Enquête sur des plaintes à propos de réunions tenues par le Conseil de la Ville d’Amherstburg les 14 et 26 octobre 2015,et de discussions par courriel durant décembre 2014 et janvier 2015
Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario
Juillet 2016
Plainte
1 Mon Bureau a reçu une plainte alléguant que le Conseil de la Ville d’Amherstburg avait discuté de l’approbation des comptes créditeurs de la Ville par courriel durant décembre 2014 et janvier 2015, en violation des règles des réunions publiques énoncées dans la Loi de 2001 sur les municipalités (la Loi).
2 Nous avons aussi reçu des plaintes alléguant que le Conseil de la Ville d’Amherstburg avait discuté en séances à huis clos les 14 et 26 octobre 2015 de points qui ne relevaient pas des exceptions aux règles des réunions publiques.
Compétence de l’Ombudsman
3 En vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités, toutes les réunions d'un conseil municipal, d'un conseil local, et des comités d'un conseil doivent se tenir en public, sous réserve des exceptions prescrites.
4 Depuis le 1er janvier 2008, la Loi accorde aux citoyens le droit de demander une enquête visant à déterminer si une municipalité s'est dûment retirée à huis clos en vertu de la Loi. Les municipalités peuvent désigner leur propre enquêteur ou recourir aux services de l'Ombudsman de l'Ontario. La Loi fait de l'Ombudsman l'enquêteur par défaut dans les municipalités qui n'ont pas désigné leur propre enquêteur.
5 L'Ombudsman est chargé d'enquêter sur les réunions à huis clos dans la Ville d’Amherstburg.
6 Lorsque nous enquêtons sur les plaintes à propos de réunions à huis clos, nous déterminons si les exigences des réunions publiques énoncées dans la Loi et le Règlement municipal de procédure ont été respectées.
Processus d’enquête
7 Le 4 mars 2016, nous avons informé la Ville que nous avions l’intention d’enquêter sur ces plaintes. L’Équipe d’application de la loi sur les réunions publiques (OMLET) de mon Bureau a examiné le Règlement de procédure de la Ville. Nous avons obtenu et examiné les courriels échangés par les membres du Conseil et du personnel en décembre 2014 et en janvier 2015, ainsi que divers documents pertinents relatifs aux réunions, datant de cette période. Nous avons interviewé le maire et tous les membres du Conseil, de même que la greffière, le directeur général (DG) et le directeur des services internes qui est aussi le trésorier, et qui était directeur des services financiers de la Ville à l’époque de l’échange de courriels (dans ce rapport, nous faisons référence à lui en tant que directeur des services financiers, car c’est le titre qu’il avait alors). De plus, nous avons examiné la documentation des réunions du Conseil des 14 et 26 octobre 2015, dont des enregistrements sonores des deux réunions que nous avait fournis la Ville, et nous avons obtenu de plus amples renseignements à propos de ces réunions durant nos entrevues.
8 Mon Bureau a obtenu une pleine collaboration dans ce dossier.
Procédures du Conseil
9 Le Règlement de procédure de la Ville stipule que le chef du Conseil, ou le DG, peut convoquer en tout temps une réunion extraordinaire du Conseil.
10 Le Règlement de procédure énonce aussi les exigences des réunions publiques et stipule que seules les questions concernées par les dispositions inscrites aux paragraphes 239 (2), (3) et (3.1) de la Loi peuvent être discutées à huis clos.
Échanges de courriels en décembre 2014 et janvier 2015
Contexte
11 Lors de sa réunion d’inauguration le 1er décembre 2014, le nouveau Conseil de la Ville a reporté une motion visant à désigner les pouvoirs de signature des chèques. Lors d’une réunion extraordinaire le 10 décembre, le Conseil a adopté le Règlement 2014-127 faisant du maire et de l’adjoint au maire les fondés de pouvoir autorisés à signer les chèques au nom de la Ville, et révoquant une obligation antérieure voulant que les approbations bancaires viennent du maire ou de l’adjoint au maire, ainsi que d’un membre désigné du personnel de direction.
12 Le directeur des services financiers a fait un rapport au Conseil le 11 décembre 2014, indiquant que le fait de nommer uniquement le maire et l’adjoint au maire en tant que fondés de pouvoir pour la signature des chèques restreindrait la capacité du personnel à effectuer efficacement les opérations quotidiennes de la municipalité. Le rapport soulignait que restreindre les pouvoirs bancaires à ces deux membres du Conseil nuirait à la capacité des comptables professionnels employés par la Ville à effectuer les fonctions clés de leurs emplois, comme les virements de paies hebdomadaires et les paiements du Régime de retraite des employés municipaux de l’Ontario (OMERS) et des factures d’électricité de la Ville. Le rapport précisait aussi qu’il faudrait former le maire et l’adjoint au maire à l’utilisation du logiciel d’opérations bancaires de la Ville et que tous deux devraient être disponibles pour effectuer les opérations quotidiennes en ville. Le rapport ajoutait que le Règlement amoindrissait les contrôles financiers mis en place dans la Ville en éliminant le rôle de surveillance de cadres supérieurs.
