Enquête sur une plainte à propos d’une réunion tenue par le conseil du Canton de Tehkummah le 22 décembre 2017
Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario
avril 2018
Plainte
1 Mon Bureau a reçu une plainte alléguant que le conseil du Canton de Tehkummah avait tenu une réunion non conforme aux règles des réunions publiques énoncées dans la Loi de 2001 sur les municipalités (la « Loi »).
2 La plainte alléguait que le conseil du Canton n’avait pas dûment donné un avis de sa réunion extraordinaire du 22 décembre 2017, ce qui constituait une infraction de la Loi et du règlement de procédure du Canton.
Compétence de l’Ombudsman
3 En vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités, toutes les réunions du conseil municipal, d'un conseil local et des comités de l'un ou de l'autre doivent se tenir en public, à moins de relever des exceptions prescrites.
4 Depuis le 1er janvier 2008, la Loi accorde aux citoyens le droit de demander une enquête visant à déterminer si une municipalité s'est conformée à la Loi en tenant une réunion à huis clos. Les municipalités peuvent désigner leur propre enquêteur, ou utiliser les services de l'Ombudsman de l'Ontario. La Loi fait de l'Ombudsman l'enquêteur par défaut dans les municipalités qui n'ont pas nommé le leur.
5 L'Ombudsman est chargé d'enquêter sur les réunions à huis clos pour le Canton de Tehkummah.
6 Quand nous enquêtons sur des plaintes à propos de réunions à huis clos, nous cherchons à déterminer si les exigences des réunions publiques énoncées dans la Loi et dans les procédures de gouvernance de la municipalité ont été observées.
Procédure du conseil
7 Le paragraphe 238 (2) de la Loi stipule qu’un règlement municipal de procédure doit prévoir la communication d’un avis au public pour toutes les réunions.
8 L’article 3 du règlement de procédure du Canton (règlement no 2015-03) indique que :
Les réunions extraordinaires du conseil [doivent] se tenir le troisième jeudi de chaque mois à 10 h au besoin à la demande du préfet.
9 En ce qui concerne la convocation des réunions extraordinaires du conseil, l’article 5 du règlement de procédure stipule qu’une réunion extraordinaire peut être convoquée en tout temps par le chef du conseil, ou sur réception d’une pétition de la majorité des membres du conseil. Selon le Canton, cette partie du règlement signifie que le préfet, à titre de chef du conseil, peut convoquer une réunion extraordinaire du conseil pour tout moment et toute date.
10 L’article 5 indique ensuite ceci :
Un avis de toutes les réunions extraordinaires du conseil doit être communiqué aux membres [du conseil] par le biais du Bureau du greffier, au téléphone, avant la réunion. Les seuls points pouvant être examinés lors d’une réunion extraordinaire sont ceux annoncés dans l’avis de réunion extraordinaire.
11 L’article 42 du règlement de procédure régit la communication des avis de réunions au public :
Lorsque les municipalités doivent donner un avis préalable d’une action, conformément à l’article 251 de la Loi de 2001 sur les municipalités, cet avis doit être donné dans l’ordre du jour affiché pour consultation publique dans le complexe des bureaux municipaux, deux (2) jours ouvrables avant la réunion prévue.
12 L’article 251 de la Loi a été abrogé en 2006. La disposition prescrivait la méthode à suivre pour communiquer un avis, si la Loi l’exigeait.
13 Le règlement de procédure ne dit rien des circonstances dans lesquelles le conseil peut clore une réunion au public, et ne fait aucune référence aux exceptions relatives aux réunions à huis clos énoncées dans la Loi, au paragraphe 239 (2). Le règlement de procédure ne dit rien non plus de la convocation des réunions d’urgence.
Processus d’enquête
14 Le 16 janvier 2018, nous avons avisé le Canton de Tehkummah que nous avions l’intention d’enquêter sur cette plainte.
15 Mon Bureau a obtenu et examiné des parties du règlement de procédure du Canton. De plus, nous avons examiné l’ordre du jour et le procès-verbal de la séance publique de la réunion extraordinaire du conseil tenue le 22 décembre 2017, ainsi que de la documentation connexe. Aucun procès-verbal n’a été dressé pour la partie à huis clos de la réunion.
