Municipalité de Casselman

Municipalité de Casselman

août 19, 2022

19 août 2022

L’Ombudsman a reçu une plainte alléguant que le conseil de la Municipalité de Casselman avait tenu une séance à huis clos le 27 mai 2021, quand trois membres du conseil avaient assisté à un appel vidéo concernant un projet de développement avec une municipalité voisine. La présence de deux membres du conseil n’a jamais été révélée aux autres participant(e)s à l’appel vidéo. Le(la) plaignant(e) craignait que cette rencontre ne constitue une réunion illégale en vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités.

L’Ombudsman a conclu que l’appel vidéo n’avait pas enfreint la Loi car les discussions qui s’étaient tenues lors de l’appel étaient de nature technique et informative et n’avaient pas fait avancer de façon importante les travaux ou la prise de décision du conseil. Néanmoins, l’Ombudsman a fortement encouragé la Municipalité à maximiser la transparence de ses pratiques en divulguant la présence de tous(toutes) les participant(e)s à toute rencontre virtuelle.

Enquête sur une plainte à propos d’une rencontre tenue par les membres du conseil de la Municipalité de Casselman le 27 mai 2021

Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario

Août 2022


 

Plainte

1    Mon Bureau a reçu une plainte à propos d’une rencontre tenue par les membres du conseil de la Municipalité de Casselman (la « Municipalité ») le 27 mai 2021.

2    La plainte concernait une rencontre informelle du quorum du conseil dans un bureau de l’hôtel de ville de Casselman lors d’un appel vidéo sur un projet de développement. La personne qui a porté plainte craignait que la discussion au cours de l’appel vidéo n’ait fait avancer les travaux du conseil, si bien que la présence du quorum du conseil durant cet appel aurait constitué une réunion à huis clos illégale en vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités.

 

Compétence de l’Ombudsman

3    En vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités[1] (la « Loi »), toutes les réunions d'un conseil municipal, d'un conseil local et des comités de l'un ou de l'autre doivent se tenir en public, sauf si elles font l'objet d'exceptions prescrites.

4    Depuis le 1er janvier 2008, la Loi accorde à quiconque le droit de demander une enquête visant à déterminer si une municipalité ou un conseil local a respecté la Loi en se réunissant à huis clos. Les municipalités peuvent nommer leur propre enquêteur(euse) ou faire appel aux services de l'Ombudsman.  La Loi fait de l'Ombudsman l'enquêteur par défaut dans les municipalités qui n'ont pas désigné le(la) leur.

5    L'Ombudsman enquête sur les réunions à huis clos pour la Municipalité de Casselman.

6    Lorsque nous enquêtons sur des plaintes concernant des réunions à huis clos, nous examinons si les exigences relatives aux réunions publiques énoncées dans la Loi et les procédures de gouvernance de la municipalité ont été respectées.

7    Depuis 2008, mon Bureau a enquêté sur des centaines de réunions à huis clos dans des municipalités de l’Ontario. Pour aider les conseils municipaux, le personnel municipal et le public, nous avons créé un recueil en ligne des cas de réunions publiques. Nous avons créé ce recueil interrogeable pour permettre aux intéressé(e)s d'accéder facilement aux décisions de l'Ombudsman et à ses interprétations des règles des réunions publiques. Des résumés des décisions antérieures de l'Ombudsman sont consultables dans ce recueil : https://www.ombudsman.on.ca/digest-fr/accueil.

 

Processus d’enquête

8    Le 22 juin 2021, nous avons informé la Municipalité de notre intention d’enquêter sur cette plainte concernant la rencontre des membres du conseil le 27 mai 2021.

9    Les membres de mon équipe des réunions publiques ont examiné les parties pertinentes du règlement municipal ainsi que de la Loi.

10    Nous avons examiné les documents connexes à l’appel vidéo, notamment le procès-verbal consigné par le promoteur du projet et la liste des invité(e)s à l’appel vidéo. Mon Bureau a également examiné la documentation relative au projet de développement, dont des directives et des procès-verbaux de séances à huis clos durant 2021, ainsi que des documents à propos d’une réunion tenue par le conseil le 25 janvier 2022.

11    De plus, les membres de mon équipe des réunions publiques a interviewé les trois membres du conseil qui étaient présent(e)s à la réunion du 27 mai 2021. Nous avons également parlé à des membres du personnel qui avaient connaissance de l’appel vidéo, notamment à l’ancienne directrice générale et trésorière, au greffier, au directeur de la planification et du développement économique, au chef du service des bâtiments et à un consultant qui travaillait à ce projet de développement.