13 Le rapport indiquait qu’au 11 décembre, des chèques d’un total de 611 998,79 $ de la Ville étaient en attente de signature.
14 Le 15 décembre 2014, le Conseil a adopté la motion suivante :
Il est résolu de demander à l’Administration de donner au Conseil l’occasion, chaque mois, d’examiner, de discuter et d’approuver les comptes créditeurs avant leur paiement, exception faite des paiements obligatoires comme les factures d’électricité, les salaires négociés, le procureur général, les avantages sociaux, les assurances et les paiements OMERS.
15 Durant les entrevues, nous avons été informés qu’avant les décisions prises par le Conseil les 10 et 15 décembre, un registre montrant toutes les dépenses municipales était régulièrement présenté au Conseil, mais uniquement à des fins d’information. Le personnel pouvait payer les montants dus par la Municipalité conformément au budget approuvé par le Conseil et les politiques d’approvisionnement de la Ville sans attendre l’approbation du Conseil. Avec l’adoption de la résolution du 15 décembre, le Conseil a interdit au personnel de payer tout montant dû, aussi petit soit-il, sans obtenir au préalable l’approbation du Conseil.
Échanges de courriels
16 Le 17 décembre 2014, le DG de la Ville a envoyé un courriel à tout le Conseil pour proposer un nouveau processus d’approbation des comptes créditeurs. Il a suggéré qu’un résumé des paiements proposés soit envoyé au Conseil chaque semaine ou toutes les deux semaines. Si un membre du Conseil avait une préoccupation ou une question à propos d’une dépense, il pourrait communiquer avec le directeur des services financiers et le paiement serait mis en attente. Si une dépense ne soulevait aucune question, le personnel pourrait fournir un chèque à signer par les fondés de pouvoir de la Ville.
17 Dans son courriel, le DG a demandé au Conseil d’approuver l’émission de chèques pour une liste de comptes créditeurs spécifiés, jointe en annexe au courriel. Il a demandé aux membres du Conseil de lui répondre avant la fin de la journée le 19 décembre, soit pour approuver les dépenses, soit pour poser des questions au sujet de certaines d’entre elles. Il a déclaré : « [L]a prochaine réunion [du Conseil] est le 12 janvier 2015 et remettre tous les paiements non obligatoires jusqu’après cette date pourrait causer des difficultés à certains de nos fournisseurs. »
18 Plus tard le 17 décembre, le directeur des services financiers a envoyé un courriel au DG et à tout le Conseil. Il leur a fourni une copie des chèques et des virements de fonds électroniques de la journée. Il a demandé au Conseil de lui répondre avant la fin de la journée le 19 décembre, pour qu’il puisse « émettre les chèques en temps opportun ». Le directeur des services financiers nous a dit que des sommes importantes étaient dues à divers fournisseurs alors, et que retarder les paiements pourrait créer de sérieux problèmes pour la Ville.
19 Quelques heures plus tard, un conseiller a répondu au courriel du DG, se disant préoccupé par une dépense particulière de la liste des comptes créditeurs. Le directeur des services financiers a répondu à ce conseiller, avec copie à tout le Conseil, au DG et à la greffière adjointe. Il a expliqué la dépense signalée par ce conseiller.
20 Le 18 décembre, un autre conseiller a fait écho aux préoccupations exprimées par le premier conseiller à propos d’une dépense particulière à régler. Le DG a répondu à ce courriel, donnant des éclaircissements à propos de ce montant à régler et expliquant les règles régissant de telles dépenses. Le 19 décembre, le conseiller a répondu au DG pour le remercier de cette explication.
21 Le 20 décembre, l’adjoint au maire a écrit au directeur des services financiers et au DG demandant qu’un paiement soit versé à une entreprise particulière, et expliquant que celle-ci avait besoin d’être payée pour des services rendus à la Ville afin de pouvoir payer ses employés.
