Municipalité de Brighton

Municipalité de Brighton

novembre 2, 2015

2 novembre 2015

Notre Bureau a conclu que les discussions du Conseil de la Municipalité de Brighton le 28 mai 2015 relevaient des exceptions concernant les réunions à huis clos, énoncées dans la Loi sur les municipalités. En revanche, lorsqu’il a voté à huis clos au sujet de cinq résolutions, le Conseil a, sur le principe, enfreint les dispositions de vote figurant à la Loi sur les municipalités et au Règlement de procédure de la Municipalité. Bien qu'ayant pour but et effet de donner des directives au personnel, les résolutions n'étaient pas formulées en ces termes. Notre Bureau a aussi conclu que la Municipalité avait enfreint l’alinéa 239 (4) a) de la Loi en omettant d’indiquer par résolution la nature générale des questions à examiner à huis clos.

Enquête sur l'allégation de violation de la Loi de 2001 sur les municipalités par la Municipalité de Brighton le 28 mai 2015

Barbara Finlay
Ombudsman intérimaire de l’Ontario

Octobre 2015

 

Plainte

1      Le 9 juin 2015, mon Bureau a reçu une plainte à propos d’une réunion à huis clos tenue par le Conseil de la Municipalité de Brighton le 28 mai 2015.
 
2      Selon cette plainte, le Conseil s’est retiré à huis clos pour discuter du licenciement d’un cadre supérieur municipal et pour voter à ce sujet. La plainte alléguait que le vote à huis clos avait eu lieu en infraction à la Loi de 2001 sur les municipalités (la Loi).
 

Compétence de l’Ombudsman

3      En vertu de la Loi, toutes les réunions d’un conseil municipal, d’un conseil local, et d’un comité de l’un ou de l’autre doivent se tenir en public, sous réserve des exceptions prescrites.

4      Depuis le 1er janvier 2008, la Loi accorde aux citoyens le droit de demander une enquête visant à déterminer si une municipalité s’est dûment retirée à huis clos en vertu de la Loi. Les municipalités peuvent désigner leur propre enquêteur ou recourir aux services de l’Ombudsman de l’Ontario. La Loi fait de l’Ombudsman l’enquêteur par défaut dans les municipalités qui n’ont pas désigné leur propre enquêteur.

5      Mon Bureau est chargé d’enquêter sur les réunions à huis clos dans la Municipalité de Brighton.

6      Lorsque nous enquêtons sur les plaintes à propos de réunions à huis clos, nous déterminons si les exigences des réunions publiques énoncées dans la Loi et le Règlement municipal de procédure ont été respectées.
 

Processus d’enquête

7      Le 23 juin 2015, mon Bureau a avisé le Conseil que nous enquêterions sur cette plainte.
 
8      Les membres de l’Équipe d’application de la loi sur les réunions publiques (OMLET) de mon Bureau ont examiné les extraits pertinents du Règlement de procédure de la Municipalité et de la Loi, la documentation de la réunion en question et d’autres documents connexes. Ils ont parlé au maire et à la greffière intérimaire.
 
9      Mon Bureau a obtenu une pleine coopération dans ce dossier.
 
 

Procédures du Conseil

10     Le Règlement de procédure de la Municipalité (Règlement 097-2013) stipule que toutes les réunions du Conseil doivent se tenir en public, sous réserve des exceptions aux exigences des réunions publiques énoncées dans la Loi.
 
11     Le paragraphe 4.6 (4) du Règlement stipule qu’avant de se retirer à huis clos, le Conseil doit déclarer par résolution qu’il va tenir une séance à huis clos et indiquer la nature générale de la question à examiner.
 
12     Les paragraphes 4.6 (5) et (6) stipulent qu’une réunion ne doit pas être fermée au public durant un vote, sauf si le vote concerne une question de procédure ou a pour objectif de donner des directives ou des instructions au personnel. Cette partie du Règlement fait référence aux exigences relatives aux votes à « l’article 244 » sans expliquer qu'il s'agit d'un article de la Loi de 2001 sur les municipalités, et non pas du Règlement de procédure.
 
13     L’article 8.4 stipule que les votes ont lieu à main levée et sont comptés par la personne qui préside la réunion. Un conseiller peut demander un vote par appel nominal après le vote à main levée.
 
14     Le Conseil de la Municipalité de Brighton a pour habitude de faire des enregistrements sonores de ses séances publiques et de ses séances à huis clos. Je le félicite de cette pratique qui constitue le moyen le plus clair et le plus direct pour un enquêteur chargé des réunions à huis clos d’examiner la documentation. De plus, ces enregistrements contribuent à éviter que les dirigeants ne s’écartent des obligations légales durant les huis clos.
 
