Congrès annuel 2025 de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario  
Richmond Hill, 24 octobre 2025
Carl Bouchard

Bonjour à tous et à toutes,

Je tiens à remercier l’AFO, Fabien, Peter et toute l’équipe, pour cette invitation à venir vous parler aujourd’hui.

Le Congrès de cette année est particulièrement important parce qu’il marque une étape essentielle de l’histoire francophone de l’Ontario : les États généraux de notre francophonie.

Des États généraux, c’est majeur. C’est un moment pour réfléchir sur notre parcours et établir des stratégies pour un avenir plus fort pour la francophonie.

Chacun et chacune parmi nous aujourd’hui - et toutes les personnes qui participeront pendant ces trois jours de congrès - détenons une partie de notre avenir, une contribution essentielle à cette grande conversation.

Comment on se définit? Comment on se rassemble? Quelles sont nos valeurs communes? Comment on marche ensemble, d’un même pas, vers un avenir commun qui correspond à nos aspirations?

Aujourd’hui, je veux partager avec vous quelques observations pertinentes à votre réflexion dans le cadre des États généraux.

Ces observations proviennent de notre point de vue unique et privilégié, chez l’Ombudsman de l’Ontario, en tant qu'organisation chargée de surveiller le respect par le gouvernement de la Loi sur les services en français depuis six ans maintenant.

Plus précisément, ces observations sont fondées sur les milliers d’interactions que nous avons eues avec des francophones de l’Ontario qui se sont tourné(e)s vers nous pour obtenir de l’aide lorsqu’il(elle)s ont rencontré des difficultés à accéder à des services en français.

Mais plus important encore, nous avons répondu directement aux plaintes, aux demandes de renseignements et aux demandes d’information des francophones, et nous leur avons fourni une voie de recours accessible.

Avec les méthodes propres à l'Ombudsman, en tirant parti de notre indépendance et de notre rigueur, nous avons réussi à construire des relations solides fondées sur la crédibilité et la confiance.

Tout cela est au bénéfice des francophones de notre province.

Pour vous donner une idée de notre travail :

En six ans, depuis le 1er mai 2019, nous avons traité directement avec des milliers de francophones.

Nous avons déposé cinq Rapports annuels. Je remettrai d’ailleurs notre sixième Rapport annuel dans quelques semaines.

Nous avons déposé deux rapports d’enquêtes, sur le post-secondaire et sur les publicités gouvernementales extérieures dans les espaces publics.

Nous avons lancé une troisième enquête qui est en cours sur les services en personne dans les succursales de ServiceOntario, pour laquelle je vous invite toujours à communiquer avec nous pour partager vos témoignages, d’ailleurs.

Dans nos cinq rapports annuels et nos deux rapports d’enquête, nous avons formulé 43 recommandations pour améliorer l’offre de services en français dans la province.

Et je peux vous dire que nous accomplissons de grandes choses en Ontario, qui sont le résultat conjugué de notre travail et de la coopération du gouvernement, de la fonction publique, des organismes gouvernementaux assujettis à la Loi, et bien sûr aussi de toutes celles et de tous ceux qui nous contactent pour nous signaler un enjeu.

Voici quelques exemples des résultats que nous avons obtenus :

  • À la suite de notre contribution, les alertes AMBER sont désormais diffusées simultanément en français et en anglais, et la Police provinciale de l'Ontario a renforcé son offre de services en français.
  • Grâce à notre travail dans le cadre d’une plainte, le gouvernement a traduit le Code de prévention des incendies en Ontario. Une première dans l’histoire de la province pour ce règlement.
  • Sur la base de notre recommandation, le Conseil du Trésor a émis une directive à l’ensemble des organismes qui s’y rapportent d’établir un plan de formation annuel sur les droits linguistiques et les obligations qui en découlent pour tou(te)s ses employé(e)s de première ligne.
  • En raison de nos nombreuses interventions, Tribunaux décisionnels Ontario a revu l’ensemble de ses procédures liées à l’offre de services en français et a proactivement partagé ses démarches et résultats avec nous.
  • À la suite à notre enquête, l’Université Laurentienne a renforcé sa gouvernance par rapport à ses obligations règlementaire.  
  • On a traité de nombreuses plaintes du public et on a fait des suivis rigoureux pour surveiller les efforts de l’Université de Sudbury, du ministère des Collèges et des Universités, de l’Excellence en recherche et de la Sécurité et du ministère des Affaires francophones pour se conformer à leurs obligations pour veiller au respect de la désignation de l’Université, et ce en période de changements importants.

Ce sont de grands pas en avant pour l’amélioration des services en français en Ontario qui sont le résultat d’une coopération entre nous, le gouvernement, la fonction publique, et vous, ceux et celles qui parlent français et qui nous confient des histoires réelles sur l’impact des manques de services en français dans votre quotidien.

Et le travail continue.

C’est ce travail qui alimente les observations que je vous partage aujourd’hui.

D’abord, c’est important de se rappeler que le français n’a pas le statut de langue officielle en Ontario.

