Enquête sur une plainte à propos d’une réunion tenue par le Conseil de la Ville de Kitchener le 14 août 2023

Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario

Juin 2025

Plainte

1    Mon Bureau a reçu une plainte à propos d’une réunion extraordinaire tenue le 14 août 2023 par le Conseil de la Ville de Kitchener (la « Ville »). Selon cette plainte, la discussion à huis clos, inscrite à l’ordre du jour de la réunion sous le point [TRADUCTION] « Installations municipales d’arts de la scène et de divertissement », n’entrait pas dans l’exception invoquée, soit l’alinéa 239(2)i) de la Loi de 2001 sur les municipalités (la « Loi »)[1], qui s’applique aux renseignements communiqués à titre confidentiel par un tiers.

2    Mon enquête m’a permis de conclure que le Conseil de la Ville de Kitchener n’a pas contrevenu à la Loi de 2001 sur les municipalités le 14 août 2023. Une partie de la discussion entrait dans l’exception invoquée (renseignements communiqués à titre confidentiel par un tiers) et dans les exceptions pour les relations de travail ou les négociations avec le personnel (alinéa 239(2)d)) et pour les projets et instructions dans le cadre d’une négociation (alinéa 239(2)k)).

3    Quoique le reste de la discussion ne relevait pas en soi des exceptions aux règles des réunions publiques, j’ai conclu que le Conseil n’était pas tenu d’alterner entre sa séance à huis clos et sa discussion publique. Par conséquent, toute la discussion tenue à huis clos par le Conseil était autorisée par la Loi.

Compétence de l’Ombudsman

4    Selon la Loi, toutes les réunions d’un conseil ou d’un conseil local et de leurs comités doivent être ouvertes au public, sauf si les exceptions prévues s’appliquent.

5    Depuis le 1er janvier 2008, la Loi accorde à quiconque le droit de demander une enquête visant à déterminer si une municipalité ou un conseil local a respecté ou non la Loi en se réunissant à huis clos. La Loi fait de l’Ombudsman l’enquêteur par défaut pour les municipalités qui n’ont pas désigné le(la) leur.

6    L’Ombudsman enquête sur les réunions à huis clos de la Ville de Kitchener.

7    Lorsque nous enquêtons sur des plaintes concernant des réunions à huis clos, nous cherchons à savoir si les exigences relatives aux réunions publiques énoncées dans la Loi et le règlement d’application pertinent ont été respectées.

8    Depuis 2008, mon Bureau a enquêté sur des centaines de réunions à huis clos. Pour aider les conseils municipaux, le personnel municipal et le public, nous avons créé un recueil en ligne des cas de réunions publiques. Ce recueil interrogeable vise à permettre aux intéressé(e)s d’accéder facilement aux décisions de l’Ombudsman et à ses interprétations des règles des réunions publiques. Les membres du Conseil et le personnel peuvent consulter ce recueil pour éclairer leurs discussions et leurs décisions afin de déterminer si certaines questions devraient ou pourraient être discutées à huis clos, ainsi que pour examiner les questions liées aux procédures des réunions publiques. Des résumés des décisions antérieures de l’Ombudsman sont consultables dans ce recueil : www.ombudsman.on.ca/fr/pour-le-secteur-public-et-les-elues/gouvernement-municipal/recueil-des-cas-reunions-municipales.

9    L’Ombudsman de l’Ontario est également habilité à réaliser des examens et enquêtes impartiaux concernant des centaines d’organismes publics. Cela comprend les municipalités, les conseils locaux et les sociétés contrôlées par des municipalités ainsi que les organismes gouvernementaux provinciaux, les universités financées par les fonds publics et les conseils scolaires. Il peut aussi examiner les plaintes sur les services fournis par les sociétés d’aide à l’enfance et les titulaires de permis d’un foyer, et sur les services en français fournis aux termes de la Loi sur les services en français. Pour en savoir plus sur les organismes relevant de notre Bureau : www.ombudsman.on.ca/fr/se-plaindre/en-quoi-peut-aider/contre-qui-deposer-plainte.

Processus d’enquête

10    Le 29 novembre 2023, mon Bureau a avisé la Ville de son intention d’enquêter sur cette plainte.

11    Nous avons examiné les documents de la réunion du 14 août 2023, notamment l’ordre du jour, le procès-verbal des séances publiques et à huis clos ainsi qu’un rapport du personnel et le diaporama PowerPoint connexe présentés à huis clos. Nous avons aussi pris connaissance des documents discutés à huis clos à une réunion extraordinaire du Conseil le 26 juin 2023 et consulté les dispositions pertinentes de la Loi.