12    Mon Bureau a obtenu une pleine coopération dans cette affaire.

 

Contexte

13    Tout au long de 2021, la Municipalité de Casselman a travaillé avec une municipalité voisine à un projet de développement qui chevaucherait leur délimitation commune. Avant l’appel vidéo examiné dans ce rapport, le projet de développement a été discuté à huis clos par le conseil de Casselman les 9 février, 9 mars et 25 mars 2021.

14    Après l’appel vidéo du 27 mai 2021, le projet de développement a de nouveau été examiné à huis clos le 13 juillet 2021.

15    La convention de plan d’implantation pour le projet a été discuté et approuvé par le conseil le 25 janvier 2022, en séance publique.

 

Appel vidéo du 27 mai 2021

16    Le 27 mai 2021, un appel vidéo à propos du projet de développement a eu lieu entre le personnel de la Municipalité de Casselman et la municipalité voisine, le maire de chacune des municipalités, et des représentant(e)s du promoteur.

17    Mon Bureau a été informé que l’appel vidéo avait pour but de fournir au promoteur des réponses à des questions comme le zonage, les permis et le drainage, afin qu’il puisse faire avancer le projet. Le promoteur avait besoin de la participation des deux municipalités à l’appel pour clarifier ces questions et fournir des commentaires.

18    Bien que le procès-verbal consigné par le promoteur durant l’appel vidéo ne comprenne pas d’horodatage, d’après les documents de la réunion et les entrevues, mon Bureau a déterminé que la réunion avait commencé entre 13 h 00 et 13 h 30, et avait duré environ une heure.

19    Le procès-verbal établi par le promoteur durant l’appel vidéo et les entrevues effectuées par mon Bureau indiquent que la discussion a porté sur divers aspects du projet, notamment sur les évaluations environnementales, l’approbation et la construction du projet, les approbations du plan du site, et les services de gaz naturel et d’électricité. Selon le procès-verbal, le maire de Casselman a également accepté en principe que la Municipalité de Casselman « prenne la direction de tous les aspects liés au projet ».

20    Le maire s’est joint à l’appel vidéo à partir de son bureau à l’hôtel de ville. À l’invitation du maire, un(e) autre membre du conseil qui s’intéressait au projet de développement était présent(e) dans le bureau du maire pour écouter l’appel vidéo dans son intégralité.

21    Un(e) autre membre du conseil nous a dit qu’il(elle) passait par hasard devant le bureau du maire peu après le début de l’appel vidéo, et que le maire l’avait invité(e) à entrer dans son bureau pour écouter l’appel. Ce(cette) membre du conseil a écouté l’appel vidéo durant 20 à 30 minutes environ, et s’est souvenu(e) que les participant(e)s avaient discuté de questions environnementales.

22    Les deux membres du conseil ont gardé le silence durant l’appel vidéo. Leur présence n’a jamais été révélée aux autres participant(e)s à l’appel vidéo, et ils(elles) n’étaient pas visibles à l’écran.

 

Analyse

23    Le paragraphe 238 (1) de la Loi établit un critère en deux parties pour déterminer si une rencontre répond à la définition de « réunion ». Une réunion ordinaire, extraordinaire ou autre d’un conseil constitue une « réunion » en vertu de la Loi si : (i) un quorum de membres est atteint, et (ii) les membres discutent ou traitent autrement d’une question d’une manière qui fait avancer de façon importante les travaux ou la prise de décision du conseil.

24    Conformément au paragraphe 237 de la Loi, pour former un quorum du conseil, une majorité des membres doit être présente. Le conseil de Casselman est composé de cinq membres, donc trois membres doivent être présent(e)s pour atteindre le quorum.

25    Dans ce cas, durant au moins la moitié de l’appel vidéo, le quorum du conseil n’était pas atteint. Bien que deux membres du conseil aient été présent(e)s pendant tout l’appel vidéo, d’une durée d’une heure, le(la) troisième membre du conseil n’a été présent(e) que durant 20 à 30 minutes. Cependant, compte tenu de l’incertitude de la séquence et de la chronologie des discussions lors de l’appel vidéo, nous avons examiné tout l’appel vidéo pour déterminer si les travaux du conseil ou sa prise de décision avaient le moindrement avancé.