16 Les membres de mon équipe d’enquête sur les réunions publiques de mon Bureau ont interviewé le personnel du Canton, dont la greffière-trésorière adjointe et une adjointe administrative. Lors de la réunion du 22 décembre, le conseil comportait quatre membres. Nous avons interviewé tous les membres du conseil.
17 Mon Bureau a obtenu une pleine collaboration dans cette affaire.
Contexte
18 Le préfet a dit à mon Bureau que, le 21 décembre 2017, il avait convoqué une réunion extraordinaire du conseil pour discuter d’un membre du personnel identifié dans le contexte d’une enquête de tierce partie sur des allégations de harcèlement faites par un membre du personnel. Selon le préfet, une réunion s’avérait nécessaire pour discuter du statut d’emploi de ce membre du personnel dans l’attente de la fin de l’enquête en milieu de travail. Le préfet estimait qu’il fallait convoquer une réunion extraordinaire, plutôt que d’attendre une réunion ordinaire, car de futures rénovations organisées par ce membre du personnel devaient avoir lieu durant les fêtes. Si le conseil prenait une décision au sujet de ce membre du personnel, elle aurait des répercussions sur les rénovations.
19 Le préfet s'est rendu dans les bureaux du Canton le 21 décembre 2017 pour informer le personnel du Canton de son intention de convoquer une réunion extraordinaire du conseil pour le 22 décembre 2017. Le préfet a remis une note de service manuscrite à un membre du personnel responsable de l’affichage des avis de réunion dans les bureaux du Canton. Cette note de service manuscrite annonçait :
une réunion d’urgence « à huis clos » (personnel) vendredi 22 décembre 2017, à 19 h.
20 Le préfet a dit à mon Bureau qu’il croyait que le processus normal à suivre pour communiquer un avis d’une réunion extraordinaire avait été amorcé.
21 Aucun avis de cette réunion extraordinaire n’a été affiché.
22 Le préfet a dit à mon Bureau qu’il s’était rendu compte que l’avis de convocation de la réunion extraordinaire n’avait pas été affiché quand il est arrivé dans les bureaux du Canton le 22 décembre 2017. Malgré l’absence d’avis au public, le préfet a décidé de tenir la réunion. Il a alors informé les membres du conseil de cette réunion extraordinaire au téléphone et par courriel.
23 D’après le procès-verbal de la séance publique de la réunion, et selon les personnes à qui mon Bureau a parlé, la réunion publique du 22 décembre 2017 a commencé à 19 h environ.
24 Trois des quatre conseillers en poste étaient présents à la réunion, ainsi que la greffière-trésorière adjointe intérimaire qui a dressé le procès-verbal durant la séance publique de la réunion. Le conseiller Ron Hierons n'a pas assisté à la réunion.
25 Le procès-verbal de la séance publique n’indique pas à quelle heure le conseil s’est retiré en séance à huis clos. La greffière-trésorière adjointe intérimaire nous a dit que la séance à huis clos avait commencé entre 19 h 05 et 19 h 10 environ. Le procès-verbal de la réunion indique que le conseil a rouvert la réunion au public à 19 h 17.
26 D’après la résolution adoptée pour se retirer à huis clos, le conseil a invoqué l’exception à l’alinéa 239 (2) b) de la Loi, pour discuter de « renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée, y compris des employés de la municipalité ou du conseil local ».
27 Avant le début de la séance à huis clos de la réunion, la greffière-trésorière adjointe intérimaire a quitté la salle de réunion. Son absence a été inscrite au procès-verbal de la séance publique. La greffière-trésorière adjointe intérimaire a dit à mon Bureau qu’elle avait quitté la salle avant la discussion, parce qu’elle estimait qu’il ne convenait pas qu’elle reste pendant cette discussion, axée à sa connaissance sur un autre membre du personnel.
28 Nous avons été informés que la responsabilité de dresser un procès-verbal n’avait pas été déléguée à un autre membre du personnel. Par conséquent, il n’existe pas de procès-verbal de la séance à huis clos du 22 décembre 2017.