12    Mon Bureau a parlé avec la directrice des services législatifs et greffière et rencontré le directeur général (DG), le directeur du développement économique et le maire.

13    Mon Bureau a obtenu une pleine coopération pendant son enquête.

Renseignements généraux

14    En août 2023, la Ville a annoncé qu’elle comptait diriger quatre installations municipales d’arts de la scène et de divertissement : le Kitchener Memorial Auditorium, le Registry Theatre, le Conrad Centre for the Performing Arts et le Centre in the Square.

15    La Ville exploite elle-même le Kitchener Memorial Auditorium et sous-traite l’exploitation du Registry Theatre et du Conrad Centre for the Performing Arts. Le Centre in the Square est géré et exploité par Centre in the Square Inc., une société établie sous le régime de la City of Kitchener Act, 1981[2]. Il s’agit d’une société contrôlée par la municipalité au sens du paragraphe 223.1(1) de la Loi de 2001 sur les municipalités parce que l’intégralité des membres de son conseil d’administration sont nommé(e)s par la Ville.

16    En 2022, la Ville a retenu les services d’un expert-conseil chargé d’examiner ces installations et leurs activités. Pendant cet examen, les organisations exploitant le Registry Theatre, le Conrad Centre et le Centre in the Square (collectivement, les « exploitants des installations ») ont fourni à l’expert-conseil des renseignements sur leurs activités, notamment leurs recettes, leurs dépenses, leurs ventes de billets et leur personnel. La Ville ayant demandé plus d’information que d’habitude, le DG s’est engagé auprès des exploitants des installations à préserver la confidentialité des renseignements qu’ils avaient transmis.

17    Lors d’une réunion extraordinaire du Conseil le 26 juin 2023, l’expert-conseil a présenté à huis clos un rapport et des recommandations, notamment un « modèle centralisé » des activités qui serait dirigé par la Ville.

Réunion du Conseil du 14 août 2023

18    Le Conseil s’est réuni dans sa salle à 17 h le 14 août 2023. L’ordre du jour public indiquait que le point suivant serait étudié à huis clos : [TRADUCTION] « Installations municipales d’arts de la scène et de divertissement (Renseignements d’ordre commercial ou contractuel ou négociation autre – Alinéa 239(2)i)) ». On nous a dit que ce point était une mise à jour du personnel municipal au Conseil concernant l’instauration du modèle centralisé.

19    À 17 h 45, le Conseil a adopté une résolution pour discuter à huis clos de quatre points de l’ordre du jour. Pour le point sur les installations municipales d’arts de la scène et de divertissement, le Conseil a invoqué l’exception relative aux renseignements communiqués à titre confidentiel par un tiers.

20    Ce point était une présentation fondée sur le rapport du personnel donnée par le DG pour informer le Conseil. D’abord, le DG a résumé la vision et la visée du modèle centralisé. Il a ensuite parlé des répercussions sur les activités de la Ville et les exploitants des installations, notamment le personnel. Par la suite, il a présenté les prévisions de recettes et de dépenses pour l’instauration du modèle, y compris les effets potentiels sur les exploitants des installations, d’après les renseignements obtenus d’eux. Enfin, il a indiqué les prochaines étapes du processus, entre autres la négociation d’ententes avec les exploitants.

21    La présentation par le DG a été suivie d’une période de questions sur le modèle centralisé. Ont notamment été abordés l’investissement municipal nécessaire, la dotation en personnel, les communications et certaines négociations en cours. C’est le personnel de la Ville qui a répondu aux questions.

22    Le Conseil n’a pas adopté de résolution sur ce point avant de retourner en séance publique à 19 h 15.

Analyse

23    Selon la Loi, toutes les réunions d’un conseil ou d’un conseil local et de leurs comités doivent être ouvertes au public, sauf si une exception prévue à l’article 239 s’applique.

Exception applicable aux renseignements communiqués à titre confidentiel par un tiers

24    Dans sa résolution de huis clos, le Conseil s’est prévalu de l’exception de l’alinéa 239(2)i) de la Loi qui s’applique aux renseignements communiqués à titre confidentiel par un tiers et prévoit qu’une réunion peut se tenir à huis clos si la question étudiée concerne un secret industriel ou des renseignements d’ordre scientifique, technique, commercial, financier ou qui ont trait aux relations de travail, communiqués à titre confidentiel à la municipalité ou au conseil local et qui, s’ils étaient divulgués, pourraient, selon toutes attentes raisonnables, avoir pour effet de nuire gravement à la situation concurrentielle ou d’entraver gravement les négociations contractuelles ou autres d’une personne, d’un groupe de personnes ou d’une organisation.

