Municipalité de Brockton

Municipalité de Brockton

novembre 8, 2023

8 novembre 2023

L’Ombudsman a examiné une plainte alléguant que le Conseil de la Municipalité de Brockton avait enfreint les règles des réunions publiques le 14 février 2023 en discutant à huis clos d’une proposition de partenariat.

L’Ombudsman a conclu que les discussions sur la proposition de partenariat ne répondaient pas aux critères de l’exception relative aux renseignements communiqués à titre confidentiel parce que l’information discutée n’avait pas été fournie de manière confidentielle et que l’attente raisonnable d’un préjudice n’avait pas été clairement établie. À titre de pratique exemplaire, l’Ombudsman a recommandé qu’avant d’invoquer l’exception relative aux renseignements communiqués à titre confidentiel, la Municipalité vérifie auprès de la tierce partie si les renseignements ont été fournis ou non à titre confidentiel et, s’il y a lieu, se renseigne sur les préjudices concrets qui pourraient être causés si l’information était rendue publique.

Enquête sur une plainte à propos d’une réunion tenue par le Conseil de la Municipalité de Brockton le 14 février 2023

Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario

Novembre 2023


 

Aperçu

   Mon Bureau a reçu une plainte alléguant que le Conseil de la Municipalité de Brockton (la « Municipalité ») avait enfreint les règles des réunions publiques le 14 février 2023. Il est allégué dans cette plainte qu’une proposition de partenariat a été indûment discutée durant la partie à huis clos de la réunion.

2    Mon examen a permis d’établir que la discussion concernant la proposition de partenariat tenue lors de la réunion du 14 février 2023 n’entrait pas dans les cas d’exception à la règle des réunions publiques. Par conséquent, la Municipalité a enfreint les règles des réunions publiques en discutant de cette question à huis clos.

 

Compétence de l’Ombudsman

   La Loi de 2001 sur les municipalités[1] (la « Loi ») prévoit que toutes les réunions d’un conseil, d’un conseil local et de leurs comités doivent se tenir en public, sauf dans le cas des exceptions prévues par la Loi.

4    Depuis le 1er janvier 2008, la Loi accorde à quiconque le droit de demander une enquête visant à déterminer si une municipalité a respecté ou non la Loi en se réunissant à huis clos. Les municipalités peuvent nommer leur propre enquêteur(euse) ou recourir aux services de l’Ombudsman. La Loi fait de l’Ombudsman l’enquêteur par défaut pour les municipalités qui n’ont pas désigné le(la) leur.

5    L’Ombudsman enquête sur les réunions à huis clos pour la Municipalité de Brockton.

6    Lorsque nous enquêtons sur des plaintes concernant des réunions à huis clos, nous cherchons à savoir si les exigences relatives aux réunions publiques énoncées dans la Loi et dans le règlement de procédure applicable ont été respectées.

7    Depuis 2008, mon Bureau a enquêté sur des centaines de réunions municipales tenues à huis clos dans tout l’Ontario. Pour aider les conseils municipaux, le personnel municipal et le public, nous avons créé un recueil en ligne des cas de réunions publiques. Nous avons créé ce recueil interrogeable pour permettre aux intéressé(e)s d’accéder facilement aux décisions de l’Ombudsman et à ses interprétations des règles des réunions publiques. Des résumés des décisions antérieures de l’Ombudsman sont consultables dans ce recueil : https://www.ombudsman.on.ca/digest/recueil-de-cas-reunions-municipales-accueil.

 

Processus d’enquête

8    Le 16 mai 2023, mon Bureau a avisé la Municipalité de son intention d’enquêter sur cette plainte.

   Les membres de l’équipe de mon Bureau chargée des réunions publiques ont examiné les dispositions pertinentes du règlement de procédure de la Municipalité ainsi que la Loi. Nous avons étudié les courriels et la documentation afférente à la réunion, y compris l’ordre du jour et le procès-verbal. Nous avons aussi examiné le procès-verbal d’une réunion tenue le 19 janvier 2023 par la commission de services policiers de la Municipalité de Brockton, parce que la proposition de partenariat en question y avait aussi été discutée.

10    Enfin, une personne de l’équipe de mon Bureau chargée des réunions publiques a parlé à la personne qui a communiqué l’information sur la proposition de partenariat à la Municipalité et a interrogé le maire.