29 Tous les membres du conseil qui étaient présents à la séance à huis clos sont convenus que la discussion avait alors porté sur un membre du personnel qui pouvait être identifié. Le conseil a discuté de la suspension de ce membre du personnel, avec rémunération, dans l’attente de la fin de l’enquête en milieu de travail. Selon un membre du conseil, les rénovations prévues pour les bureaux du Canton ont été brièvement mentionnées durant la discussion sur la suspension de ce membre du personnel, qui avait planifié les rénovations. Le conseil a aussi examiné l’ébauche d’une lettre à ce membre du personnel concernant l’enquête en milieu de travail, ainsi que deux motions à présenter en séance publique.
30 Selon le procès-verbal, après avoir repris la séance publique, le conseil a adopté une résolution visant à suspendre ce membre du personnel, avec rémunération, dans l’attente de la fin de l’enquête en milieu de travail.
Analyse
31 Cette plainte soulève les questions suivantes :
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Exceptions pertinentes des réunions à huis clos, et plus précisément :
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Renseignements privés
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Relations de travail
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Avis au public
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Convocation d’une réunion « d’urgence »
-
Autres questions de procédure, notamment :
32 Pour analyser des cas de réunions à huis clos, mon Bureau s’est penché sur des décisions du bureau du Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée (« CIPVP »), d’Amberley Gavel/Local Authority Services et d’autres personnes ou groupes chargés d’enquêter sur les réunions à huis clos. Bien que non contraignants pour mon Bureau, ces cas peuvent s’avérer informatifs.
Exceptions des réunions à huis clos
Exception des « renseignements privés »
33 Nous avons été informés que le conseil s’était retiré en séance à huis clos en vertu de l’exception des « renseignements privés » à l’alinéa 239 (2) b) de la Loi, car la discussion allait comporter des détails sur l’emploi d’un membre du personnel qui pouvait être identifié.
34 Le CIPVP a conclu généralement que, pour être considérés comme « des renseignements privés », les renseignements doivent porter sur une personne à titre personnel, plutôt que professionnel.[1] Toutefois, des renseignements concernant une personne à titre professionnel peuvent être considérés comme des renseignements privés s’ils révèlent quelque chose de nature personnelle, ou s’ils ont trait à l’examen détaillé de la conduite de cette personne.[2]
35 Dans l’affaire que nous considérons ici, la discussion à huis clos du conseil était centrée sur un employé municipal qui pouvait être identifié. Durant cette discussion, le conseil a délibéré pour déterminer si la meilleure façon de procéder serait de suspendre ce membre du personnel jusqu’à la fin de l’enquête en milieu de travail.
36 La discussion visant à modifier le statut d’emploi ou le rendement professionnel d’un membre du personnel constitue des renseignements privés. La discussion du conseil comprenait des détails sur l’emploi de ce membre du personnel dans le contexte de l’enquête en milieu de travail. Ces renseignements dépassaient le cadre de l’information professionnelle et révélaient des détails personnels inhérents à ce membre du personnel.
37 Dans un rapport à la Ville d’Amherstberg, mon Bureau a conclu que l’exception des renseignements privés s’appliquait à une discussion à huis clos sur des allégations de harcèlement faites par deux employés de la Ville qui pouvaient être identifiés, et sur leurs préoccupations personnelles au sujet de leur milieu de travail.[3]
38 La discussion à huis clos relevait donc de l’exception des « renseignements privés » pour les réunions à huis clos.
Exception des « relations de travail »
39 Bien que l’exception « des relations de travail ou des négociations avec les employés » relative aux réunions publiques n’ait pas été citée dans la résolution adoptée par le conseil pour se retirer à huis clos, cette exception prévue par la Loi s’applique à la discussion à huis clos du 22 décembre 2017, car le conseil discutait de la suspension d’un employé identifié.
40 La portée de l’exception des relations de travail va au-delà des ententes de négociations collectives pour inclure les relations et les conditions de travail.[4] Dans le rapport à la Ville d’Amherstberg, mon Bureau a conclu que les discussions à huis clos sur les décisions relatives au statut d’emploi d’employés municipaux qui pouvaient être identifiés relevaient de l’exception « des relations de travail ou des négociations avec les employés ».[5]
41 Durant cette réunion à huis clos, la discussion du conseil est restée centrée sur le statut d’emploi d’un membre du personnel qui pouvait être identifié. Plus précisément, le conseil a cherché à déterminer s’il devait suspendre temporairement ce membre du personnel dans l’attente du résultat d’une enquête en milieu de travail. Cette discussion relevait de l’exception « des relations de travail ou des négociations avec les employés ».
