Mémoire au Comité permanent du patrimoine, de l’infrastructure et de la culture concernant le projet de loi 9, Loi de 2025 sur la responsabilité au niveau municipal

Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario

Août 2025

Aperçu

Le Comité permanent du patrimoine, de l’infrastructure et de la culture (le « Comité ») examine actuellement le projet de loi 9, Loi modifiant la Loi de 2006 sur la cité de Toronto et la Loi de 2001 sur les municipalités en ce qui concerne les codes de déontologie, lequel est également connu sous le nom de Loi de 2025 sur la responsabilité au niveau municipal. Si ce projet de loi est adopté, il modifierait les dispositions de la Loi de 2001 sur les municipalités et de la Loi de 2006 sur la cité de Toronto (collectivement, les « Lois »)[1] relatives aux codes de conduite municipaux et au cadre des commissaires à l’intégrité pour les municipalités de l’Ontario.

Fort de la vaste expérience de mon Bureau dans le secteur municipal, qui porte notamment sur le traitement des plaintes relatives à des codes de conduite municipaux et des commissaires à l’intégrité, je suis heureux de présenter ce mémoire, qui s’accompagne de documents de soutien pertinents, afin d’aider le Comité dans ses travaux.

Je salue les efforts déployés par le gouvernement pour normaliser les codes de conduite et les processus d’enquête des commissaires à l’intégrité, ainsi que pour améliorer la formation et les compétences des commissaires à l’intégrité. À mon avis, ces changements permettront d’assurer à un plus grand nombre d’Ontarien(ne)s que leurs administrations locales sont dotées de codes de conduite adéquats et de mécanismes hautement efficaces pour répondre aux préoccupations relatives aux cas de mauvaise conduite.

J’ai demandé pour la première fois des changements similaires dans mon mémoire soumis en 2021 au ministère des Affaires municipales et du Logement (le « Ministère ») afin d’améliorer la responsabilisation dans le secteur municipal[2]. En février 2025, j’ai présenté un mémoire complet au Ministère en réponse à sa consultation sur le projet de loi 241, qui a précédé le projet de loi 9 (le « mémoire de février 2025 »[3]). Ce mémoire, qui contient des recommandations sur la normalisation des codes et des processus, figure à l’annexe A. Le mémoire que je présente aujourd’hui au Comité vise à compléter le mémoire de février 2025 remis au Ministère et à soumettre six propositions, fondées sur des données probantes, à l’attention du Comité.

Rôle et compétence de l’Ombudsman

L’Ombudsman est un officier indépendant et impartial de l’Assemblée législative de l’Ontario, nommé par tous les partis en vertu de la Loi sur l’ombudsman[4], et dont le rôle est de s’assurer que le gouvernement provincial et la fonction publique ontarienne servent la population d’une façon équitable, responsable, transparente et respectueuse de ses droits.

Nos interventions visent à résoudre des questions en lien avec l’administration du gouvernement et de la fonction publique ou à enquêter sur ces questions, et à recommander, à la lumière de données probantes, des mesures correctives, si nécessaire. Nous intervenons pour donner suite à une plainte ou de notre propre initiative, et nous sommes reconnu(e)s internationalement pour la qualité et les répercussions de notre travail.

Mon Bureau possède une vaste expertise du secteur municipal. Depuis 2008, l’Ombudsman de l’Ontario agit à titre d’enquêteur de réunions à huis clos des municipalités qui n’ont pas désigné le(la) leur. L’enquêteur(euse) de réunions à huis clos d’une municipalité accepte les plaintes selon lesquelles un conseil, un conseil local ou un comité de l’un ou l’autre n’a pas respecté les règles des réunions publiques prévues dans la Loi de 2001 sur les municipalités ou la Loi de 2006 sur la cité de Toronto. Depuis 2008, mon Bureau a enquêté sur des centaines de réunions à huis clos et tient à jour sur son site Web un recueil des cas, un guide à l’intention des municipalités sur les règles relatives aux séances à huis clos et d’autres ressources publiques[5]. J’exerce actuellement cette fonction auprès de 286 municipalités.