11    Mon Bureau a obtenu une pleine coopération dans cette affaire.

 

Renseignements généraux

12    Le Conseil de la Municipalité s’est réuni le 14 février 2023 pour discuter, notamment, d’une « proposition de partenariat relatif à des caméras » faite par une entreprise locale.

13    La greffière a indiqué à mon Bureau que la proposition de partenariat avait été soumise au Conseil à huis clos parce qu’elle considérait qu’il était sous-entendu que l’information communiquée était confidentielle vu sa nature financière et commerciale. Elle a ajouté qu’elle pensait qu’il s’agissait d’une idée originale et qu’elle savait que le promoteur du projet cherchait à étendre ses services à d’autres partenaires potentiels dans l’avenir.

14    La greffière a indiqué à mon Bureau qu’elle n’a pas demandé au promoteur du projet si les informations étaient confidentielles, mais aucune objection ne lui a été opposée lorsqu’elle a fait savoir que la question serait discutée à huis clos. Le promoteur du projet nous a précisé que l’information n’avait pas besoin d’être traitée de manière confidentielle. Le maire a souligné à mon Bureau que sa correspondance du 10 février 2023 avec le promoteur du projet lui laissait croire que celui-ci était mécontent que la question soit discutée à huis clos.

15    Mon Bureau a aussi été informé qu’avant la tenue de la réunion du Conseil, la commission de services policiers de la Municipalité de Brockton a permis qu’une présentation sur la même proposition de partenariat soit faite en séance publique par le promoteur du projet. Le procès-verbal de cette réunion indique que la commission [Traduction] « a discuté de la proposition et des enjeux relatifs à la vie privée, laissant entendre que la question ne relevait pas de la compétence de la Municipalité ou de la commission de services policiers ».

 

Réunion du Conseil du 14 février 2023

16    Le 14 février 2023 à 19 h, le Conseil de la Municipalité s’est réuni dans la salle du conseil. À 19 h 20[2], le Conseil a résolu de se retirer à huis clos pour discuter de cinq points, dont un seul fait l’objet de la plainte soumise à mon Bureau. La résolution indiquait qu’il s’agissait d’une « proposition de partenariat relatif à des caméras » et invoquait l’exception relative aux renseignements confidentiels fournis par une tierce partie de l’alinéa 239(2)i) de la Loi pour tenir la discussion à huis clos.

17    On nous a dit qu’une fois retiré à huis clos, le Conseil s’est penché sur les prix et sur l’idée générale de la proposition de partenariat. Selon nos informations, il n’y a pas eu de discussion concernant d’éventuelles négociations avec le promoteur du projet. Une directive a été donnée au personnel afin que la décision du Conseil au sujet de la proposition de partenariat soit communiquée au promoteur du projet.

18    Le Conseil est revenu en séance publique vers 20 h 24 et a approuvé la directive au personnel formulée à huis clos. La séance a été levée à 20 h 26.

 

Analyse

L’exception relative aux renseignements communiqués à titre confidentiel

19    Pour se retirer à huis clos lors de la réunion du 14 février 2023, le Conseil a invoqué l’exception relative aux renseignements communiqués à titre confidentiel de l’alinéa 239(2)i) de la Loi.

20    L’exception relative aux renseignements communiqués à titre confidentiel vise à protéger les renseignements confidentiels appartenant à une tierce partie[3]. Dans un rapport récent, j’ai expliqué que cette exception s’applique lorsque :

  • i.    les discussions portent sur l’un des sujets répertoriés : secret industriel, renseignements d’ordre scientifique, technique, commercial, financier ou renseignements sur les relations de travail;

  • ii.    les renseignements sont fournis à titre confidentiel, explicitement ou implicitement, à la municipalité par une tierce partie;

  • iii.    les renseignements, s’ils étaient divulgués, pourraient selon toutes attentes raisonnables, avoir pour effet de nuire soit en portant gravement préjudice à la situation concurrentielle, soit en entravant gravement les négociations contractuelles ou autres d’une personne, d’un groupe de personnes ou d’une organisation[4].


 

Application de l’exception

Les discussions ont porté sur l’un des sujets répertoriés

21    Parmi les sujets répertoriés pour l’exception, les renseignements d’ordre « commercial » et « financier » pourraient s’appliquer à la proposition de partenariat en question.

22    Les « renseignements d’ordre financier » sont des renseignements liés à l’utilisation ou la distribution de fonds, contenant des données particulières ou y faisant référence, tandis que les « renseignements d’ordre commercial » sont des renseignements liés à l’achat, la vente ou l’échange de marchandises ou de services[5].