25    Cette exception vise à protéger les renseignements confidentiels appartenant à un tiers[3]. J’ai auparavant établi que l’exception s’applique quand :

i.    les discussions portent sur l’un des sujets répertoriés : secret industriel, renseignements d’ordre scientifique, technique, commercial, financier ou renseignements sur les relations de travail;
ii.    les renseignements sont fournis à titre confidentiel, explicitement ou implicitement, à la municipalité par un tiers;
iii.    les renseignements, s’ils étaient divulgués, pourraient, selon toutes attentes raisonnables, avoir pour effet de nuire soit en portant gravement préjudice à la situation concurrentielle, soit en entravant gravement les négociations contractuelles ou autres d’une personne, d’un groupe de personnes ou d’une organisation[4].

Les discussions ont porté sur l’un des sujets répertoriés

26    La greffière, le DG, le directeur du développement économique et le maire ont expliqué que la présentation du DG et la discussion du Conseil ont porté sur des renseignements commerciaux, financiers et relatifs aux relations de travail.

27    J’ai précédemment établi que les « renseignements commerciaux » sont des renseignements liés à l’achat, la vente ou l’échange de marchandises ou de services[5]. La présentation du DG et la discussion du Conseil comprenaient des renseignements sur des questions commerciales relatives à l’instauration du modèle centralisé. Il s’agissait donc de renseignements commerciaux.

28    Les « renseignements financiers » sont des renseignements liés à l’utilisation ou la distribution de fonds, contenant des données particulières ou y faisant référence[6]. La présentation du DG et la discussion du Conseil traitaient de renseignements financiers sur les activités des installations.

29    Je n’ai pas encore défini les « renseignements relatifs aux relations de travail » aux fins de l’exception s’appliquant aux renseignements fournis à titre confidentiel par un tiers. Néanmoins, mon Bureau a souvent interprété « relations de travail » dans le contexte de l’exception aux réunions publiques prévue à l’alinéa 239(2)d) de la Loi concernant les relations de travail et les négociations avec le personnel. Par exemple, j’ai déterminé que les discussions sur les relations de travail peuvent traiter des questions suivantes :

  • Le personnel syndiqué ou non syndiqué et la modification de la dotation en personnel, de la charge de travail et des rôles de certain(e)s employé(e)s[7];
  • Une réorganisation municipale, si elle entraîne des répercussions sur des particuliers et leurs rôles, et l’embauche ou le congédiement de personnes[8];
  • Un examen organisationnel lorsque des personnes sont nommées ou qu’elles ou leurs rôles sont potentiellement identifiables en raison du petit nombre de personnes dans les services[9].

30    Je suis convaincu que les « renseignements relatifs aux relations de travail » aux fins de l’exception applicable aux renseignements fournis à titre confidentiel par un tiers désignent, sans s’y limiter, le même type d’information que l’exception applicable aux relations de travail.

31    En l’espèce, une partie de la présentation du DG et de la discussion du Conseil a porté sur la dotation pour le modèle centralisé. Il s’agissait donc de renseignements relatifs aux relations de travail.

32    Par conséquent, la présentation du DG et la discussion du Conseil ont traité de renseignements commerciaux, financiers et relatifs aux relations de travail, alors le premier critère est satisfait.

Les renseignements discutés avaient été fournis à titre confidentiel par des tiers

33    Ce critère comprend deux volets : si les renseignements ont été fournis à titre confidentiel, explicitement ou tacitement, et si leur source était un tiers de la municipalité.

Fournis à titre confidentiel

34    Le DG a dit à mon Bureau qu’il s’était engagé implicitement auprès des exploitants des installations à préserver la confidentialité des renseignements fournis à l’expert-conseil retenu par la Ville. On nous a aussi dit que d’autres membres du personnel municipal avaient fait part de cet engagement à chaque personne avec qui l’expert-conseil a discuté, et que le personnel de la Ville avait communiqué avec une personne représentant l’un des exploitants au sujet de la confidentialité des renseignements sur les relations de travail fournis à la Ville.