Depuis 2016, mon Bureau a le pouvoir de mener des enquêtes et des examens concernant les plaintes sur la conduite administrative des municipalités, y compris sur les processus de traitement des plaintes par leurs commissaires à l’intégrité et leurs codes de conduite. Depuis le 1er mars 2019, toutes les municipalités sont tenues d’être dotées d’un code de conduite et de faire appel à un(e) commissaire à l’intégrité.

En tant qu’Ombudsman, je n’agis pas à titre de commissaire à l’intégrité pour les municipalités. Toutefois, mon Bureau peut examiner les plaintes sur les commissaires à l’intégrité municipaux ayant terminé l’examen d’un dossier ou d’une enquête ou refusé de traiter une plainte, ou après l’expiration du délai de dépôt d’une plainte. Nous n’agissons pas comme instance d’appel et nos décisions ne remplacent pas celles des commissaires à l’intégrité. Nous évaluons plutôt si les commissaires à l’intégrité ont agi conformément à la législation et aux procédures applicables, examiné les cas qui leur ont été soumis, suivi des pratiques équitables, obtenu et examiné l’information pertinente, et fourni des motifs suffisants et adéquats à l’appui de leur décision, à la lumière des preuves dont ils(elles) disposaient.

Mon Bureau a traité près de 400 cas (plaintes et demandes de renseignements) liés aux codes de conduite et aux commissaires à l’intégrité entre le 1er mars 2019 et le 31 mars 2025. Les 444 municipalités de l’Ontario diffèrent notablement par leur démographie, leur géographie et leurs ressources, le droit à l’équité et à la responsabilité de la population est le même partout. Fort(e)s de notre expérience dans le règlement de cas liés aux codes de conduite et aux commissaires à l’intégrité, nous avons élaboré à l’intention des municipalités et du public des ressources répertoriant les pratiques exemplaires à leur sujet, lesquelles ont été reconnues et mentionnées par l’ancien commissaire à l’intégrité de l’Ontario dans ses conseils et recommandations adressés au premier ministre en septembre 2024[6].

Ressources à la disposition du Comité

Comme indiqué, j’ai joint à l’annexe A mon mémoire de février 2025 au Ministère concernant la normalisation des codes de conduite et des processus d’enquête proposés dans le projet de loi 241. Afin d’aider davantage le Comité dans son examen des répercussions de la normalisation des codes de conduite, j’ai également joint à l’annexe B notre récente publication intitulée Codes de conduite et commissaires à l’intégrité – Guide pour les municipalités[7], qui répertorie les pratiques exemplaires à l’intention des membres du conseil municipal, du personnel et des commissaires à l’intégrité des municipalités. Cette publication fournit des renseignements contextualisant le présent mémoire, et j’encourage les membres du comité à la consulter.

Normalisation des codes de conduite

La Loi de 2025 sur la responsabilité au niveau municipal outillerait la lieutenante-gouverneure en Conseil pour prescrire un code de conduite aux membres des conseils municipaux et des conseils locaux. Un tel changement, cadrant avec mes mémoires de 2021 et de février 2025 au Ministère où je recommandais que les codes de conduites soient normalisés et étoffés, réglerait le manque d’uniformité entre les municipalités et améliorerait la clarté pour les membres des conseils et du public.

Outre les questions qui doivent actuellement être abordées dans les codes de conduite selon les règlements pris en vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités et de la Loi de 2006 sur la cité de Toronto[8], je proposais dans mon mémoire de février 2025 (figurant à l’annexe A) que les codes de conduite normalisés traitent également de l’utilisation des médias sociaux, des communications au nom du conseil municipal ou local, et des conflits d’intérêts non prévus à la Loi sur les conflits d’intérêts municipaux ainsi que du décorum lors des réunions.