22 Aucun autre courriel n’a été échangé à ce sujet jusqu’au 5 janvier 2015, quand le directeur des services financiers a de nouveau envoyé un courriel au Conseil et au DG. Il a fait savoir qu’il n’avait pas reçu l’approbation nécessaire pour émettre tous les chèques non essentiels et a demandé que les conseillers lui répondent en indiquant l’une de ces trois options :
-
Approbation de tous les chèques
-
Approbation à l’exception de certains chèques – autres renseignements requis, ou
-
Pas d’approbation de chèques
23 Dans son courriel, le directeur a fait savoir que la Ville commençait à recevoir des appels de fournisseurs inquiets et qu’il aimerait recevoir une réponse avant la réunion du Conseil le 12 janvier 2015. Il a déclaré ceci : « Nous mettrons toutes les communications par courriel sur la question dans un rapport destiné au public le 12 janvier 2015. »
24 L’adjoint au maire Bart DiPasquale a répondu au directeur par courriel, disant : « À moins que certains ne doivent pas être payés, j’approuve le paiement de tous les chèques. »
25 Le conseiller Jason Lavigne a aussi répondu directement au directeur, disant : « J’approuve l’émission de tous les chèques. »
26 Le conseiller Leo Meloche a répondu au directeur, au DG et à tout le Conseil disant qu’il était « d’accord avec l’émission des chèques », mais voulait parler d’une question concernant « l’achat de chemises polo » à la prochaine réunion.
27 Le directeur nous a dit qu’il avait considéré que la décision du maire de signer les chèques constituait son approbation des dépenses en question, telles qu’elles avaient été approuvées par quatre membres du Conseil. Le maire a confirmé cette interprétation, expliquant qu’il avait exprimé son approbation des dépenses en signant les chèques.
28 Le directeur a confirmé que la Ville avait émis un grand nombre de chèques le 8 janvier 2015.
Réunion du Conseil le 12 janvier 2015
29 Le Conseil de la Ville d’Amherstburg a tenu une réunion ordinaire à 19 h le 12 janvier 2015. La documentation de l’ordre du jour distribuée avant la réunion incluait un rapport des services financiers daté du 17 décembre 2014, du directeur des services financiers de la Ville.
30 Le rapport indique qu’en raison de l’approche des Fêtes et des retards potentiels d’envoi des chèques, le personnel a envoyé par courriel au Conseil le rapport des comptes créditeurs pour la période du 1er au 17 décembre. Le personnel a demandé que le Conseil approuve l’émission des chèques pour les factures impayées.
31 Le rapport précise que l’émission des chèques « a été approuvée par la majorité des membres par courriel ». Il inclut des copies de la correspondance par courriel, comme résumé ci-dessus, ainsi que les documents des comptes créditeurs.
32 D’après le procès-verbal de la réunion du Conseil le 12 janvier, celui-ci a discuté du rapport sur les comptes créditeurs du 1er au 17 décembre. Il a voté pour prendre acte du rapport et pour modifier sa motion précédente afin d’examiner le rapport de comptes créditeurs non pas chaque mois mais deux fois par mois, comme le personnel l’avait recommandé. Le Conseil ne semble pas avoir voté pour approuver l’émission de chèques pour les factures impayées.
Analyse
33 La Loi de 2001 sur les municipalités définit ainsi une réunion : « Réunion ordinaire, extraordinaire ou autre d’un conseil municipal, d’un conseil local ou d’un comité de l’un ou de l’autre »[1]. Cette définition est circulaire et ne s’avère pas particulièrement utile pour déterminer si une réunion a eu lieu.
34 Dans un rapport de 2008[2], conformément aux objectifs sous-jacents des lois sur les réunions publiques et de la jurisprudence pertinente, notre Bureau a conçu une définition pratique de « réunion » pour faciliter l’interprétation de la définition donnée dans la Loi :
Les membres du Conseil (ou d’un comité) doivent se rassembler en vue d’exercer le pouvoir ou l’autorité du Conseil (ou du comité), ou dans le but de faire le travail préparatoire à l’exercice de ce pouvoir ou de cette autorité[3].
35 Cette définition appuie les principes sous-jacents des règles des réunions publiques et renforce le droit qu’a le public d’observer le processus suivi par le gouvernement municipal[4].
36 Une réunion du Conseil n’est pas strictement une rencontre physique de ses membres. En fait, une réunion peut se produire chaque fois que le Conseil exerce son pouvoir, y compris par courriel.