15     Toutefois, notre enquête a conclu que la Municipalité avait eu des problèmes techniques d’enregistreur sonore durant sa réunion du 28 mai 2015 (ainsi que durant les deux réunions précédentes). Mon Bureau n’a donc pas pu examiner d’enregistrement sonore.
 
 

Réunion du 28 mai

16     Le 28 mai 2015, le Conseil a tenu une réunion extraordinaire à 10 h dans la salle du Conseil. Un avis de la réunion avait été affiché sur le site Web de la Municipalité. L’ordre du jour indiquait que deux questions seraient discutées à huis clos. Le vote qui a fait l’objet de la plainte avait trait à la discussion du second sujet par le Conseil. Tous les membres du Conseil, de même qu’un avocat municipal, étaient présents à la réunion.
 
17     Après l’ouverture de la réunion et l’approbation de l’ordre du jour, le Conseil a immédiatement résolu de se retirer à huis clos pour examiner notamment :

2. Une question en vertu de l’alinéa 239 (2) b) renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée, y compris des employés de la municipalité ou du conseil local.

 
Le même énoncé est donné dans l’ordre du jour de la réunion.
 
18     Dans leurs entrevues, le maire et la greffière intérimaire ont déclaré que ce sujet avait trait à un rapport de l’avocat de la Municipalité. Ce rapport présentait des suggestions au Conseil sur la rémunération de divers employés. Durant la séance à huis clos, le Conseil a évalué le rendement professionnel individuel d’employés et a déterminé s’il fallait modifier la rémunération de plusieurs d'entre eux. La rémunération des employés a été discutée en termes de montant en dollars, de même qu’en fonction de l’échelon et du niveau de salaire.
 
19     Après cette discussion, le Conseil a décidé par vote de licencier un employé et de modifier la rémunération de plusieurs autres. Pour chacune de ces résolutions, le Conseil a voté à main levée.
 
20     Mon Bureau a examiné chaque résolution adoptée à huis clos. Dans chacune, le but du Conseil était de licencier directement un employé identifié ou de modifier sa rémunération. Les résolutions n’enjoignaient pas au personnel de prendre ces mesures d’action, mais indiquaient que le Conseil était parvenu à une décision concrète.
 
21     Après avoir adopté ces résolutions, le Conseil a pris celle de reprendre sa séance publique. Le procès-verbal de la séance publique inclut la liste des résolutions adoptées à huis clos. La résolution qui a fait l’objet de cette plainte – licenciement d’un cadre supérieur municipal – est mentionnée comme « Résolution no 2015-443 renseignements privés ». Les résolutions modifiant les niveaux de rémunération de divers employés sont similairement répertoriées comme « Résolution no 2015-### renseignements privés ».
 
22     Mon Bureau a aussi examiné d’autres résolutions qui ont fait l’objet d’un vote du Conseil durant la même discussion à huis clos. Ces résolutions sont citées ainsi : « Résolution no 2015-### pour donner des directives au personnel ». L’examen de ces résolutions antérieures par mon Bureau indique que chacune était formulée correctement, faisant référence à des directives au personnel.
 
23     La séance a été levée à 14 h 12.
 
 

Analyse

Résolution de se retirer à huis clos

24     La résolution adoptée par le Conseil pour se retirer à huis clos indiquait qu’une séance à huis clos aurait lieu pour discuter notamment de renseignements privés concernant des personnes qui pouvaient être identifiées. En revanche, cette résolution omettait de fournir des renseignements significatifs au public sur les questions à discuter.
 
25     L’alinéa 239 (4) a) de la Loi stipule qu’avant de se retirer à huis clos, les municipalités doivent indiquer par voie de résolution « le fait que la réunion doit se tenir à huis clos et la nature générale de la question devant y être étudiée ». Cette exigence trouve écho au paragraphe 4.6 (4) du Règlement de procédure de la Municipalité.
 
26     Comme l’a précisé la Cour d’appel de l’Ontario dans Farber v. Kingston City[1],

[La] résolution de se retirer à huis clos devrait comporter une description générale de la question à discuter, de sorte à maximiser les renseignements communiqués au public, sans toutefois porter atteinte à la raison d’exclure le public.

