l’éducation ou à la formation prévue au paragraphe 239(3.1) de la Loi. Cette exception permet à une réunion de se tenir à huis clos si elle a pour but « l’éducation ou la formation » des membres, et si aucun membre ne discute ou ne traite autrement d’une question d’une manière qui fait avancer de façon importante les travaux ou la prise de décision du conseil, du conseil local ou du comité.

31    Mon Bureau a déjà déterminé que cette exception doit être interprétée de façon restrictive, ne s’appliquant qu’aux discussions à huis clos ayant pour seul but d’éduquer ou de former les membres du conseil[18]. Toute tentative faite pour invoquer cette exception doit être scrutée avec soin[19].

32    Dans une lettre envoyée en 2014 à la Ville de Moosonee, mon Bureau a par ailleurs établi que les instructions fournies par un(e) expert(e)-conseil municipal(e) ne relevaient pas de l’exception relative à l’éducation ou la formation parce que les renseignements n’étaient pas de nature générale et portaient sur des questions ayant une incidence directe sur les affaires de la municipalité[20].

33    Dans le cas présent, le Conseil a reçu du personnel des renseignements sur les dispositions de la Loi sur le drainage qui s’appliquent à la question précise de l’amélioration du drain Shepley et des menaces de litige connexes. Ces renseignements n’étaient pas de nature générale, mais avaient une incidence directe sur les décisions et les affaires de la Ville, notamment la décision du Conseil d’aller ou non de l’avant avec les travaux d’amélioration du drain Shepley. Par conséquent, l’exception relative à l’éducation ou la formation ne s’appliquait pas à la séance à huis clos.

Exception relative aux litiges actuels ou éventuels, alinéa 239(2)e)

34    Mon Bureau a aussi cherché à savoir si l’exception relative aux litiges actuels ou éventuels au titre de l’alinéa 239(2)e) de la Loi pouvait s’appliquer à la réunion du 15 avril 2024, même si le Conseil ne l’a pas invoquée. Mon Bureau a conclu que cette exception est réservée aux cas où le sujet discuté concerne un litige en cours, ou présente une possibilité raisonnable de litige. Dans le cas d’une menace de litige, plutôt qu’un litige en cours, mon Bureau tente habituellement de déterminer si le conseil estime que la probabilité d’un litige s’avère raisonnable et s’il explore cette probabilité d’une manière ou d’une autre durant le huis clos[21].

35    Dans le cas présent, les menaces de litige reçues par la Ville à propos de ses initiatives relativement au drain Shepley étaient au cœur des échanges durant de la séance à huis clos. Pour cette raison, l’exception s’applique à la séance à huis clos du Conseil.

Réunion du Conseil du 29 avril 2024

Renseignements généraux

36    Le 5 octobre 2023, la Ville a lancé une demande de déclaration d’intérêt (DDI) pour l’aménagement des terrains de sports du centre Essex (Essex Centre Sport Fields, ECSF)[22]. Les membres du Conseil nous ont dit que la Ville avait acquis un terrain de 70 acres dans l’espoir d’y aménager un vaste complexe sportif polyvalent. Durant le processus de DDI, le Conseil recueillait les propositions des parties intéressées pour l’aménagement et la vente potentielle de 10 acres de terrains pour les ECSF.

37    Le document de DDI comportait des dispositions sur la confidentialité des propositions soumises, dont une selon laquelle la Ville les recevrait en toute confidentialité et préserverait cette confidentialité à moins de disposition contraire dans la loi[23]. La DDI précisait aussi que la Ville pourrait organiser des rencontres individuelles avec les soumissionnaires pour qu’ils puissent présenter leur proposition à la Ville sans risquer de voir cette information filtrer jusqu’à la concurrence[24].

38    La Ville a obtenu une réponse à sa DDI et a demandé à son auteur(e) de venir présenter son projet au Conseil. Selon le DG, les représentant(e)s de l’auteur(e) de la proposition ont informé le personnel municipal, avant la rencontre, que la divulgation publique de la proposition serait susceptible d’aider ou d’inspirer la concurrence, ce qui pourrait compromettre les efforts pour collecter des fonds. Elles(ils) ont aussi soulevé la crainte que les idées contenues de la présentation soient volées, ce qui minerait l’unicité du projet et le rendrait moins attrayant pour les investisseur(euse)s.