23    Dans le cas qui nous occupe, le Conseil a discuté de préoccupations à l’égard d’une proposition de partenariat concernant un nouveau service auquel la Municipalité aurait pu avoir recours. Les renseignements discutés sont clairement « d’ordre commercial ». De plus, certains renseignements discutés, notamment les coûts, cadrent avec la définition de « renseignements d’ordre financier ».

 

Les renseignements discutés n’ont pas été communiqués à titre confidentiel

24    Dans le cas qui nous occupe, les renseignements ont été fournis à la Municipalité par le promoteur du projet, mais pour que l’exception s’applique, cela doit avoir été fait à titre confidentiel.

25    Bien que cette information soit non contraignante pour notre Bureau, soulignons que le Bureau du commissaire à l’information et à la protection de la vie privée a examiné la notion de [Traduction] « renseignements fournis à titre confidentiel » dans le contexte d’une exception semblable invoquée en vertu d’une loi sur l’accès à l’information. Dans ces dossiers, le Bureau du commissaire à l’information et à la protection de la vie privée a précisé que la partie s’opposant à la divulgation doit établir [Traduction] « que la personne ayant fourni les renseignements avait une attente raisonnable de confidentialité, implicite ou explicite, au moment où ils ont été fournis[6] ». Toutes les circonstances de l’affaire sont examinées afin de déterminer s’il existait une attente de confidentialité, et notamment si les renseignements :

  • ont été communiqués à l’institution à titre confidentiel et s’ils devaient le rester;

  • ont été traités systématiquement par la tierce partie d’une manière indiquant un souci de confidentialité;

  • n’ont pas été divulgués autrement ou n’étaient pas accessibles au public auprès d’autres sources;

  • ont été préparés dans une optique n’impliquant pas leur divulgation[7].


26    Dans le cas qui nous occupe, les renseignements ont été fournis à la Municipalité sans indication explicite quant à leur confidentialité, et la Municipalité n’a pas demandé d’éclaircissements à la personne qui lui a communiqué l’information. Une communication ultérieure avec le maire a confirmé que le promoteur du projet ne souhaitait pas que les renseignements soient tenus confidentiels. Ce dernier nous a dit que l’information n’était pas confidentielle et qu’il ne s’attendait pas à ce qu’elle soit traitée de la sorte par la Municipalité.

27    En examinant tous les aspects du dossier, rien n’indique que le promoteur du projet avait une attente de confidentialité. Il semble plutôt que le personnel ait, de bonne foi, décidé que la question devait être discutée à huis clos parce qu’elle impliquait des renseignements d’ordre commercial et financier.

28    Toutefois, l’exception relative aux renseignements fournis par une tierce partie s’applique seulement si cette dernière communique l’information à titre confidentiel, sans égard au fait que la Municipalité estime que les renseignements sont de nature délicate. Pour être conforme à la Loi et pouvoir invoquer cette exception, une municipalité devrait vérifier directement auprès de la tierce partie que l’information doit être tenue confidentielle.

 

L’attente raisonnable de préjudice n’a pas été clairement établie

29    Même si j’ai déjà déterminé que les renseignements n’ont pas été fournis à la Municipalité à titre confidentiel, j’ai quand même vérifié si le troisième critère de l’exception s’appliquait. Pour que ce soit le cas, une municipalité doit démontrer que la divulgation des renseignements pourrait vraisemblablement causer un préjudice.

30    Analysant le critère du risque vraisemblable de préjudice dans le contexte d’une exception semblable invoquée en vertu d’une loi sur l’accès à l’information, la Cour suprême du Canada a expliqué que le critère exprime la nécessité « d’établir que la divulgation occasionnera un risque de préjudice selon une norme qui est beaucoup plus exigeante qu’une simple possibilité ou conjecture, mais qui n’atteint cependant pas celle d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la divulgation occasionnera effectivement un tel préjudice[8] ». Il incombe à la partie souhaitant éviter la divulgation de l’information de fournir des éléments de preuve « détaillés et convaincants » pour établir l’existence d’un risque vraisemblable de préjudice[9]. Même si cette décision portait sur le texte d’une autre loi et n’est donc pas contraignante pour mon Bureau, la similitude entre les textes de ces exceptions la rend très convaincante[10].

31    Le maire et la greffière nous ont dit qu’il y avait un risque que des entreprises concurrentes mettent la main sur les renseignements à caractère commercial, que le concept était nouveau et que l’idée aurait pu être reproduite par une autre partie si les discussions avaient eu lieu publiquement. Il nous a aussi été dit que la Municipalité savait que le promoteur du projet avait l’intention d’étendre ses services.