26    Dans un rapport précédent à la Municipalité, j’ai examiné ce que signifiait « faire avancer de façon importante les travaux ou la prise de décision du conseil » :

[…] pour interpréter l’expression « fait avancer de façon importante » il faut examiner dans quelle mesure les discussions ont fait avancer les travaux de la municipalité, en fonction d’indicateurs factuels.

Les discussions, les débats ou les décisions qui visent à obtenir des résultats précis, ou à persuader les décideurs d’une façon ou d’une autre, sont susceptibles de « faire avancer de façon importante » les travaux ou la prise de décision d’un conseil municipal, d’un comité ou d’un conseil local. Il est peu probable que le simple fait de recevoir ou d’échanger de l’information « fasse avancer de façon importante » les travaux ou la prise de décision, tant qu’il n’y a pas de tentative de discuter ou de débattre de cette information relativement à une question précise qui est soumise, ou sera soumise, à un conseil municipal, à un comité ou à un conseil local[2].


27    Dans ce rapport, j’ai également indiqué que les simples mises à jour sur des activités récentes, ou la communication d’information, ne sont pas susceptibles de faire avancer de façon importante les travaux ou la prise de décision. Toutefois, les votes, les accords, les directives ou les commentaires au personnel, et les discussions ou les débats sur une proposition, une mesure d’action, ou une stratégie sont susceptibles de faire avancer de manière importante les travaux ou la prise de décision[3].

28    Je dois également déterminer si le sujet discuté relève ou non des travaux du conseil. À cet effet, j’ai examiné précédemment si des renseignements obtenus par les membres du conseil pouvaient influencer les futurs travaux et la prise de décision du conseil[4]. Les conversations qui portent sur des questions ou des décisions devant être soumises de nouveau au conseil sont particulièrement susceptibles de constituer des discussions sur les travaux du conseil, en vertu de la Loi[5].

29    Les discussions durant l’appel vidéo étaient de nature technique et informative : elles portaient sur des mesures détaillées à prendre par le personnel pour faire avancer le projet, plutôt que sur les travaux du conseil.

30    L’examen effectué par mon Bureau sur le procès-verbal du conseil avant et après l’appel vidéo a révélé que la plupart des questions discutées pendant l'appel vidéo ont été traitées par le personnel plutôt que par le conseil.

31    Comme indiqué dans le procès-verbal, durant l’appel vidéo, le maire de Casselman a accepté en principe que Casselman prenne la direction du projet, ceci pouvant inclure la préparation du plan du site et la planification. Bien que le conseil de Casselman ait examiné de nouveau le projet de développement lors d’une réunion à huis clos en juillet 2021 et lors d’une réunion publique en janvier 2022, je suis convaincu que la déclaration du maire le 27 mai 2021 n’avait pas trait aux travaux du conseil examinés lors de ces réunions ultérieures, qui comprenaient l’approbation du plan d’implantation.

32    Par conséquent, je suis convaincu qu’aucun travail ou aucune prise de décision n’a avancé de façon importante durant l’appel vidéo.

33    Bien que la rencontre des membres du conseil le 27 mai 2021 n’ait pas techniquement enfreint la Loi, je suis très préoccupé par les comportements des membres du conseil de Casselman qui ont assisté à l’appel vidéo sans divulguer leur présence, et du maire qui n’a pas averti de leur présence les autres participant(e)s à l’appel.

34    Durant les entrevues effectuées par mon Bureau, les membres du conseil ont souligné qu’ils(elles) avaient le droit de rester informé(e)s des projets municipaux importants ayant une incidence significative sur leur communauté. Mon Bureau reconnaît qu’une culture du silence parmi les membres du conseil à l’extérieur de la salle du conseil n’est ni réaliste, ni respectueuse de la gouvernance démocratique des municipalités[6]. Toutefois, le désir des membres du conseil de participer proactivement à des projets municipaux importants en dehors de la salle du conseil n’annule aucunement les attentes du public en matière de gouvernance publique.