Séance à huis clos

39    Le Conseil a tenu une réunion en personne le 29 avril 2024, à 18 h. Après avoir ouvert la séance, il a invoqué l’exception aux règles des réunions publiques relative à l’acquisition ou à la disposition d’un bien-fonds dans sa résolution de retrait à huis clos. La résolution ne donnait aucune autre information sur les questions à traiter à huis clos.

40    Selon le procès-verbal et nos entrevues, les représentant(e)s de la partie ayant répondu à la DDI ont assisté à la séance à huis clos à titre d’intervenant(e)s. La séance à huis clos comportait deux volets : une présentation de la proposition pour le projet d’ECSF par les représentant(e)s, suivie d’une discussion du Conseil sur cette proposition, une fois les intervenant(e)s parti(e)s.

41    Durant la première partie, les intervenant(e)s ont présenté le concept général du projet au Conseil, dont les biens et services qui seraient offerts à l’installation. La présentation comportait plusieurs images illustrant le concept de l’aménagement intérieur et extérieur, les schémas de construction détaillés accompagnés des mesures précises et les rendus 3D d’une partie de l’installation.

42    Selon le procès-verbal de la séance à huis clos, les intervenant(e)s ont informé le Conseil que la proposition devait rester confidentielle durant le processus de recherche de financement pour éviter que la concurrence potentielle vole les idées proposées. Le DG se rappelait que les intervenant(e)s avaient aussi formulé cette demande verbalement à plusieurs reprises avant la réunion. Selon le DG, ils(elles) ont expliqué que l’entreprise était toujours à la recherche d’investisseur(euse)s pour le projet, et que la divulgation publique de la proposition pourrait inspirer la concurrence et diminuer l’intérêt d’investisseur(euse)s potentiel(le)s.

43    Une fois la présentation terminée, les intervenant(e)s ont quitté la salle, et les membres du Conseil ont discuté de leur intérêt et de leurs préoccupations concernant la proposition ainsi que des modalités à inclure dans l’éventuelle transaction.

44    Selon le procès-verbal, le personnel a ensuite fourni au Conseil des renseignements sur une lettre d’intention provisoire destinée à la partie ayant répondu à la DDI, qui comprenait le prix de vente proposé pour le terrain. Le personnel a ajouté que la lettre serait ultimement soumise au Conseil aux fins d’examen et d’approbation.

45    Le Conseil a quitté le huis clos à 19 h 10, puis levé la séance.

Analyse

Exception relative à l’acquisition ou à la disposition d’un bien-fonds, alinéa 239(2)c)

46    Le Conseil a invoqué l’exception relative à l’acquisition ou la disposition d’un bien-fonds pour discuter à huis clos de l’aménagement proposé. Comme il a déjà été mentionné, cette exception permet à une municipalité de se retirer à huis clos pour discuter de « l’acquisition ou [de] la disposition projetée ou en cours d’un bien-fonds par la municipalité ou le conseil local », principalement dans le but de protéger sa position de négociation. En général, une municipalité doit être soit le vendeur soit l’acheteur du terrain pour que l’exception s’applique[25].

47    Mon Bureau avait déjà conclu que l’exception ne s’applique habituellement pas aux discussions à huis clos auxquelles participe la contrepartie d’une transaction foncière, puisque ce serait contraire à l’objectif de protection de la position de négociation de la municipalité[26]. L’exception relative à l’acquisition ou à la disposition d’un bien-fonds ne s’appliquait donc pas à la première partie de la séance, lorsque les intervenant(e)s étaient présent(e)s.

48    Après la présentation des intervenant(e)s, le Conseil a discuté de son intérêt à procéder à la disposition des terrains municipaux visés par la DDI, des modalités à prévoir dans la transaction qui s’ensuivrait et du prix de vente à proposer. Les échanges portant sur le détail de l’éventuelle transaction pour ces terrains relevaient bien de l’exception visant l’acquisition ou la disposition d’un bien-fonds[27]. Si ces échanges s’étaient tenus publiquement, la position de négociation du Conseil aurait été compromise. Par conséquent, la discussion ayant suivi la présentation lors de la réunion du 29 avril 2024 cadre avec l’exception relative à l’acquisition ou à la disposition d’un bien-fonds.