C’est donc d’autant plus important, à mon avis, de connaître ses droits linguistiques et de surveiller leur respect.

C’est la raison pour laquelle j’ai recommandé l’an dernier que le ministère des Affaires francophones développe un répertoire numérique des services du gouvernement assujettis à la Loi sur les services en français pour que les francophones puissent facilement les trouver.

Communiquer clairement, en situation minoritaire, c’est important pour que les francophones puissent exercer leurs droits linguistiques.

Parlant de communications : j’observe aussi des enjeux au sujet des communications publiques.

L’an dernier, on a déposé un rapport sur la publicité extérieure dans lequel on a conclu que le gouvernement manquait systématiquement à ses obligations en vertu de la Loi sur les services en français lorsqu’il communiquait avec le public par l’entremise de panneaux dans des lieux publics partout en province.

Pour y remédier, j’ai recommandé au gouvernement de produire du matériel bilingue. Ma recommandation est à l’étude.

Dans d’autres domaines, je constate qu’il y a des secteurs dont les enjeux reviennent année après année, comme la santé, la justice, le post-secondaire, les services comme les transports et les services de première ligne, au comptoir.

Ce sont des secteurs importants pour les francophones de l’Ontario et qui affectent directement leur quotidien, comme avoir accès à des soins médicaux, avoir accès à un procès équitable, obtenir un permis de conduire, comprendre la signalisation routière…

Souvent les problèmes sont récurrents : ils sont liés à la connaissance des obligations, à la difficulté de recruter et retenir du personnel bilingue et à la formation du personnel de première ligne anglophone et francophone.

Ensuite il y a la santé. Un secteur majeur qui occupe une grande partie des préoccupations des francophones qui nous contactent.

En Ontario, il y a 23 hôpitaux désignés. Qui ont des obligations en vertu de la Loi sur les services en français et que je peux surveiller.

Ces hôpitaux se trouvent dans 16 des 27 régions désignées de la province.

Ce qui veut dire que dans un peu moins de la moitié des régions désignées, les francophones n’ont pas accès à un hôpital assujetti à la Loi sur les services en français ni à ma surveillance.

Pourquoi?

Il y a aussi le secteur de la petite enfance. Je pense ici aux garderies désignées en vertu de la Loi sur les services en français.

Récemment, des francophones de Toronto ont fait face à la fermeture annoncée d’une garderie de langue française qui aurait eu un impact majeur sur les familles francophones qui en dépendent.

Pensons juste à la capacité des parents, francophone, bilingues, d’aller au travail.

Notre travail a mis en évidence un manque de connaissances des garderies et des ministères par rapport à leurs obligations liées à la désignation.

Je vais vous laisser avec trois observations qui, j’espère, vont alimenter vos réflexions :

  1. Comment mieux communiquer, comment mieux faire connaître les services en français? D’abord l’ensemble des organismes qui ont des obligations doivent le savoir, les connaître, les comprendre clairement et savoir comment les remplir.

    Ensuite, c’est important pour les organismes assujettis à la Loi sur les services en français de communiquer leurs services en français, d’expliquer au public leurs obligations qui découlent des droits linguistiques, et de former leur personnel autant francophone, bilingue qu’anglophone.

    Et vous, qu’est-ce que vous pouvez faire pour contribuer à faire connaître les services?

  2. Comme deuxième observation, je nous demande : comment motiver les Ontariennes et les Ontariens qui parlent français à exercer leurs droits linguistiques, à saisir toutes les opportunités de parler français?
  3. Et finalement, comme troisième observation, je nous demande : comment motiver ceux et celles qui font face à un manque de services à poser un geste important qui témoigne de leur engagement citoyen : nous signaler ces manquements pour nous permettre d’intervenir, de soulever les enjeux auprès du gouvernement, de la fonction publique, de trouver des solutions pour éviter que les enjeux se reproduisent.

Et pourquoi faire tout ça?

Pour honorer notre histoire commune. Ceux et celles qui se sont battus pour nos services, qui ont construit la société dans laquelle on vit maintenant.
Mais aussi, pour continuer d’avoir de nouveaux services, des services adaptés à nos réalités d’aujourd’hui, à nos nouveaux visages, nos nouveaux besoins.

Cette année on a célébré le 50e anniversaire du drapeau Franco-Ontarien : on a célébré le travail de ceux et celles qui ont bâti notre histoire.

Cette histoire, nous continuons de l’écrire ensemble. De créer, de se regrouper autour d’enjeux communs : vous et moi, on est en train de paver la voie vers l’avenir, pour que ceux et celles qui vont nous suivre célèbrent nos accomplissements et les leurs.

On construit notre héritage commun.

« Nous sommes, nous serons » c’est se poser les bonnes questions, avec humilité et honnêteté, pour rester modernes, pour assurer notre pertinence et notre avenir commun.

Nous avons toutes et tous le pouvoir de faire une différence, il suffit seulement de parler français.

Merci et bon congrès à toutes et tous!