35    Le DG a expliqué avoir pris cet engagement parce que la Ville demandait plus d’information que d’habitude aux exploitants des installations. À la lumière de l’enquête, je suis convaincu que les renseignements commerciaux, financiers et relatifs aux relations de travail avaient été fournis à la Ville à titre confidentiel.

Tiers

36    Le second volet de ce critère consiste à déterminer si les renseignements ont été fournis à la municipalité par un tiers. Selon le libellé de l’exception, un tiers s’entend « d’une personne, d’un groupe de personnes ou d’une organisation ».

37    Au moment de la réunion du 14 août 2023, le Registry Theatre et le Conrad Centre étaient exploités par des organisations communautaires constituées en sociétés. Ces organisations étaient donc des tiers.

38    Le Centre in the Square est exploité par le Centre in the Square Inc., une société contrôlée par la municipalité, constituée sous le régime d’une loi spéciale et dotée d’un conseil d’administration dont les membres sont nommé(e)s par le Conseil. Le centre a une personnalité juridique distincte de la Ville.

39    Le Centre in the Square Inc. peut ester en justice, embaucher des personnes et acquérir, détenir et vendre des biens[10]. Il s’agit d’une « organisation » au sens ordinaire du terme. Il s’agit aussi d’une institution au sens de la Loi sur l’accès à l’information municipale et la protection de la vie privée[11].

40    Je suis convaincu que le Centre in the Square Inc. est un tiers aux fins de cette exception. Par conséquent, le second volet du critère voulant que les renseignements aient été fournis à la municipalité à titre confidentiel par un tiers est satisfait.

La divulgation des renseignements pourrait vraisemblablement causer un préjudice

41    Pour le troisième critère de cette exception, une municipalité doit démontrer que la divulgation des renseignements d’un tiers pourrait vraisemblablement causer un préjudice.

42    J’ai précédemment interprété que pour ce critère, il incombe à la municipalité souhaitant éviter la divulgation de prouver l’existence d’un risque raisonnable de préjudice. Même si la règle de la prépondérance des probabilités ne s’applique pas, il demeure que le risque de préjudice doit aller au-delà de la simple possibilité ou conjecture[12].

43    En l’espèce, le DG et le directeur du développement économique ont déterminé que la divulgation des renseignements discutés à huis clos risquait d’entraîner certains préjudices susceptibles de nuire considérablement aux négociations contractuelles ou autres. Ces préjudices potentiels ne relevaient pas de la simple conjecture. Le troisième critère est donc satisfait.

44    Par conséquent, les parties de la présentation du DG et de la période de questions qui traitaient des renseignements commerciaux, financiers et relatifs aux relations de travail de tiers entraient dans l’exception applicable aux renseignements fournis à titre confidentiel par un tiers. Étant donné que certaines parties de la discussion du Conseil ne concernaient pas ces types d’information, nous avons examiné si d’autres exceptions aux réunions publiques s’appliquaient.

Exception des relations de travail et des négociations avec le personnel

45    Même si le Conseil n’a pas invoqué cette exception dans sa résolution de huis clos, les personnes que nous avons rencontrées ont soulevé que l’exception des relations de travail et des négociations avec le personnel prévue à l’alinéa 239(2)d) de la Loi s’appliquait parce que le Conseil discutait des répercussions sur la dotation en personnel. Mon Bureau a donc évalué si cette exception aurait pu s’appliquer.

46    L’exception des relations de travail sert à protéger les discussions concernant la relation entre une municipalité et son personnel[13]. Bien qu’en général elle ne vise pas les restructurations ou examens organisationnels, cette exception peut s’appliquer aux discussions sur une réorganisation dans la mesure où elle a des répercussions sur des particuliers et leurs rôles[14].

47    Dans un rapport de 2018 à la Ville de Petrolia, j’avais déterminé que cette exception s’appliquait à une discussion du Conseil sur les répercussions que le transfert proposé de l’exploitation d’un centre communautaire à un organisme sans but lucratif aurait sur le personnel[15].

48    En l’espèce, la présentation du DG et la période de questions ont traité de certaines répercussions du modèle centralisé sur le personnel. Ainsi, ces parties de la réunion correspondaient à l’exception des relations de travail et des négociations avec le personnel.

Exception en cas de projets et d’instructions pour des négociations

49    Mon Bureau, bien que le Conseil n’ait pas envisagé ou invoqué cette exception, a évalué la possibilité d’appliquer à la discussion à huis clos l’exception relative aux projets et aux instructions dans le cadre de négociations prévue à l’alinéa 239(2)k) de la Loi.