Exception relative aux renseignements communiqués à titre confidentiel par une tierce partie, alinéa 239(2)i)

49    Mon Bureau a cherché à savoir si l’exception relative aux renseignements communiqués à titre confidentiel par une tierce partie pouvait s’appliquer à la réunion du 29 avril 2024, même si le Conseil ne l’a pas invoquée. Cette exception a pour objet de protéger les renseignements confidentiels au sujet d’un tiers ayant été communiqués à la municipalité[28]. Elle s’applique quand des renseignements appartenant à l’une des catégories énumérées (ex. : renseignements d’ordre commercial ou technique) sont explicitement ou implicitement communiqués à la municipalité par un tiers à titre confidentiel, et quand leur divulgation pourrait, selon toutes attentes raisonnables, causer un préjudice au tiers[29].

Les renseignements entraient dans l’une des catégories énumérées

50    Parmi les renseignements énumérés dans l’exception, les renseignements d’ordre « commercial » et « technique » sont les plus susceptibles de s’appliquer à la présentation des intervenant(e)s. Les « renseignements d’ordre commercial » sont des renseignements liés à l’achat, la vente ou l’échange de marchandises ou de services[30]. En l’espèce, les intervenant(e)s ont présenté le concept général du projet soumis en réponse à la DDI, notamment les renseignements sur les biens et services qui seront offerts dans l’installation proposée. La présentation des intervenant(e)s entre donc dans la catégorie des renseignements commerciaux.

51    En outre, les « renseignements d’ordre technique » sont des renseignements généralement préparés par un(e) professionnel(le), qui décrivent la construction, le fonctionnement ou l’entretien d’une structure, d’un processus, d’un équipement ou d’une chose[31]. Comme la présentation comportait des dessins architecturaux et des croquis ainsi que les dimensions aux fins de la construction, elle entre dans la catégorie des renseignements techniques.

Les renseignements ont été communiqués à titre confidentiel

52    Le second volet de l’exception requiert que la tierce partie ait communiqué les renseignements à la Municipalité à titre confidentiel. J’ai déjà déterminé que la partie s’opposant à la divulgation doit établir que la personne ayant fourni les renseignements avait une attente raisonnable de confidentialité, implicite ou explicite, au moment où ils ont été fournis[32]. Toutes les circonstances de l’affaire sont examinées afin de déterminer s’il existait une attente de confidentialité, et notamment si les renseignements :

  1. ont été communiqués à l’institution à titre confidentiel et s’ils devaient le rester;
  2. ont été traités systématiquement par la tierce partie d’une manière indiquant un souci de confidentialité;
  3. n’ont pas été divulgués autrement ou n’étaient pas accessibles au public auprès d’autres sources;
  4. ont été préparés dans une optique n’impliquant pas leur divulgation[33].

53    Les intervenant(e)s ont fait leur présentation au Conseil durant la séance à huis clos avec l’assurance que les renseignements communiqués ne seraient pas rendus publics, ce qui pouvait compromettre la situation concurrentielle de la partie ayant répondu à la DDI. Cette dernière précisait que la Ville recevrait les réponses en toute confidentialité et préserverait cette confidentialité sauf disposition contraire dans la loi. Les intervenant(e)s avaient aussi parlé de la confidentialité de leur présentation avec le DG avant la réunion. En outre, durant la séance à huis clos, ils(elles) ont confirmé verbalement que l’information contenue dans la présentation était confidentielle. L’information n’était pas accessible au public. Par conséquent, la présentation a été fournie de façon confidentielle par les intervenant(e)s.

Il y avait un risque raisonnable de préjudice

54    Cet élément de l’exception requiert que la divulgation de l’information confidentielle puisse, selon toutes attentes raisonnables, avoir pour effet de nuire gravement à la situation concurrentielle ou d’entraver gravement les négociations contractuelles ou autres de la tierce partie.

55    Je me suis appuyé sur l’interprétation de la Cour suprême du Canada d’une exception semblable invoquée en vertu d’une loi sur l’accès à l’information, selon laquelle le critère exprime la nécessité « d’établir que la divulgation occasionnera un risque de préjudice selon une norme qui est beaucoup plus exigeante qu’une simple possibilité ou conjecture, mais qui n’atteint cependant pas celle d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la divulgation occasionnera effectivement un tel préjudice »[34]. Il incombe à la partie souhaitant éviter la divulgation de l’information de fournir des éléments de preuve « détaillés et convaincants » pour établir l’existence d’un risque vraisemblable de préjudice[35].

56    J’avais déjà établi l’existence d’un risque de préjudice dans des cas où les propositions de participant(e)s à un processus d’approvisionnement font l’objet de discussions à huis clos[36]. Les propositions contenaient des renseignements exclusifs sur un projet d’aménagement, comme l’estimation des coûts et des taux, les dispositions du contrat et l’architecture.