 
27       Dans un rapport de 2014 sur des réunions à huis clos dans la Municipalité de Kincardine, les Local Authority Services (LAS) ont interprété ceci comme une exigence que « l’énoncé de la résolution… fasse plus que simplement renvoyer à l’article de la Loi sur les municipalités qui permet l’exception pour la réunion à huis clos »[2]. De plus, les municipalités doivent ajouter « certains détails informatifs » à la résolution de se retirer à huis clos. En arrivant à cette conclusion, les LAS ont précisé que les principes d’ouverture et de transparence sont au cœur des dispositions des réunions publiques énoncées dans la Loi sur les municipalités et qu'ils exigent de maximiser les renseignements communiqués au public.
 
28        Dans ce cas, simplement citer l’exception applicable pour se retirer à huis clos ne maximise pas les renseignements communiqués au public, sans porter atteinte à la raison d’exclure le public. Une résolution plus descriptive indiquant par exemple que la question avait trait à « la rémunération du personnel » aurait fourni plus de renseignements au public, sans porter atteinte à la raison de se retirer à huis clos. Dans l’intérêt de la transparence, la Municipalité de Brighton devrait veiller à ce que les résolutions adoptées pour se retirer à huis clos donnent au moins une description générale de la question à examiner.

 

Discussion

29     Le Conseil a invoqué l’exception des « renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée », énoncée à l’alinéa 239 (2) b) de la Loi, pour évaluer le rendement professionnel et les salaires de divers employés identifiés par leur nom.
 
30     La Loi ne définit pas les « renseignements privés » dans le cadre de l’article 239, mais l’expression connexe « renseignements personnels » est définie ainsi dans la Loi sur l'accès à l'information municipale et la protection de la vie privée : « renseignements consignés ayant trait à un particulier qui peut être identifié, s’entend notamment… g) des opinions et des points de vue d’une autre personne au sujet de ce particulier »[3].
 
31     Les LAS et mon Bureau ont déterminé que les discussions sur le rendement d’un employé relèvent dûment de l’exception des renseignements privés[4]. Les LAS ont aussi conclu que les questions liées au salaire, aux frais de service et aux demandes de temps supplémentaire d’un particulier relèvent de l’exception des renseignements privés[5]. De même, lors d’une enquête faite en 2010 sur des réunions à huis clos dans la Ville de Mattawa, mon Bureau a précisé que le salaire d’un particulier fait partie des renseignements personnels[6].
 
32     Dans ce cas, le Conseil a discuté de renseignements spécifiques sur le salaire et le rendement d’employés désignés par leur nom. Par conséquent, la discussion relevait de l’exception énoncée à l’alinéa 239 (2) b).
 
 

Votes à huis clos

33     En vertu de l’alinéa 239 (6) b) de la Loi, le Conseil peut uniquement voter à huis clos si :

le vote porte sur une question de procédure ou vise à donner des directives ou des instructions aux fonctionnaires, agents, employés ou mandataires de la municipalité, du conseil local ou d’un comité de l’un ou de l’autre, ou aux personnes dont la municipalité ou le conseil local a retenu les services, à contrat ou non.


34     Cette exception permet au Conseil de protéger la nature confidentielle de la réunion à huis clos, tout en rendant les décisions du Conseil effectives par des directives au personnel.
 
35     Les paragraphes 4.6 (5) et (6) du Règlement de procédure de Brighton reflètent ces dispositions de la Loi.
 
36     En 2012, les LAS ont déterminé qu’il peut y avoir infraction aux dispositions de la Loi concernant les votes, même si un conseil ou un comité ne vote pas officiellement sur une question. Le simple fait d’en arriver à des conclusions de fond constitue une violation de l’interdiction de voter[7]. De même, mon Bureau a conclu en 2011 que les « votes de paille » et les « votes à main levée » peuvent constituer des « votes » interdits en vertu de la Loi[8].
 
37     Le Conseil a voté à main levée sur cinq résolutions qui, sur le principe, ne relevaient pas de l’exception citée au paragraphe 239 (6) de la Loi. Les votes ne concernaient pas une question de procédure et ils n’étaient pas correctement formulés comme des directives au personnel. Le Conseil a simplement résolu de licencier un employé et de modifier la rémunération de certains autres.
 
38     Dans leurs entrevues, le maire et la greffière intérimaire ont reconnu que les résolutions n’étaient pas formulées comme des directives au personnel. Toutefois, chacun d'eux a réitéré que la teneur et l’intention des résolutions visaient à donner des directives au personnel.
 
39     Je suis d'accord avec leur évaluation. Mon examen indique que le but et l’effet des résolutions étaient de donner des directives au personnel. Si les résolutions avaient été formulées correctement en tant que directives au personnel, elles auraient été complètement permises en vertu de la Loi. Toutefois, comme ce n’était pas le cas, le Conseil a enfreint sur le principe les dispositions sur les votes énoncées dans la Loi et dans le Règlement de procédure de la Municipalité.
 