Avis de la réunion du 22 décembre 2017
42 La Loi ne précise pas comment l’avis des réunions doit être communiqué au public. Cependant, le paragraphe 238 (2.1) stipule que chaque municipalité doit adopter un règlement de procédure prévoyant que des avis seront communiqués au public pour les réunions.
43 L’article 3 du règlement de procédure du Canton stipule que les réunions extraordinaires du conseil se tiendront le troisième jeudi de chaque mois, à 10 h, au besoin, à la demande du préfet. Conformément à l’article 5, le préfet en tant que chef du conseil, peut convoquer une réunion extraordinaire du conseil pour tout moment. Ce pouvoir est assujetti aux règles des avis à communiquer conformément au règlement de procédure, qui exige un préavis d’au moins deux jours pour toute réunion.
44 Le bureau du greffier a la responsabilité d’aviser les membres du conseil de toute réunion extraordinaire au téléphone. L’article 42 du règlement de procédure régit les avis à communiquer au public pour les réunions, y compris pour les réunions extraordinaires, et exige que l’ordre du jour de toute réunion soit affiché dans le bureau du Canton, à l’intention du public, au moins deux jours avant la réunion.
45 Le personnel du Canton nous a dit qu’en plus d’afficher l’ordre du jour dans le bureau du Canton, le personnel a pour habitude d’imprimer et de distribuer des feuillets annonçant les prochaines réunions du conseil dans plusieurs lieux du Canton, notamment au bureau de poste local. Cette pratique n’est pas officialisée dans le règlement de procédure.
46 En ce qui concerne la réunion extraordinaire du 22 décembre 2017, le règlement de procédure exige qu’un avis public de la réunion soit communiqué en affichant l’ordre du jour de la réunion à l’intention du public dans le bureau du Canton au moins deux jours avant la tenue de cette réunion. La réunion du 22 décembre 2017 n’a pas satisfait à cette exigence. Non seulement le préfet a convoqué cette réunion extraordinaire seulement un jour avant la date de ladite réunion, mais d’après les renseignements fournis à mon Bureau, aucun avis au public n’a été affiché dans le bureau du Canton et n’a été communiqué de nulle autre manière dans le Canton.
47 Le préfet a dit à mon Bureau que, ayant constaté que l’avis de la réunion n’avait pas été communiqué au public, il avait décidé néanmoins de tenir cette réunion parce qu’à son avis les circonstances constituaient une situation d’urgence. Le préfet a également dit à mon Bureau que si aucun avis n’avait été communiqué au public pour la réunion du 22 décembre 2017, la faute en incombait aux membres du personnel et non pas au conseil.
48 Le droit qu’ont les citoyens d’assister aux réunions publiques et d’être présents aux délibérations du conseil est le fondement des exigences des réunions publiques municipales. Comme la Cour suprême du Canada l’a conclu dans London (Cité) c. RSJ Holdings Inc., les exigences relatives aux réunions publiques énoncées dans la Loi montrent que le public a « le droit d’observer le déroulement des travaux du gouvernement municipal ».[6] Dans ce cas, bien qu’il incombe généralement au membre du personnel de communiquer un avis des réunions du conseil au public, c’est le conseil qui doit en dernier ressort s’assurer que les règles des réunions publiques sont respectées.
Convocation d’une réunion « d’urgence »
49 La note manuscrite du préfet datée du 21 décembre 2017 fait de la réunion du 22 décembre 2017 une « urgence ». Le préfet a aussi donné une description similaire de la réunion aux membres de mon Bureau pour justifier la tenue d’une réunion extraordinaire, alors qu’il savait qu’aucun avis de cette réunion n’avait été communiqué.
50 En juin 2015, mon Bureau a publié un rapport sur la Municipalité de Magnetawan, dans lequel il a décrit une « urgence » concernant les réunions du conseil comme « des circonstances inattendues qui exigent une mesure immédiate ou urgente ».[7] Dans ce cas, mon Bureau a conclu que l’avis de la réunion d’urgence avait été communiqué au public après la tenue de la réunion à huis clos, contrairement à la Loi et au règlement de procédure de la municipalité.