35    Je suis très préoccupé du fait que les comportements des membres du conseil dans ce cas ont frôlé les limites. Les membres du conseil devraient savoir que leur présence lors d’une rencontre – y compris lors d’une réunion du personnel – peut transformer cette rencontre en réunion assujettie aux règles des réunions publiques. Pour maximiser la transparence des pratiques municipales à l’avenir, quand les membres du conseil prévoient d’assister à une réunion du personnel, ils(elles) devraient tout d’abord considérer le sujet et l’objectif de la discussion, et se demander si un quorum du conseil sera atteint. En tout cas, quand les membres du conseil assistent à une rencontre virtuelle – y compris une rencontre du personnel – l’identité de toutes les personnes présentes devrait toujours être divulguée, même si ces personnes ne font qu’observer. Cette règle devrait s’appliquer, que les personnes soient présentes pendant toute la discussion ou seulement durant une partie de celle-ci.

 

Confidentialité

36    Durant leurs entrevues avec mon Bureau, les membres du conseil nous ont dit qu’ils(elles) étaient mécontent(e)s que mon Bureau ne veuille pas divulguer l’identité de la personne qui avait porté plainte. Quelqu’un a dit à mon Bureau qu’un(e) membre du conseil s’était renseigné(e) auprès d’une personne interviewée pour tenter d’identifier le(la) plaignant(e). Certaines des personnes avec lesquelles nous avons parlé craignaient de subir éventuellement des représailles pour avoir communiqué avec mon Bureau.

37    La Loi sur l’ombudsman[7] contient des dispositions concernant la confidentialité, afin de permettre aux personnes d’exprimer leurs préoccupations sans crainte de représailles, et de les encourager en ce sens. Les plaintes sur les réunions à huis clos ont une incidence sur les intérêts démocratiques de l’ensemble du public, et il n’y a aucune raison de divulguer l’identité des plaignant(e)s individuel(le)s. Le faire pourrait constituer une violation de la loi[8].
 
38    Quand mon Bureau évalue des plaintes sur des réunions à huis clos et cerne des problèmes, nous faisons des recommandations et des suggestions de pratiques exemplaires à la municipalité. Les plaintes devraient être considérées par les municipalités comme des occasions d’améliorer leurs processus de gouvernance locale et de renforcer la transparence et la responsabilisation. À ce titre, il est tout à fait inapproprié pour les responsables municipaux(ales) de se lancer dans une recherche sur les origines d’une plainte. Toute représaille envers quelqu’un qui a  déposé plainte ou communiqué avec mon Bureau est prise très au sérieux.

 

Opinion

39    Le conseil de la Municipalité de Casselman n’a pas enfreint la Loi de 2001 sur les municipalités le 27 mai 2021 quand des membres du conseil se sont rencontrés pour écouter un appel vidéo. Cette rencontre n’était pas une « réunion » au sens de la Loi. Néanmoins, j’encourage fortement la Municipalité à maximiser la transparence de ses pratiques en divulguant la présence de tous(toutes) les participant(e)s à toute rencontre virtuelle.

 

Rapport

40    Le conseil de la Municipalité de Casselman a eu l’occasion d’examiner une version préliminaire de ce rapport et de la commenter pour mon Bureau. En raison des restrictions mises en place pour cause de COVID-19, certaines modifications ont été apportées au processus habituel d’examen préliminaire et nous remercions le conseil et le personnel de leur coopération et de leur flexibilité. Tous les commentaires que nous avons reçus ont été pris en compte dans la préparation de ce rapport final.

41    La Municipalité a indiqué que mon rapport serait mis à la disposition du public lors de la prochaine réunion du conseil. Il sera également publié sur notre site Web à www.ombudsman.on.ca.

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Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario



[1] LO 2001, chap. 25.
[2] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos de séances d’information le 7 mars 2018 avec un quorum des conseillers du Village de Casselman, (août 2018), aux par. 30-31, en ligne.
[3] Ibid au par. 41.
[4] Lettre de l’Ombudsman de l’Ontario à la Ville d’Elliot Lake (10 août 2012) à la p. 5, en ligne.
[5] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur des allégations de réunions à huis clos tenues par la Zone d’amélioration commerciale de Walkerton et la Municipalité de Brockton le 13 juin, le 20 juin et le 27 septembre 2016, (février 2017), au par. 69, en ligne.
[6] Lettre de l’Ombudsman de l’Ontario au Canton de Loyalist (6 décembre 2021), en ligne.
[7] LRO 1990, chap. O.6.
[8] Ombudsman de l'Ontario, Rapport visant à déterminer si le Conseil de la Ville de London a tenu indûment une réunion à huis clos au restaurant Harmony Grand Buffet le 21 février 2012, (août 2012), au par. 66, en ligne.