57    Dans ma lettre de 2021 à l’intention du Conseil de la Ville de South Bruce Peninsula, j’établissais que la divulgation publique de la présentation faite à huis clos aurait pu alerter la concurrence au sujet de la technologie propriétaire décrite dans la proposition, ce qui aurait entraîné le risque que la concurrence se procure une licence pour cette technologie dans la région, et aurait pu compromettre une transaction foncière en cours en lien avec la proposition[37]. Dans ma lettre de 2023 au Conseil de la Ville du Grand Sudbury, j’ai conclu que la divulgation publique pouvait porter un grave préjudice à la situation concurrentielle des soumissionnaires participant au processus d’approvisionnement, ou lors des négociations contractuelles subséquentes[38].

58    Dans le présent cas, la présentation des intervenant(e)s contenait le détail et des représentations visuelles de la structure, dont les dimensions, qui sont des renseignements exclusifs. En outre, les intervenant(e)s avaient soulevé la crainte que la divulgation publique inspire la concurrence et nuise à ses efforts pour solliciter des fonds.

59    Je suis convaincu que la divulgation publique du contenu de la présentation aurait pu, selon toutes attentes raisonnables, avoir pour effet de nuire à la situation concurrentielle de la partie ayant répondu à la DDI.

60    Par conséquent, la présentation des intervenant(e)s et les discussions subséquentes du Conseil lors de la réunion du 29 avril 2024 relèvent de l’exception relative aux renseignements communiqués à titre confidentiel par une tierce partie.

Réunion du Conseil du 6 mai 2024

Renseignements généraux

61    Avant octobre 2023, la Ville d’Essex sous-traitait la facturation des services d’eau à E.L.K Energy Inc. (« E.L.K. »), une société de distribution d’énergie dont elle était l’unique propriétaire en date du 6 mai 2024. À cette époque, la Ville nommait les membres du conseil d’administration d’E.L.K., formé de la mairesse, du maire adjoint, de trois membres du personnel de la Ville et de trois autres personnes.

62    Selon la Loi, une « société détenue par la municipalité » s’entend d’une « société dont au moins 50 pour cent des actions émises et en circulation sont acquises à la municipalité ou qui fait nommer la majorité des membres de son conseil d’administration par la municipalité ou en approuver la nomination par elle. La présente définition ne s’entend toutefois pas d’un conseil local au sens du paragraphe 1 (1) ». La Ville était l’unique actionnaire d’E.L.K. et nommait tou(te)s les membres de son conseil d’administration. N’étant pas un conseil local, E.L.K. répondait à la définition d’une société détenue par la municipalité.

63    Si elle détenait E.L.K. à cette époque, la Ville d’Essex ne dirigeait pas ses activités courantes, qui tombaient essentiellement sous la responsabilité de l’équipe de gestion et du personnel de la société. Par ailleurs, E.L.K. était une entité distincte de la Ville, soit une société municipale au titre de la Loi de 1998 sur l’électricité de l’Ontario, constituée en vertu de la Loi de 1990 sur les sociétés par actions. Étant considérée comme une entité aux termes des lois sur l’accès à l’information, E.L.K. pouvait faire l’objet de poursuites de façon indépendante.

64    Le 20 mars 2023, le Conseil a adopté une résolution en vue de faire parvenir une lettre de désistement à E.L.K. le 1er octobre 2023. Entre-temps, la Ville a graduellement commencé à reprendre d’E.L.K. la responsabilité du service de facturation et de recouvrement pour les services d’eau, et a embauché Entegrus Inc. (« Entegrus »), un tiers distributeur d’électricité, pour gérer E.L.K. à titre temporaire.

65    La mairesse a dit à mon Bureau qu’en date du 6 mai 2024, la Ville avait lancé un appel d’offres en vue de vendre E.L.K. ou de la fusionner avec une autre société.

Séance à huis clos

66    Le Conseil a tenu une réunion le 6 mai 2024, à 16 h. Après avoir ouvert la séance, il a invoqué pour se retirer à huis clos les exceptions relatives aux renseignements communiqués à titre confidentiel par une tierce partie et aux renseignements qui sont la propriété de la municipalité. La résolution ne donnait aucune autre information générale sur les questions à traiter à huis clos.