En ce qui concerne le décorum lors des réunions, mon Bureau est conscient que les commissaires à l’intégrité ont adopté diverses approches concernant leur capacité à traiter ce type de plaintes. Le fait de clarifier la législation relative à la compétence des commissaires à l’intégrité pour traiter les plaintes concernant la conduite des membres pendant les réunions pourrait contribuer à harmoniser les approches dans toute la province.

Proposition 1

Les amendements proposés aux articles 223.2 de la Loi de 2001 sur les municipalités et 157 de la Loi de 2006 sur la cité de Toronto devraient être amendés afin de préciser si les commissaires à l’intégrité peuvent examiner la conduite des membres pendant les réunions.

Normalisation des processus d’enquête

Je félicite le Ministère pour sa proposition d’adopter des processus normalisés concernant la réception et l’examen des plaintes par les commissaires à l’intégrité ainsi que leurs enquêtes et rapports à ce sujet. La plupart des plaintes à mon Bureau au sujet de commissaires à l’intégrité concernent les processus suivis ou non lors d’une enquête. Des processus normalisées solides, fiables et flexibles pourraient prévenir bon nombre des problèmes que nous avons constatés.

Dans mon mémoire de février 2025 au Ministère, j’ai souligné les éléments clés de la ressource de mon Bureau, Codes de conduite et commissaires à l’intégrité – Guide à l’intention des municipalités, qui devraient figurer dans les procédures normalisées. Si le projet de loi 9 est adopté, je serais heureux de fournir au gouvernement des renseignements supplémentaires s’appuyant sur l’expérience de mon Bureau dans ce domaine, notamment nos recommandations sur les pratiques exemplaires à chaque étape du processus d’enquête d’un(e) commissaire à l’intégrité, de la réception initiale d’une plainte au rejet de celle-ci ou à la conclusion de l’enquête. Elles traitent notamment de l’élimination des obstacles à la présentation des plaintes, du pouvoir discrétionnaire du commissaire de rejeter une plainte ou de mettre fin à une enquête pour des motifs précis, des délais et des prolongations, de la confidentialité, du droit de participer et des processus de rapport préliminaire et final.

Élimination des frais pour déposer une plainte auprès d’un(e) commissaire à l’intégrité

Un écart important que mon Bureau a souvent constaté est que certaines municipalités imposent des frais pour déposer une plainte auprès d’un(e) commissaire à l’intégrité. Afin d’assurer l’égalité d’accès à cet important mécanisme de responsabilisation dans tout l’Ontario, j’ai régulièrement réclamé l’abolition de ces frais, notamment dans mon dernier Rapport annuel[9]. J’ai également plaidé pour l’élimination des autres obstacles à la présentation de plaintes relatives à un code de conduite, notamment l’obligation pour les plaignant(e)s de déposer un affidavit sous serment[10].

Le fait d’adopter des procédures de plainte normalisées pour le dépôt d’une plainte auprès d’un(e) commissaire à l’intégrité, plutôt que d’imposer des frais ou d’autres obstacles administratifs, donnerait aux commissaires à l’intégrité le pouvoir discrétionnaire de rejeter les plaintes frivoles ou vexatoires, qui ne relèvent pas de leur compétence, qui ont déjà été traitées par un autre processus (comme une procédure judiciaire ou une enquête sur le harcèlement au travail) ou dont la nature ne constitue manifestement pas une violation du code de conduite, même si les allégations étaient prouvées.

Afin de garantir que tous les Ontarien(ne)s puissent avoir accès à leur commissaire à l’intégrité locale, peu importe leur capacité à payer des frais, le projet de loi devrait être modifié afin d’interdire aux municipalités d’imposer des frais pour porter plainte auprès d’un(e) commissaire à l’intégrité.

Proposition 2

Les articles 223.4 de la Loi de 2001 sur les municipalités et 160 de la Loi de 2006 sur la cité de Toronto devraient être amendés afin d’interdire aux municipalités d’exiger des frais aux membres du public qui demandent une enquête en vertu de la partie pertinente de chaque Loi afin de déterminer si un(e) membre du conseil ou d’un conseil local a contrevenu au code de conduite qui s’applique à lui(elle).