50    Cette exception vise à protéger les renseignements qui pourraient compromettre la position de négociation de la municipalité ou donner à une autre partie un avantage injuste pendant des négociations en cours. Pour que l’exception s’applique, les critères suivants doivent être remplis :

i.    la discussion à huis clos porte sur des positions, des projets, des procédures, des critères ou des instructions;
ii.    les positions, projets, procédures, critères ou instructions sont destinés à être appliqués aux négociations;
iii.    les négociations sont en cours ou à venir;
iv.    les négociations sont menées par la municipalité ou en son nom[16].

51    Pendant la dernière partie de la présentation et la période de questions, le DG a fait le point sur différentes négociations en lien avec le modèle centralisé, notamment la position de la Ville. Mon Bureau s’est fait dire qu’au moment de la réunion du 14 août 2023, certaines négociations avaient commencé et d’autres étaient sur le point d’être entamées.

52    Par conséquent, des parties de la présentation du DG et de la période de questions entraient dans l’exception relative aux projets et aux instructions dans le cadre de négociations.

Alternance de la discussion

53    Les exceptions aux réunions publiques s’appliquaient à des parties de la discussion du Conseil, mais pas au survol initial du modèle centralisé par le DG et à certaines portions de la période de questions. Par conséquent, il faut déterminer s’il aurait été possible d’alterner les discussions.

54    Dans la décision St. Catharines (City) v. IPCO, la Cour divisionnaire a conclu qu’il est irréaliste de s’attendre à ce que les conseils municipaux tiennent à la fois des séances publiques et des séances à huis clos lorsque cela [TRADUCTION] « nuirait à des discussions libres, ouvertes et ininterrompues »[17]. Autrement dit, lorsqu’il est irréaliste de s’attendre à ce que le Conseil sépare des sujets qui s’entremêlent, les sujets ne relevant d’aucune exception aux règles des réunions publiques peuvent tout de même être discutés à huis clos[18]. Toutefois, si les questions peuvent être traitées séparément, le Conseil devrait revenir en séance publique pour les parties ne relevant pas d’une exception aux règles des réunions publiques.

55    Dans un rapport de 2024 à la Municipalité de Temagami, j’ai conclu qu’il était impossible de discuter des renseignements généraux sur deux biens-fonds sans mentionner en même temps les renseignements fiscaux, lesquels étaient visés par l’exception relative aux renseignements privés parce que les renseignements contextuels essentiels s’entremêlaient avec la mise au point sur les renseignements fiscaux[19].

56    En l’espèce, les personnes que nous avons rencontrées ont expliqué que le survol initial par le DG et la période de questions avaient apporté des renseignements contextuels essentiels qui éclairaient la discussion du Conseil et ne pouvaient être écartés.

57    J’estime que le survol du modèle centralisé a fourni des renseignements essentiels qui mettaient en contexte l’information faisant ensuite l’objet de la discussion du Conseil. Le survol était assez court et on ne pouvait s’attendre à ce que le Conseil étudie séparément ce point.

58    De même, certaines des questions du Conseil pendant la période de questions n’entraient pas dans les exceptions. Cependant, l’alternance entre ces sujets aurait nui à une discussion libre, ouverte et ininterrompue.

59    Par conséquent, puisque les renseignements s’entremêlaient et qu’il était irréaliste de les séparer, toute la discussion du Conseil entrait dans les exceptions relatives aux renseignements fournis à titre confidentiel par un tiers, aux relations de travail et aux négociations avec le personnel, et aux projets et instructions dans le cadre d’une négociation.

Avis

60    Le Conseil de la Ville de Kitchener n’a pas enfreint la Loi de 2001 sur les municipalités le 14 août 2023 quand il s’est réuni à huis clos pour faire le point sur l’instauration du modèle centralisé dans les installations municipales d’arts de la scène et de divertissement. D’après mes conclusions, il aurait été irréaliste d’obliger le Conseil d’alterner entre les sujets à traiter, alors toute sa discussion entrait dans les exceptions relatives aux renseignements fournis à titre confidentiel par un tiers, aux relations de travail et aux négociations avec le personnel, et aux projets et instructions dans le cadre d’une négociation.

61    Bien que j’aie déterminé que la Ville avait respecté les critères de l’exception pour les renseignements communiqués à titre confidentiel par un tiers, mon Bureau n’a pas reçu de document démontrant que les renseignements avaient été fournis à titre confidentiel.