67    Les membres du Conseil nous ont dit que les discussions tenues à huis clos portaient principalement sur les renseignements financiers présentés par le personnel concernant la gestion d’E.L.K. et la transition vers la facturation directe par la Ville pour les services d’eau. En outre, ils(elles) nous ont dit qu’une petite partie de la séance portait sur les litiges potentiels. Plusieurs membres du Conseil nous ont informé(e)s que le directeur des services juridiques et législatifs de la Ville, un avocat, était présent et a fourni des conseils juridiques concernant ces litiges potentiels.

68    Selon le procès-verbal de la séance à huis clos, le personnel a présenté au Conseil une évaluation des finances et des pratiques de facturation d’E.L.K. fondée sur les renseignements fournis par l’équipe des services de gestion de la société. On nous a dit que l’équipe avait demandé à ce que ces renseignements demeurent confidentiels.

69    Le Conseil a quitté le huis clos, puis levé la séance à 16 h 50.

Analyse

Exception relative aux renseignements communiqués à titre confidentiel par une tierce partie, alinéa 239(2)i)

70    Le Conseil a invoqué l’exception relative aux renseignements communiqués à titre confidentiel par une tierce partie pour se retirer à huis clos. Comme nous l’avons déjà mentionné, cette exception a pour objet de protéger les renseignements confidentiels au sujet d’un tiers ayant été communiqués à la municipalité[39]. Elle s’applique quand des renseignements appartenant à l’une des catégories énumérées (ex. : renseignements d’ordre commercial ou financier) sont explicitement ou implicitement communiqués à la municipalité par un tiers à titre confidentiel, et quand leur divulgation pourrait, selon toutes attentes raisonnables, causer un préjudice au tiers[40].

Les renseignements entraient dans l’une des catégories énumérées

71    Les renseignements ayant fait l’objet d’échanges étaient vraisemblablement d’ordre commercial ou financier. Les « renseignements d’ordre commercial » sont des renseignements liés à l’achat, la vente ou l’échange de marchandises ou de services[41]. Les « renseignements d’ordre financier », eux, sont liés à l’utilisation ou à la distribution de fonds, contenant des données particulières ou y faisant référence, y compris les « données sur les profits et les pertes »[42].

72    Les renseignements discutés par le Conseil portaient sur les finances d’E.L.K. et sur sa gestion de la facturation des services d’eau de la Ville. Ces renseignements sont considérés comme étant d’ordre commercial et financier.

Les renseignements ont été communiqués par une tierce partie

73    Plusieurs membres du Conseil ont affirmé à mon Bureau que les renseignements avaient été communiqués par E.L.K., et que cette société est un tiers de la Ville. Mon Bureau n’a jamais été appelé à déterminer si une société détenue par la municipalité constitue ou non une « tierce partie » aux fins de cette exception.

74    Au moment de la réunion, la Ville ne gérait pas les activités courantes d’E.L.K. En outre, en tant que société constituée en personne morale, E.L.K. était une entité distincte de la Ville d’Essex. C’est aussi une entité distincte au titre des lois sur l’accès à l’information.

75    Je suis convaincu qu’E.L.K. est une tierce partie aux fins de cette exception.

Les renseignements ont été communiqués à titre confidentiel

76    Mon Bureau a été informé que le personnel d’E.L.K. avait précisé au personnel de la Ville que les données communiquées étaient confidentielles. La Ville n’a toutefois fourni à mon Bureau aucun document confirmant cette affirmation. Je demeure tout de même convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que les renseignements ont été communiqués par la tierce partie à titre confidentiel.

Il y avait un risque raisonnable de préjudice

77    Ce volet de l’exception requiert que la divulgation des renseignements confidentiels puisse, selon toutes attentes raisonnables, avoir pour effet de causer d’importants préjudices au tiers.

78    Selon les renseignements collectés par mon Bureau, je suis convaincu que la divulgation des renseignements confidentiels fournis à la Ville par E.L.K. pouvait nuire à la situation concurrentielle et à la valeur d’E.L.K. et ainsi compromettre le processus d’appel d’offres pour vendre ou fusionner la société.