51 Dans les circonstances présentes, le règlement de procédure du Canton de Tehkummah ne comprend pas de disposition autorisant le préfet à convoquer des réunions d’urgence du conseil. Par conséquent, même si les circonstances étaient jugées urgentes par le Canton, le préfet n’était pas en droit de convoquer une réunion « d’urgence » du conseil avec peu ou pas de préavis.
Autres questions de procédure
52 Durant l’examen de la documentation de la réunion du 22 décembre 2017, mon Bureau a constaté d’autres problèmes de procédure.
53 En juin 2017, mon Bureau a envoyé une lettre au Canton de Tehkummah en réponse à une plainte sur cinq réunions à huis clos tenues par le conseil. Cette lettre préconisait plusieurs pratiques exemplaires visant à renforcer la responsabilisation et la transparence dans le cadre des réunions du Canton, dont des suggestions pour améliorer les procès-verbaux des réunions à huis clos.[8]
54 D’après le procès-verbal d’une réunion tenue par le conseil le 11 juillet 2017, le conseil a reçu la lettre de mon Bureau et a adopté à l’unanimité une motion (résolution no 2017-236) pour intégrer immédiatement les pratiques exemplaires préconisées dans cette lettre à la « politique de procédure » du Canton. Cependant, les membres du conseil à qui mon Bureau a parlé durant la présente enquête n’avaient pas souvenir de recevoir cette lettre et ne savaient pas si le Canton avait mis en œuvre la moindre pratique exemplaire recommandée.
Procès-verbaux des réunions à huis clos
55 Le paragraphe 239 (7) de la Loi stipule qu’une municipalité doit consigner, sans remarque, toutes les résolutions, décisions et autres délibérations de ses réunions.
56 Aucun procès-verbal n’a été dressé lors de la séance à huis clos du 22 décembre 2017. Selon le procès-verbal de la séance publique, qui a été confirmé par les personnes à qui nous avons parlé, la greffière-trésorière adjointe intérimaire n’était pas présente à la séance à huis clos pour dresser un procès-verbal, et personne d’autre ne l'a fait. De plus, nous avons été informés qu’aucun membre du conseil n’avait pris de notes durant la séance à huis clos, sauf pour écrire quelques mots en vue du préambule et de la résolution à adopter en séance publique.
57 Bien que la Loi interdise d’inclure des « remarques » au compte rendu officiel, l’obligation de conserver un compte rendu des réunions devrait être interprétée de manière conforme à l’intention des dispositions des réunions publiques, qui visent à améliorer l’ouverture, la transparence et la responsabilisation du gouvernement municipal.
58 Dans un rapport sur une réunion à huis clos de la Ville d’Ottawa datée de 2009, Douglas R. Wallace, en tant qu’enquêteur chargé des réunions à huis clos, a fait ce commentaire sur le paragraphe 239 (7) en concluant que la Ville d’Ottawa avait omis de faire un compte rendu d’une réunion à huis clos :
Même si le paragraphe 239 (7) de la Loi sur les municipalités ne stipule pas expressément quelles délibérations doivent être prises en note ni n’exige de façon précise qu’un compte rendu soit fait de chaque question posée, il appert que, lorsqu’une question jugée d'une importance suffisante pour se valoir une mention dans la motion de résolution à huis clos, les pratiques exemplaires imposent pour le moins de conserver un compte rendu de ce qui a été statué à ce propos.[9]
59 Dans un rapport daté de novembre 2015 au Canton de Bonfield, mon Bureau a souligné que les renseignements suivants devraient être inclus au procès-verbal d’une réunion :
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lieu de la réunion;
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moment où la réunion a commencé, a été ajournée;
-
personne qui a présidé la réunion;
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personnes présentes à la réunion, avec référence spécifique au greffier et aux autres responsables du compte rendu;
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indication de tout participant qui est parti ou arrivé durant la réunion, avec mention de l’heure de départ ou d’arrivée;
-
description détaillée des questions de fond et de procédure qui ont été discutées, avec référence à tout document considéré;
-
toute motion, avec référence à la personne qui l’a présentée et à celles qui l’ont appuyée;
-
tous les votes, et toutes les directives données.[10]
60 Comme le précise la lettre de mon Bureau envoyée en juin 2017 au Canton de Tehkummah :
Conserver des procès-verbaux complets et exacts des réunions à huis clos permet aux membres du public d’avoir l’assurance que les questions traitées en séance à huis clos se prêtaient à une discussion à huis clos et que les exigences de la Loi sur les municipalités et des règlements locaux ont été respectés.