Marche à suivre en cas de voies de recours multiples

J’ai déjà suggéré que les codes de conduite normalisés devraient aborder la manière dont les plaintes se rapportant à un code de conduite interagissent avec les politiques contre le harcèlement au travail, et prévoir des mesures de protection pour les plaignant(e)s et toute personne coopérant avec un commissaire à l’intégrité, ainsi que des sanctions en cas de défaut de se conformer aux directives d’un commissaire à l’intégrité dans l’exercice de ses fonctions.

Bien que l’article 223.8 de la Loi de 2001 sur les municipalités et l’article 164 de la Loi de 2006 sur la cité de Toronto traitent des mesures qu’un(e) commissaire à l’intégrité doit prendre au cours d’une enquête devant le constat qu’un(e) membre a enfreint une autre loi ou le Code criminel, la législation ne précise pas les mesures à appliquer lorsque l’objet d’une plainte relative au code de conduite est également couvert par une politique municipale contre le harcèlement au travail. Mon Bureau a reçu des plaintes concernant des incidents qui auraient pu être traités tant en vertu du code de conduite qu’en vertu d’une politique municipale contre le harcèlement au travail.

Comme indiqué dans un communiqué de presse du gouvernement concernant le projet de loi 9, le harcèlement et la discrimination font expressément partie des sujets qui pourraient être couverts par des codes de conduite normalisés[11]. L’absence de directives claires et cohérentes sur la manière dont les commissaires à l’intégrité doivent traiter ces plaintes crée une incertitude et un risque de duplication des procédures, ce qui peut alourdir le fardeau tant pour le(la) plaignant(e) que pour le(la) membre faisant l’objet d’une enquête du commissaire à l’intégrité pour des questions de harcèlement au travail. Le fait de donner aux commissaires à l’intégrité des directives législatives plus claires atténuerait les éventuelles lacunes procédurales au sein des municipalités et les incohérences entre les municipalités.

De même, nous avons reçu de nombreuses plaintes concernant des violations alléguées du code de conduite et de la Loi sur les conflits d’intérêts municipaux. Bien que la législation municipale existante permette aux commissaires à l’intégrité de traiter les plaintes relevant de ces deux lois, il n’existe aucune directive législative ou réglementaire sur la manière dont un(e) commissaire à l’intégrité doit traiter une plainte relevant des deux à la fois, compte tenu de la différence entre les exigences procédurales prévues aux deux textes.

Dans mon mémoire de février 2025, j’ai proposé qu’un processus normalisé définisse les mesures qu’un(e) commissaire à l’intégrité doit prendre pour traiter les plaintes relevant à la fois du code de conduite et d’une autre loi ou politique[12]. Si les étapes procédurales détaillées peuvent faire l’objet d’une réglementation, les lois devraient être modifiées pour indiquer quelle voie de recours devrait être privilégiée. Comme les lois précisent déjà que les enquêtes menées en vertu du Code criminel l’emportent, il y aurait lieu d’y clarifier l’effet qu’ont les autres procédures – qu’elles aient été engagées en vertu d’une autre loi ou d’une politique municipale – et d’indiquer si un(e) commissaire peut suspendre et reprendre une enquête en vertu du code de conduite ou de la Loi sur les conflits d’intérêts municipaux à l’issue d’une procédure parallèle.

Proposition 3

Les articles 223.8 de la Loi de 2001 sur les municipalités et 164 de la Loi de 2006 sur la cité de Toronto devraient être amendés afin de préciser la marche à suivre par les commissaires à l’intégrité lorsque, pour le même comportement d’un(e) membre, il existe des voies de recours parallèles, par exemple celles prévues par une politique municipale contre le harcèlement au travail. Les modifications devraient préciser si un(e) commissaire à l’intégrité peut suspendre et reprendre une enquête à l’issue d’une procédure parallèle.