79    Par conséquent, l’exception s’applique aux discussions du Conseil du 6 mai 2024.

Exception relative aux renseignements qui sont la propriété de la municipalité, alinéa 239(2)j)

80    Le Conseil s’est aussi appuyé sur l’exception relative aux renseignements qui sont la propriété de la municipalité, qui lui permet de tenir une séance à huis clos pour discuter d’un secret industriel ou de renseignements d’ordre scientifique, technique, commercial ou financier qui sont la propriété de la municipalité ou du conseil local et qui ont une valeur pécuniaire actuelle ou éventuelle. Mon Bureau a adopté un critère en trois points concernant cette exception, indiquant que l’exception s’applique si la discussion à huis clos porte sur :

i.    un secret industriel ou des renseignements d’ordre scientifique, technique, commercial ou financier;
ii.    qui sont la propriété de la municipalité ou du conseil local;
iii.    et qui ont une valeur pécuniaire actuelle ou éventuelle[43].

81    Durant la réunion, le personnel a fourni au Conseil une évaluation des finances et des pratiques de facturation d’E.L.K., évaluation qu’il a réalisée à partir des renseignements obtenus d’E.L.K. à cette fin. L’information contenue dans l’évaluation préparée par le personnel peut être considérée comme étant d’ordre financier ou commercial.

82    La prochaine question est de savoir si les renseignements appartiennent à la municipalité. J’ai déjà conclu précédemment que l’information est la propriété de l’institution si elle appartient à cette institution[44] et si elle a été préparée par le personnel municipal[45]. L’évaluation a été préparée par le personnel municipal, et donc elle appartient à la Ville.

83    Le dernier volet de l’analyse vise à déterminer si les renseignements ont une valeur pécuniaire actuelle ou éventuelle. J’ai conclu antérieurement que pour établir la « valeur pécuniaire », il faut prouver que « l’information a une valeur intrinsèque, de sorte que sa divulgation priverait l’institution de cette valeur pécuniaire »[46].

84    Dans le présent cas, la Ville avait, avant la réunion, lancé un appel d’offres en vue de la fusion ou de la vente d’E.L.K. Plusieurs membres du Conseil nous ont dit que la divulgation des renseignements ayant fait l’objet de discussions à cette réunion aurait pu avoir une incidence sur les soumissions reçues : l’évaluation des finances et des pratiques de facturation de la société préparée par le personnel aurait pu miner la qualité des éventuelles soumissions. Cela se serait donc répercuté sur la valeur pécuniaire dans l’éventualité d’une vente ou d’une fusion. Par conséquent, les renseignements ont une valeur pécuniaire, et la discussion du 6 mai 2024 entrait dans l’exception relative aux renseignements qui sont la propriété de la municipalité.

Exception relative au secret professionnel de l’avocat(e), alinéa 239(2)f)

85    Mon Bureau a aussi cherché à savoir si les échanges du Conseil concernant les litiges potentiels pouvaient entrer dans l’exception relative au secret professionnel de l’avocat(e). Comme il a déjà été établi, cette exception s’applique aux discussions qui incluent les communications entre une municipalité et son avocat(e), en vue de demander ou d’obtenir des conseils juridiques destinés à rester confidentiels[47]. Elle vise à permettre aux responsables municipaux(ales) de parler librement de conseils juridiques sans crainte de divulgation.

86    J’ai déjà dit qu’une communication est assujettie au secret professionnel de l’avocat(e) uniquement dans les cas suivants : (1) communication entre un(e) client(e) et son avocat(e), l’avocat(e) agissant à titre professionnel; (2) communication comportant une consultation ou un avis juridique; et (3) communication que les parties considèrent de nature confidentielle[48].

87    Durant la séance à huis clos, le Conseil a demandé et reçu des conseils juridiques du directeur des services juridiques et législatifs de la Ville, qui était présent, concernant les litiges potentiels. Par conséquent, l’exception relative au secret professionnel de l’avocat(e) s’applique aussi à cette portion des échanges du 6 mai 2024.

Résolution de retrait à huis clos

88    Selon l’alinéa 239(4)a) de la Loi, avant de se retirer à huis clos, le conseil, le conseil local ou le comité doit indiquer par voie de résolution adoptée en séance publique le fait qu’une séance à huis clos sera tenue et la nature générale de la question devant y être étudiée.

89    Lors de ses réunions des 20 février, 15 et 29 avril et 6 mai 2024, le Conseil a seulement invoqué dans ses résolutions les exceptions applicables, sans fournir quelque autre information sur l’objet des questions à étudier. Dans chacun de ces cas, il aurait été possible de fournir davantage de renseignements sans porter atteinte à la raison du huis clos. Le Conseil a donc contrevenu à l’alinéa 239(4)a) de la Loi de 2001 sur les municipalités à chacune de ces réunions en omettant de préciser la nature générale des discussions qui se tiendraient à huis clos.