62    À titre de pratique exemplaire, avant d’invoquer l’exception relative aux renseignements communiqués à titre confidentiel, la Ville devrait vérifier auprès du tiers si les renseignements ont été fournis ou non à titre confidentiel et, s’il y a lieu, se renseigner sur les préjudices concrets qui pourraient être causés si l’information était rendue publique.

Rapport

63    Le Conseil et le personnel de la Ville de Kitchener ont pu examiner une version préliminaire du présent rapport et la commenter pour mon Bureau. Le présent rapport définitif a été rédigé à la lumière de tous les commentaires que nous avons reçus.

64    La directrice des services législatifs et greffière de la Ville a indiqué que mon rapport serait communiqué au Conseil et mis à la disposition du public lors d’une prochaine réunion du Conseil. Ce rapport sera aussi publié sur notre site Web au www.ombudsman.on.ca.


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Paul Dubé 
Ombudsman de l’Ontario

[1] L.O. 2001, chap. 25.
[2] L.O. 1981, chap. 90 [Loi de 1981 sur la Ville de Kitchener].
[3] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos d’une réunion tenue par le Conseil de la Municipalité de Brockton le 14 février 2023, (novembre 2023), paragraphe 20 [Brockton], en ligne.
[4] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur des réunions tenues par le Comté de Bruce le 21 septembre 2017, le 2 août 2018, le 6 septembre 2018 et le 10 janvier 2019, (mai 2022), paragraphe 67, en ligne.
[5] Ombudsman de l'Ontario, Enquête à propos d’une plainte sur une réunion tenue par le Canton de Leeds et les Mille-Îles le 11 août 2020, (avril 2022), paragraphe 31, en ligne.
[6] Ibid., paragraphe 33.
[7] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une réunion à huis clos tenue par le conseil de la Ville de Niagara Falls le 17 novembre 2020, (mars 2022), paragraphe 35, en ligne; Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur de multiples réunions à huis clos du Conseil de la Ville de Welland de juin 2012 à mai 2014, (novembre 2014), paragraphes 39 et 40, en ligne; Ombudsman de l'Ontario, Enquête visant à déterminer si les Conseils du Canton d’Armour et du Village de Burk’s Falls ont tenu des réunions à huis clos illégales le 16 janvier 2015, (octobre 2015), paragraphe 60, en ligne.
[8] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos d’une réunion du Conseil de la Ville de Sault Ste. Marie le 13 octobre 2015, (août 2016), paragraphe 22 [Sault Ste. Marie], en ligne.
[9] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos d’une réunion à huis clos tenue par le Comté de Norfolk le 28 janvier 2020, (mars 2021), paragraphes 24 à 27, en ligne.
[10] Voir Loi de 2006 sur la législation, L.O. 2006, chap. 21, annexe 5, paragraphe 92(1); Loi de 1981 sur la Ville de Kitchener, supra note 2, article 16.
[11] Le Centre in the Square Inc. est désigné au paragraphe 1(1) du Règlement de l’Ontario 372/91 comme une institution au sens d’« institution » à l’alinéa 2(1)c) de la Loi sur l’accès à l’information municipale et la protection de la vie privée, L.R.O. 1990, chap. M.56.
[12] Brockton, supra note 3, paragraphe 30; voir aussi Ontario (Sécurité communautaire et Services correctionnels) c. Ontario (Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée), 2014 CSC 31, paragraphe 52, en ligne.
[13] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos d’une réunion à huis clos tenue par la Ville de St. Catharines le 25 juin 2018, (février 2019), paragraphe 24 [St. Catharines], en ligne.
[14] Sault Ste. Marie, supra note 8, paragraphe 22.
[15] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur des plaintes à propos de réunions tenues par le conseil de la Ville de Petrolia le 11 septembre, le 25 octobre et le 14 novembre 2017, (mai 2018), paragraphes 48 à 50, en ligne.
[16] St. Catharines, supra note 13, paragraphes 30 et 31.
[17] St. Catharines (City) v. IPCO, 2011 ONSC 2346, paragraphe 42, en ligne.
[18] Ombudsman de l'Ontario, Enquête à propos d’une plainte sur une réunion à huis clos tenue par la Ville de Plympton-Wyoming le 24 juin 2020, (février 2021), paragraphe 26, en ligne.
[19] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une réunion tenue par le Conseil de la Municipalité de Temagami le 20 juin 2023, (mai 2024), paragraphe 22, en ligne.