 

Opinion

40     Le Conseil de la Municipalité de Brighton était autorisé à se réunir à huis clos le 28 mai 2015, en vertu des exceptions énoncées dans la Loi de 2001 sur les municipalités, pour discuter du rendement et de la rémunération de divers employés municipaux.
 
41     Toutefois, le Conseil a, sur le principe, enfreint la Loi et son propre Règlement de procédure quand il a voté sur cinq résolutions à huis clos. Certes, le but de ces résolutions était de donner des directives au personnel, mais leur énoncé ne reflétait pas cette intention.
 
42     Mon enquête a aussi conclu que le Conseil de la Municipalité de Brighton avait enfreint l’alinéa 239 (4) a) de la Loi de 2001 sur les municipalités en omettant de déclarer par voie de résolution la nature générale des questions à examiner à huis clos.

 

Recommandations

43     Je fais les recommandations suivantes pour aider le Conseil de la Municipalité de Brighton à améliorer ses pratiques en matière de réunions publiques.
 

Recommandation 1

Tous les membres du Conseil de la Municipalité de Brighton devraient s’acquitter avec vigilance de leurs obligations personnelles et collectives pour garantir que le Conseil se conforme à ses responsabilités en vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités et de son propre Règlement de procédure.

 
Recommandation 2

La Municipalité de Brighton devrait s’abstenir de voter à huis clos sur des questions si le vote ne porte pas sur une question de procédure ou n’a pas pour but de donner des directives au personnel.

 
Recommandation 3

La Municipalité de Brighton devrait veiller à ce que les résolutions adoptées à huis clos dans l’intention de donner des directives au personnel soient formulées clairement en ce sens.

 
Recommandation 4

La Municipalité de Brighton devrait veiller à ce que ses résolutions adoptées pour se retirer à huis clos incluent une description de la question à discuter, ainsi que l’exception autorisant cette discussion.

 
Recommandation 5

La Municipalité de Brighton devrait veiller à ce que son enregistreur sonore fonctionne correctement pour chaque réunion du Conseil.



 

Rapport

44     Le personnel d’OMLET a parlé au maire et à la greffière intérimaire le 16 octobre 2015 pour leur donner un aperçu de ces conclusions et pour offrir à la Municipalité la possibilité de les commenter. Tous les commentaires que nous avons reçus ont été pris en compte lors de la préparation de ce rapport.
 
45     Mon rapport devrait être communiqué au Conseil de la Municipalité de Brighton et mis à la disposition du public dès que possible, au plus tard lors de la prochaine réunion du Conseil.
 

_____________________________
Barbara Finlay
Ombudsman intérimaire de l’Ontario



[1] [2007] OJ No 919, p. 151.
[2] Local Authority Services, Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletReport to the Corporation of the Municipality of Kincardine Regarding Allegations of Improperly Closed Meetings of the Council for the Municipality of Kincardine Between February 6, 2013 and January 20, 2014, (juillet 2014 : Amberley Gavel Ltd.) en ligne, p. 8.
[3] Loi sur l’accès à l’information municipale et la protection de la vie privée, L.R.O. 1990, chap. M56, art. 2.
[4] Local Authority Services, Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletReport to the Corporation of the Municipality of Northern Bruce Peninsula with Respect to a Meeting Held March 11, 2013, (janvier 2014 : Amberley Gavel Ltd.) en ligne; Enquête visant à déterminer si le Conseil de la Ville de Niagara Falls a tenu une réunion illégale le 8 octobre 2013, (février 2015 : Ontario Ombudsman) en ligne, par. 48.
[5] Local Authority Services, Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletA Report to the Council of the Township Of Madawaska Valley, (juin 2013 : Amberley Gavel Ltd.) en ligne.
[6] Enquête visant à déterminer si le Conseil municipal de Mattawa et son Comité spécial du patrimoine ont tenu indûment des réunions à huis clos, (décembre 2010 : Ontario Ombudsman) en ligne, par. 53.
[7] Local Authority Services, Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletReport to the Corporation of the Town of Georgina Regarding the Investigation of the Closed Meetings of the Town Of Georgina Council and Committee of the Whole Held on Various Dates in 2011 and 2012, (septembre 2012, Amberley Gavel Ltd.) en ligne.
[8] Enquête visant à déterminer si le Conseil de la Ville d’Amherstburg a tenu de multiples réunions à huis clos en infraction à la Loi sur les municipalités : « À portes closes », (décembre 2011 : Ontario Ombudsman) en ligne, p. 12.