Publication des rapports des commissaires à l’intégrité

Les paragraphes 223.6(3) de la Loi de 2001 sur les municipalités et 162(3) de la Loi de 2006 sur la cité de Toronto exigent actuellement que les municipalités rendent publics les rapports des commissaires à l’intégrité. Mon Bureau a reçu des plaintes sur des cas où des municipalités avaient omis de le faire dans les délais prévus.

Il y aurait lieu de modifier les lois pour y mentionner clairement l’exigence de publication dans les délais prévus des rapports des commissaires à l’intégrité municipaux afin d’assurer la transparence pour le public, y compris dans les cas relevant du rôle du commissaire à l’intégrité de l’Ontario en vertu de l’article 223.4.0.1 proposé pour la Loi de 2001 sur les municipalités et de l’article 160.0.1 proposé pour la Loi de 2006 sur la cité de Toronto. Dans un souci de clarté et de cohérence, les rapports des commissaires à l’intégrité devraient être mis à disposition du public avant la réunion suivante du conseil et inscrits à l’ordre du jour de cette réunion.

Proposition 4

Les paragraphes 223.6(3) de la Loi de 2001 sur les municipalités et 162(3) de la Loi de 2006 sur la cité de Toronto devraient être amendés afin d’exiger des municipalités qu’elles publient les rapports des commissaires à l’intégrité dans les délais prévus, par exemple en veillant à ce qu’ils soient inscrits à l’ordre du jour de la réunion suivante du conseil dès qu’ils sont terminés.

Compétences minimales des commissaires à l’intégrité

Je me réjouis de constater que le projet de loi contient des dispositions établissant les exigences en matière de formation et d’éducation des commissaires à l’intégrité nommé(e)s. Toutefois, afin de garantir que toutes les personnes nommées à l’échelle municipale aient les compétences requises avant leur nomination, je suggère au Comité d’envisager de renforcer les normes prévues en prévoyant l’établissement de compétences minimales. Comme je l’ai indiqué dans mes mémoires de 2021 et de février 2025, l’intégration d’une accréditation ou de normes professionnelles obligatoires garantirait que le public a accès à des examens équitables et de grande qualité, quel que soit le lieu de résidence[13].

Je recommande l’intégration de modifications supplémentaires au projet de loi qui permettraient la création de compétences minimales ou d’une accréditation pour les commissaires à l’intégrité et qui obligeraient les municipalités à nommer des commissaires à l’intégrité respectant ce profil. L’exigence minimale en matière de compétences garantirait que les municipalités nomment des commissaires à l’intégrité ayant l’expérience et les compétences requises et dont l’expertise constituerait un fondement de la formation envisagée dans le projet de loi. L’exigence minimale en matière de compétences en contexte municipal est par ailleurs conforme aux modifications à la Loi sur l’éducation récemment entrées en vigueur, qui exigent désormais que les commissaires à l’intégrité des conseils scolaires aient certaines compétences particulières[14].

Proposition 5

Les articles 223.3 de la Loi de 2001 sur les municipalités et 159 de la Loi de 2006 sur la cité de Toronto devraient être amendés afin d’inclure une disposition obligeant les municipalités à nommer des commissaires à l’intégrité qui respectent certaines normes professionnelles minimales.

Indépendance des commissaires à l’intégrité

Les paragraphes 223.3(1) de la Loi de 2001 sur les municipalités et 159(1) de la Loi de 2006 sur la cité de Toronto exigent que les commissaires à l’intégrité exercent leurs fonctions de manière indépendante et relèvent directement du conseil municipal. Toutefois, comme je l’ai mentionné dans mes mémoires de 2021 et de février 2025[15], et comme je l’ai souligné dans mon récent Rapport annuel[16], mon Bureau a reçu des plaintes concernant plusieurs municipalités au sujet de l’indépendance des commissaires à l’intégrité qui exercent d’autres fonctions au sein même de la municipalité.