61 Par conséquent, le Canton de Tehkummah a manqué à son obligation légale de consigner les délibérations tenues par le conseil durant sa réunion à huis clos du 22 décembre 2017.
Délégation des responsabilités de dresser les procès-verbaux
62 Le paragraphe 228 (1) de la Loi stipule qu’une municipalité doit nommer un greffier chargé de consigner les délibérations du conseil. Le paragraphe 228 (4) de la Loi prévoit que le greffier peut déléguer par écrit à toute personne, autre qu’un membre du conseil, tout pouvoir et toute fonction du greffier.
63 Les Local Authority Services ont interprété de manière stricte le paragraphe 228 (1) de la loi. Dans une enquête menée en 2011 sur les réunions à huis clos de la Municipalité de French River, cet enquêteur a conclu que, si ni le greffier ni le greffier adjoint ne dresse de procès-verbal de la réunion, le greffier doit « déléguer ce pouvoir par écrit » ou le conseil doit « nommer un greffier intérimaire en vertu du règlement ».[11]
64 Le 22 décembre 2017, personne n’était présent pour dresser un procès-verbal. Il incombait donc au conseil, conformément au paragraphe 228 (1) de la Loi, de nommer quelqu’un pour dresser le procès-verbal de la séance à huis clos.
65 En omettant de veiller à ce qu’un procès-verbal de la séance à huis soit dressé, le conseil a enfreint le paragraphe 228 (1) de la Loi.
Enregistrement sonore
66 Dans une lettre de mon Bureau datée de juillet 2017, nous avons encouragé le Canton à prendre l'habitude de faire un enregistrement audio ou vidéo des réunions du conseil. Cependant, bien qu’il ait pris la décision de mettre en œuvre les pratiques exemplaires recommandées dans cette lettre, le Canton de Tehkummah ne fait toujours pas d’enregistrement audio ou vidéo des réunions de son conseil.
67 Mon Bureau encourage vivement les municipalités à faire des enregistrements audio ou vidéo des délibérations de leur conseil. C’est le moyen le plus clair et le plus accessible, pour les enquêteurs chargés des réunions à huis clos de procéder à un examen et pour aider les responsables à ne pas s’écarter des exigences juridiques durant les réunions à huis clos. Bon nombre de municipalités ont adopté la pratique exemplaire de faire des enregistrements numériques de leurs réunions à huis clos, par souci d’exactitude.
Opinion
68 Mon enquête a conclu que le conseil du Canton de Tehkummah n’avait pas enfreint la Loi de 2001 sur les municipalités quand il s'était retiré à huis clos le 22 décembre 2017 pour discuter de l’enquête en milieu de travail sur des allégations de harcèlement faites par un membre du personnel. La discussion relevait des exceptions des réunions à huis clos relativement aux « renseignements privés » et aux « relations de travail ».
69 Toutefois, en omettant de donner un avis de la réunion extraordinaire, le conseil a enfreint les exigences des réunions publiques énoncées dans la Loi de 2001 sur les municipalités et dans le règlement de procédure du Canton.
70 De plus, le conseil a omis de veiller à ce qu’un procès-verbal soit dressé de la réunion à huis clos.
71 Le Canton de Tehkummah devrait actualiser son règlement de procédure pour refléter les dispositions des réunions à huis clos énoncées dans la Loi de 2001 sur les municipalités et pour rectifier toute référence à des articles désuets ou abrogés de la Loi de 2001 sur les municipalités. Le Canton de Tehkummah devrait aussi actualiser son règlement de procédure pour officialiser sa pratique générale d’afficher un avis des futures réunions dans divers lieux de la municipalité. Le Canton de Tehkummah devrait aussi envisager d’actualiser son règlement de procédure pour la convocation des réunions d’urgence, et il devrait envisager de faire des enregistrements vidéo ou audio de ses réunions publiques et de ses réunions à huis clos.
Recommandations
72 Je fais les recommandations suivantes pour aider le Canton de Tehkummah à s'acquitter de ses obligations en vertu de la Loi et à renforcer la transparence de ses réunions.