32    Cependant, le promoteur du projet nous a indiqué que l’idée qui a été discutée ne lui était pas exclusive, qu’une discussion publique n’aurait pas réellement causé de préjudice et que les renseignements étaient peut-être déjà publics avant la tenue de la réunion, puisqu’ils avaient été discutés lors d’une séance publique de la commission de services policiers de la Municipalité de Brockton.

33    Par conséquent, je suis d’avis que les exigences n’ont pas été satisfaites à l’égard de ce critère dans le cas qui nous occupe. Lorsqu’une municipalité invoque l’exception relative aux renseignements fournis à titre confidentiel, elle doit d’abord se renseigner sur les préjudices concrets auxquels la tierce partie peut s’attendre si l’information est rendue publique.

 

Avis

34    Le Conseil de la Municipalité de Brockton a enfreint la Loi de 2001 sur les municipalités le 14 février 2023 en discutant à huis clos d’une proposition de partenariat. Ces discussions ne remplissaient pas les critères de l’exception relative aux renseignements communiqués à titre confidentiel pour se réunir à huis clos, prévue à l’alinéa 239(2)i) de la Loi, ni de toute autre exception à cet égard.

 

Recommandations

35    Je formule les recommandations suivantes afin d’aider la Municipalité de Brockton à remplir ses obligations aux termes de la Loi et à améliorer la transparence de ses réunions :

 
Recommandation 1

Tou(te)s les membres du Conseil de la Municipalité de Brockton devraient veiller à s’acquitter de leur obligation individuelle et collective de remplir les responsabilités qui leur incombent selon la Loi de 2001 sur les municipalités et le règlement de procédure de la Municipalité.

 
Recommandation 2

Le Conseil de la Municipalité de Brockton devrait veiller à ne discuter d’aucun sujet en séance à huis clos à moins que le sujet ne relève clairement de l’une des exceptions légales aux exigences des réunions publiques.

 
Recommandation 3

À titre de pratique exemplaire, avant d’invoquer l’alinéa 239(2)i) pour se retirer à huis clos, la Municipalité de Brockton devrait vérifier auprès de la tierce partie si les renseignements ont été fournis ou non à titre confidentiel et, s’il y a lieu, se renseigner sur les préjudices concrets qui pourraient être causés si l’information était rendue publique.



 

Rapport

36    Le Conseil de la Municipalité de Brockton a eu l’occasion d’examiner une version préliminaire du présent rapport et de la commenter pour mon Bureau. Nous n’avons reçu aucun commentaire.

37    Le présent rapport sera publié sur le site Web de mon Bureau et devrait aussi être rendu public par la Municipalité de Brockton. Conformément au paragraphe 239.2(12) de la Loi de 2001 sur les municipalités, le Conseil doit adopter une résolution indiquant la façon dont il entend y donner suite.
 
_____________________
Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario



[1] L.O. 2001, chap. 25.
[2] Le procès-verbal indique que le Conseil s’est retiré à huis clos à 19 h 10, mais il semble s’agir d’une erreur d’après l’enregistrement audiovisuel de la réunion.
[3] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur la réunion à huis clos tenue par le conseil de la Municipalité de St.-Charles le 3 avril 2019, (octobre 2019), para 29, en ligne.
[4] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur des réunions tenues par le Comté de Bruce le 21 septembre 2017, le 2 août 2018, le 6 septembre 2018 et le 10 janvier 2019, (mai 2022), en ligne.
[5] Ombudsman de l'Ontario, Enquête à propos d’une plainte sur une réunion tenue par le Canton de Leeds et les Mille-Îles le 11 août 2020, (avril 2022), para 31 et 33, en ligne.
[6] Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (Re), 2004 CanLII 56412 (ON IPC), en ligne (en anglais seulement).
[7] Ibid.
[8] Ontario (Sécurité communautaire et Services correctionnels) c. Ontario (Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée), 2014 CSC 31 (CanLII), [2014] 1 RCS 674, en ligne.
[9] Corporation of the Town of Arnprior v Information and Privacy Commissioner of Ontario, 2016 ONSC 2904 (CanLII), para 22-24, en ligne (en anglais seulement).
[10] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une réunion à huis clos tenue par le conseil de la Ville de Pelham le 19 avril 2021, (juin 2022), en ligne.