Avis

90    Le Conseil de la Ville d’Essex était en droit de tenir des séances à huis clos lors de ses réunions des 20 février, 15 et 29 avril et 6 mai 2024 en vertu de plusieurs des exceptions relatives aux réunions publiques prévues dans la Loi de 2001 sur les municipalités.

91    Toutefois, il a enfreint l’alinéa 239(4)a) de la Loi à chacune de ces quatre réunions en n’indiquant pas la nature générale des questions devant être étudiées à huis clos.

92    J’avais déjà souligné l’importance pour une municipalité d’obtenir des preuves écrites confirmant qu’un tiers a demandé que soit préservée la confidentialité des documents soumis lorsqu’est invoquée l’exception de l’alinéa 239(2)i) de la Loi. J’invite la Ville à adopter cette pratique exemplaire à l’avenir quand elle voudra tenir une séance à huis clos en vertu de l’exception applicable aux renseignements communiqués à titre confidentiel par un tiers.

Recommandations

93    Je fais les recommandations suivantes afin d’aider la Ville d’Essex à s’acquitter des obligations qui lui incombent selon la Loi de 2001 sur les municipalités et à accroître la transparence de ses réunions :

Recommandation 1

Les membres du Conseil de la Ville d’Essex devraient faire preuve de vigilance dans l’exercice de leur obligation individuelle et collective de s’assurer que la Ville remplit ses responsabilités prévues dans la Loi de 2001 sur les municipalités.


 

Recommandation 2

Conformément à la Loi de 2001 sur les municipalités, le Conseil de la Ville d’Essex devrait fournir dans ses résolutions de retrait à huis clos le plus possible de renseignements sur la nature générale des questions à étudier à huis clos, sans porter atteinte à la raison du huis clos.


 

Recommandation 3

À titre de pratique exemplaire, le Conseil de la Ville d’Essex devrait, lorsqu’il compte invoquer l’alinéa 239(2)i) de la Loi de 2001 sur les municipalités pour se retirer à huis clos, assurer une consignation plus rigoureuse de toute demande d’un tiers visant à préserver la confidentialité des renseignements devant faire l’objet de discussions.

Rapport

94    Le Conseil de la Ville d’Essex a pu examiner une version préliminaire du présent rapport et la commenter pour mon Bureau. Le présent rapport définitif a été rédigé à la lumière de tous les commentaires que nous avons reçus.

95    Le présent rapport sera publié sur le site Web de mon Bureau et devrait aussi être rendu public par la Ville d’Essex. Conformément au paragraphe 239.2(12) de la Loi de 2001 sur les municipalités, le Conseil doit adopter une résolution indiquant comment il entend y donner suite.


__________________________
Paul Dubé 
Ombudsman de l’Ontario

 