Recommandation 1
Tous les membres du conseil du Canton de Tehkummah devraient faire preuve de vigilance en s’acquittant de leurs obligations individuelles et collectives pour garantir que le conseil se conforme à ses responsabilités en vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités et de son propre règlement de procédure.
Recommandation 2
Tous les membres du conseil du Canton de Tehkummah devraient faire preuve de vigilance en s’acquittant de leurs obligations pour garantir qu’un préavis suffisant est donné au public pour toutes les réunions du conseil, y compris pour les réunions extraordinaires, conformément à la Loi de 2001 sur les municipalités et à son propre règlement de procédure.
Recommandation 3
Le Canton de Tehkummah devrait officialiser, dans son règlement de procédure, sa pratique générale d’afficher un avis public de ses futures réunions dans divers lieux de la municipalité.
Recommandation 4
Le Canton de Tehkummah devrait inclure à son règlement de procédure des dispositions concernant la convocation des réunions d’urgence.
Recommandation 5
Le Canton de Tehkummah devrait revoir et modifier en profondeur son règlement de procédure pour qu’il reflète fidèlement les dispositions des réunions publiques énoncées dans la Loi de 2001 sur les municipalités, et veiller à ce que son règlement de procédure ne fasse pas de référence à des lois abrogées.
Recommandation 6
Le Canton de Tehkummah devrait veiller à ce que des procès-verbaux de séances publiques et de séances à huis clos soient conservés pour toutes les réunions de son conseil, de ses conseils locaux et de leurs comités respectifs.
Recommandation 7
Le Canton de Tehkummah devrait veiller à ce que les procès-verbaux des réunions soient complets et reflètent avec exactitude toutes les questions de fond et de procédure qui ont été discutées.
Recommandation 8
Le Canton de Tehkummah devrait mettre en œuvre la pratique de faire des enregistrements audio ou vidéo de ses séances publiques et à huis clos.
Rapport
73 Le Canton a eu la possibilité d’examiner une version préliminaire de ce rapport et de la commenter pour notre Bureau. Nous avons tenu compte des commentaires reçus dans la préparation de ce rapport final. Le préfet du Canton nous a dit qu’il reconnaissait que l’absence de procès-verbal des réunions à huis clos était une erreur, et que le Canton améliorera ses procédures pour s’acquitter de ses obligations légales à l’avenir.
74 Mon rapport devrait être communiqué au conseil et mis à la disposition du public dès que possible, au plus tard lors de la prochaine réunion du conseil.
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Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario
[1] Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletCIPVP, Ordonnance MO-2204, (22 juin 2007) en ligne.
[2] Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletCIPVP, Ordonnance MO-2368, (26 novembre 2008) en ligne et CIPVP, Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletOrdonnance MO-2519, (29 avril 2010) en ligne.
[3] Ombudsman de l’Ontario, Enquête sur des réunions à huis clos tenues par le Conseil de la Ville d’Amherstburg le 10 janvier et le 2 juin 2015 (novembre 2015), en ligne.
[4] Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletOrdonnance MO-2997 (15 janvier 2014) en ligne.
[5] Supra, note 3.
[6] London (Cité) c. RSJ Holdings Inc., [2007], 2 RCS 588, par. 32
[7] Ombudsman de l’Ontario, Enquête visant à déterminer si le Conseil de la Municipalité de Magnetawan a tenu des réunions à huis clos illégales le 28 février et le 4 mars 2015 (juin 2015), en ligne.
[8] Lettre de l’Ombudsman de l’Ontario, « Plainte reçue par l’Ombudsman de l’Ontario sur des réunions à huis clos du Canton de Tehkummah », (16 juillet 2017), en ligne.
[9] Douglas Wallace, Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletRapport au Conseil municipal d’Ottawa concernant l’enquête sur la réunion à huis clos du Conseil municipal d’Ottawa tenue le 28 janvier 2009 (mars 2009), en ligne.
[10] Ombudsman de l’Ontario, Enquête sur l’allégation que le Comité des travaux publics du Canton de Bonfield a enfreint la Loi de 2001 sur les municipalités le 19 mai et le 2 juin 2015 (novembre 2015), en ligne.
[11] Amberley Gavel/Local Authority Services, Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletComplaint re January 14, February 2,4, and 10, 2011 (mars 2011), en ligne.