Les commissaires à l’intégrité des municipalités jouent un rôle essentiel dans le processus démocratique en favorisant la responsabilisation, l’éthique et l’adoption d’une conduite respectueuse à l’échelle locale. Si quelqu’un estime que les règles éthiques d’une municipalité ont été enfreintes, le(la) commissaire à l’intégrité peut enquêter et veiller à ce que les préoccupations relatives à la conduite et aux conflits d’intérêts potentiels soient examinées de façon indépendante. En rendant publiques ses conclusions et ses recommandations et en les communiquant au conseil, le(la) commissaire à l’intégrité peut mettre en lumière les cas d’inconduite ou dissiper les allégations sans fondement. Pour être efficaces dans leurs fonctions, les commissaires à l’intégrité doivent être crédibles et d’une indépendance irréprochable.

Je me réjouis de constater que le projet de loi 9 propose des mesures visant à renforcer la confiance du public dans l’indépendance des commissaires à l’intégrité en proposant que les municipalités puissent consulter le commissaire à l’intégrité de l’Ontario au sujet de l’indépendance d’une personne susceptible d’être nommée à une telle fonction.

Ce projet de loi devrait renforcer davantage la confiance du public dans l’indépendance des commissaires à l’intégrité en introduisant des dispositions qui empêchent ces personnes d’exercer plusieurs fonctions pour la même municipalité. Le public aura davantage confiance dans la municipalité dont un(e) représentant(e) officiel(le) fait enquête de façon entièrement indépendante sans occuper nulle autre fonction à la municipalité. Cela contribuera aussi à garantir que les membres des conseils municipaux ou locaux font un travail exempt de conduite irrespectueuse ou contraire à l’éthique.

Il existe un principe fondamental d’équité voulant qu’il y ait justice et aussi apparence de justice. La confiance du public dans l’indépendance des commissaires à l’intégrité et de leurs décisions risque d’être compromise s’il leur est permis d’occuper plus d’un poste dans une même municipalité. Lorsque c’est le cas, il existe un risque important de confusion, de méfiance et de conflits d’intérêts réels ou perçus.

L’existence de relations professionnelles entre une municipalité et son(sa) commissaire à l’intégrité qui vont au-delà de ses fonctions – comme le fait d’exercer simultanément d’autres fonctions ou de l’avoir fait récemment – peut donner l’impression que le commissaire à l’intégrité est trop étroitement lié aux intérêts des membres du conseil dont il supervise la conduite.

J’encourage la modification du projet de loi de manière à garantir qu’aucune personne ne peut devenir commissaire à l’intégrité d’une municipalité si elle est ou a récemment été à l’emploi de cette municipalité, ou si elle lui fournit ou lui a récemment fourni des services juridiques, d’enquête ou d’autres services professionnels. Cette proposition est conforme à l’avis et aux recommandations formulés en septembre 2024 par l’ancien commissaire à l’intégrité de l’Ontario à l’intention du premier ministre, qui soulignaient qu’un cadre municipal intègre et efficace devait exiger l’indépendance des commissaires à l’intégrité, notamment que ces personnes ne fournissent pas d’autres services rémunérés à la municipalité[17].

Proposition 6

Les articles 223.3 de la Loi de 2001 sur les municipalités et 159 de la Loi de 2006 sur la cité de Toronto devraient être amendés afin d’interdire aux municipalités de nommer comme commissaire à l’intégrité une personne qui est ou a récemment été à l’emploi de cette municipalité, ou si elle lui fournit ou lui a récemment fourni des services juridiques, d’enquête ou d’autres services professionnels.

Conclusion

Je félicite le gouvernement d’avoir pris des mesures pour normaliser les codes de conduite municipaux et les processus d’enquête pour les commissaires à l’intégrité, une mesure qui garantira à tous les Ontarien(ne)s l’accès à des services efficaces en cette matière. À cette fin, j’encourage le Comité à adopter mes propositions visant à renforcer davantage le cadre législatif.