[1] L.O. 2001, chap. 25 [Loi de 2001 sur les municipalités].
[2] Loi de 2001 sur les municipalités.
[3] Ombudsman de l'Ontario, Enquête visant à déterminer si le Conseil de la Ville de Port Colborne a tenu des réunions à huis clos illégales le 8 mars 2010, le 27 janvier 2014, et le 8 décembre 2014, (novembre 2015), para 77, en ligne.
[4] Ibid.
[5] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur les réunions à huis clos tenues par le conseil de la Ville de Fort Erie les 4 et 6 décembre 2017, (avril 2018), para 31, en ligne.
[6] Ombudsman de l'Ontario, Enquête visant à déterminer si le Conseil de la Ville de Fort Erie a tenu une réunion à huis clos illégale le 10 décembre 2014, (avril 2015), para 22 et 23, en ligne.
[7] Lettre de l’Ombudsman de l’Ontario au Conseil de la Ville de Sault Ste. Marie (2 mars 2021), en ligne.
[8] Loi de 2001 sur les municipalités, supra note 1.
[9] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos d’une réunion tenue par la Municipalité de Grey Highlands le 7 octobre 2020, (mai 2021), para 17, en ligne.
[10] Ibid.
[11] Ville d’Essex, Report to Council, 3 octobre 2022, en ligne.
[12] L.R.O 1990, chap. D.17.
[13] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur des réunions tenues par le conseil du Canton de McMurrich/Monteith le 8 juin et le 6 juillet 2021, (mars 2022), para 20, en ligne.
[14] Ibid.
[15] Ibid., para 21.
[16] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur des plaintes à propos d'une réunion et d'une rencontre informelle du conseil de la Ville de Pelham le 5 septembre 2017, (avril 2018), en ligne; et Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur des plaintes à propos de réunions à huis clos tenues par la Municipalité de Temagami, (février 2021), en ligne.
[17] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos d’une réunion du Comité des questions générales de la Ville de Hamilton tenue le 6 février 2019, (novembre 2023), para 29 et 30, en ligne.
[18] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur de multiples réunions à huis clos du Conseil de la Ville de Welland de juin 2012 à mai 2014, (novembre 2014), para 57, en ligne.
[19] Ombudsman de l’Ontario. « ABC de l’éducation et de la formation – Enquête sur la réunion à huis clos du Comité des Services de développement de la Ville d’Oshawa, le 22 mai 2008 » (mars 2009), para 29, en ligne.
[20] Lettre de l’Ombudsman de l’Ontario à la Ville de Moosonee (9 septembre 2014), en ligne.
[21] Lettre de l’Ombudsman de l’Ontario à la Municipalité de Russell (23 février 2021), en ligne; Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos de réunions tenues par le Conseil du Canton de Georgian Bay le 13 octobre 2015 et le 11 janvier 2016, (janvier 2017), en ligne.
[22] Ville d’Essex, Request for Expressions of Interest REI-CS-23-005 – Essex Centre Sport Fields – Potential Value-Added OpportunitiesDDI »] (5 octobre 2023), p. 4.
[23] DDI, supra note 22, p. 21.
[24] Ibid., p. 16.
[25] Ombudsman de l'Ontario, Enquête visant à déterminer si le Conseil de la Ville de Port Colborne a tenu des réunions à huis clos illégales le 8 mars 2010, le 27 janvier 2014, et le 8 décembre 2014, (novembre 2015), en ligne.
[26] Lettre de l’Ombudsman de l’Ontario à la Ville d’Orangeville, (24 janvier 2014), en ligne. 
[27] Lettre de l’Ombudsman de l’Ontario à la Ville de Sault Ste. Marie (2 mars 2021), en ligne. 
[28] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une réunion tenue par la Ville du Grand Sudbury le 12 janvier 2021, (mai 2021), en ligne.
[29] Loi de 2001 sur les municipalités, supra note 1, alinéa 239(2)l).
[30] Ombudsman de l'Ontario, Enquête à propos d’une plainte sur une réunion tenue par le Canton de Leeds et les Mille-Îles le 11 août 2020, (avril 2022), para 31, en ligne.
[31] Ibid., para 32.
[32] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos d’une réunion tenue par le Conseil de la Municipalité de Brockton le 14 février 2023, (novembre 2023) [« Brockton »], en ligne.
[33] Ibid.
[34] Brockton, supra note 32.
[35] Ibid., para 30.
[36] Lettre de l’Ombudsman de l’Ontario à la Ville de South Bruce Peninsula (14 octobre 2021) [« South Bruce »], en ligne; voir aussi la lettre de l’Ombudsman de l’Ontario à la Ville du Grand Sudbury (3 mars 2023) [« Grand Sudbury »], en ligne.
[37] South Bruce, ibid.
[38] Grand Sudbury, supra note 36.
[39] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une réunion tenue par la Ville du Grand Sudbury le 12 janvier 2021, (mai 2021), en ligne.
[40] Loi de 2001 sur les municipalités, supra note 1, al. 239(2)l).
[41] Ombudsman de l'Ontario, Enquête à propos d’une plainte sur une réunion tenue par le Canton de Leeds et les Mille-Îles le 11 août 2020, (avril 2022), para 31, en ligne.
[42] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos de séances à huis clos tenues par la Ville de Hamilton le 16 janvier 2019, (juin 2019), para 45 [« Ville de Hamilton rapport 2019 »], en ligne.
[43] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une réunion à huis clos tenue par le conseil de la Ville de Pelham le 19 avril 2021, (juin 2022), para 44, en ligne.
[44] Ibid., para 45; Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos de séances à huis clos tenues par la Ville de Hamilton le 16 janvier 2019, (juin 2019), para 46, en ligne.
[45] Ville de Hamilton rapport 2019, supra note 42, para 52.
[46] Ibid., para 47.
[47] Ibid.
[48] Solosky c. La Reine, [1980] 1 RCS 821.