Je tiens à remercier le Comité de m’avoir donné l’occasion de présenter ces ressources et ces propositions. Mon Bureau et moi-même sommes à votre disposition pour vous offrir nos observations et suggérer des pratiques exemplaires au fil de l’élaboration et de l’application des codes et des processus normalisés. De même, nous sommes prêt(e)s à contribuer à la sensibilisation aux changements apportés aux codes de conduite municipaux et aux processus s’appliquant aux commissaires à l’intégrité, et à mettre à jour nos propres processus si nécessaire, notamment en soutenant le Bureau du commissaire à l’intégrité de l’Ontario et en coopérant avec lui dans tout nouveau rôle qu’il pourrait jouer en matière de responsabilisation dans le secteur municipal.

Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario


Annexe A

Mémoire au ministère des Affaires municipales et du Logement concernant les modifications proposées au code de conduite municipale et au cadre des commissaires à l’intégrité (Mémoire de 2025 de l’Ombudsman)

Février 2025


Annexe B

Codes de conduite et commissaires à l’intégrité – Guide pour les municipalités (Publication de l’Ombudsman)

2024


[1] Cité de Toronto (Loi de 2006 sur la), L.O. 2006, chap. 11, annexe A; municipalités (Loi de 2001 sur les), L.O. 2001, chap. 25.
[2] Ombudsman de l’Ontario, Mémoire au ministère des Affaires municipales et du Logement au sujet de sa consultation : Renforcer la reddition de comptes des membres des conseils municipaux (juillet 2021) [« mémoire de juillet 2021 »], en ligne.
[3] Ombudsman de l’Ontario, Mémoire au ministère des Affaires municipales et du Logement concernant les modifications proposées au code de conduite municipale et au cadre des commissaires à l’intégrité (février 2025) [« mémoire de février 2025 »], en ligne.
[4] L.R.O. 1990, chap. O.6.
[5] Ombudsman de l’Ontario, « Gouvernement municipal », en ligne. 
[6] J. David Wake, c.r., commissaire à l’intégrité de l’Ontario, « Advice and Recommendations on the Ontario Municipal Integrity Commissioner Framework » (30 septembre 2024, Ontario Legislative Library collection) [« Conseils et recommandations du commissaire à l’intégrité de l’Ontario »].
[7] Ombudsman de l’Ontario, Codes de conduite et commissaires à l’intégrité – Guide pour les municipalitésGuide »], en ligne. 
[8] Règl. de l’Ont. 55/18; Règl. de l’Ont. 58/18.
[9] Ombudsman de l’Ontario, Rapport annuel 2024-2025Rapport annuel 2024-2025 »], en ligne.
[10] Voir mes rapports annuels 2023-2024, 2021-2022, 2020-2021 et 2017-2018 : Ombudsman de l’Ontario, « Rapports annuels », en ligne; Ombudsman de l’Ontario, Mémoire au Comité permanent de la politique sociale sur le projet de loi 68, Loi de 2017 sur la modernisation de la législation municipale ontarienne (avril 2017), en ligne; Ombudsman de l’Ontario, Conseils pour les municipalités : codes de conduite et commissaires à l’intégrité, en ligne; Guide, supra note 7.
[11] Salle de presse du gouvernement de l’Ontario, « L’Ontario prend des mesures pour renforcer la gouvernance locale », communiqué (1er mai 2025), en ligne.
[12] Mémoire de février 2025, supra note 3 (voir aussi l’annexe A).
[13] Mémoire de 2021, supra note 2; mémoire de février 2025, supra note 3.
[14] Voir éducation (Loi sur l’), L.R.O. 1990, chap. E.2, par. 218.3(6); Règl. de l’Ont. 306/24, art. 2.
[15] Mémoire de 2021, supra note 2; mémoire de février 2025, supra note 3.
[16] Rapport annuel 2024-2025, supra note 9.  
[17] Conseils et recommandations du commissaire à l’intégrité de l’Ontario, supra note 6.