37 Dans le cadre d’une enquête en avril 2008, notre Bureau a examiné si une série d’appels téléphoniques entre la mairesse et chacun des conseillers du Canton de Nipissing pouvaient être considérés comme une « réunion » aux termes des exigences des réunions publiques[5]. Dans ce cas, la mairesse avait convoqué une réunion extraordinaire du Conseil puis avait téléphoné à chacun des conseillers. Durant ces conversations, il n’y avait jamais eu quorum du Conseil dans la même pièce, pas plus qu’au téléphone. Cependant, à la suite des appels téléphoniques, le Conseil était parvenu collectivement à un consensus pour approuver des suppléments de coûts concernant l’achat d’un véhicule de lutte contre les incendies. Notre rapport a fait cette observation :
Ce n’est pas forcément la forme d’une réunion, mais sa teneur qui devrait être déterminante. D’après moi, une réunion de conseil municipal n’est pas strictement un rassemblement physique de ses membres. Une suite d’appels téléphoniques passés auprès des membres du conseil pour exercer le pouvoir ou l’autorité du conseil ou pour faire le travail préparatoire afin d’exercer ce pouvoir ou cette autorité peut constituer une réunion...[6]
38 De même, une série de courriels échangés par des membres du Conseil dans le but d’exercer le pouvoir ou l’autorité du Conseil, ou pour faire le travail préparatoire à l’exercice de ce pouvoir ou de cette autorité, peut aussi constituer une réunion aux termes des exigences des réunions publiques énoncées dans la Loi.
39 Dans un rapport de mai 2015 à propos du Canton de Leeds et les Mille-Îles, notre Bureau a conclu qu’une série de courriels échangés par des conseillers élus, avant d’être assermentés, avaient fait un travail préparatoire à de futures décisions du Conseil, et auraient enfreint la Loi sur les municipalités si le Conseil avait alors été en fonction. En juin 2015 dans un rapport à propos de ce même Canton, nous avons conclu que des courriels échangés par des membres du Conseil avaient fait un travail préparatoire à une future décision du Conseil, mais que cet échange n’avait pas constitué une réunion car les courriels n’avaient pas été reçus par un quorum du Conseil.
40 Les Local Authority Services (LAS) ont également conclu qu’une série de courriels pouvait constituer une réunion aux termes des règles des réunions publiques. Dans un rapport de septembre 2015 à propos du Canton de The Archipelago, Amberley Gavel, au nom des LAS, a examiné des courriels envoyés par le préfet aux conseillers pour déterminer et approuver des critères de décision au sujet de la prochaine fête de Noël pour le personnel. Amberley Gavel a mis en garde le Canton sur le fait de tenir des « discussions préalables à une réunion » par courriel ou par tout autre « moyen non public ». Son rapport déclare : « … Nous considérons que ces formes de "discussions préalables à une réunion" constituent des réunions aux termes de la Loi… Prédéterminer des points qui seront discutés lors de futures réunions, par échanges de courriels ou lors d’autres forums non publics, n’est pas un moyen ouvert et transparent de communiquer, et constitue une violation de la Loi. »[7]
41 Tous les courriels envoyés à un quorum du Conseil ne constituent pas forcément une réunion aux termes des règles des réunions publiques. Dans une lettre de janvier 2013 au sujet de la Municipalité de Leamington, nous avons cherché à déterminer si un courriel envoyé par le maire à un membre du public, avec copie à tout le Conseil, constituait une réunion. Notre Bureau a écrit alors que « … les dispositions de la Loi n’avaient pas pour but d’interdire aux membres du Conseil de communiquer avec leurs électeurs et de répondre à leurs demandes de renseignements ». Dans ce cas, rien n’indiquait que le Conseil ait discuté la question, ni fait un travail préparatoire à de futures décisions.
42 Les courriels échangés par le Conseil d’Amherstburg ont été envoyés à tout le Conseil. Ils portaient sur une décision à prendre par le Conseil, à savoir l’approbation de paiements en attente identifiés par le personnel. Les courriels ont fait plus qu’un simple travail de préparation à une décision, étant donné que le Conseil a décidé d’approuver les dépenses par un échange de courriels. Le rapport du personnel ensuite présenté au Conseil déclarait ceci : « Le rapport de comptes créditeurs pour la période du 1er au 17 décembre 2014 [sic] présenté au maire et aux membres du Conseil, pour examen, a été approuvé par la majorité des membres par une correspondance courriel ».
43 L’échange de courriels entre les membres du Conseil de la Ville d’Amherstburg pour approuver les comptes créditeurs et émettre des chèques a constitué une réunion du Conseil qui s’est tenue à huis clos, contrairement aux règles des réunions publiques.
44 Le directeur des finances nous a dit que si lui et le DG n’avaient pas pris de mesures pour garantir le bon déroulement des transactions financières de la Ville, 43 jours se seraient écoulés sans le moindre paiement émis par celle-ci. Le DG nous a dit que le personnel estimait qu’il était important de régler les factures municipales promptement, car il n’aurait pas été juste de faire attendre les fournisseurs jusqu’après la prochaine réunion prévue pour le Conseil.
45 Bien que le Règlement de la Ville stipule que le chef du Conseil ou le DG peut convoquer une réunion extraordinaire en tout temps, le DG nous a déclaré qu’en raison de l’approche des Fêtes, il n’était pas certain que les avis exigés par le Règlement pourraient être communiqués, et il a ajouté qu’à son avis, la réunion n’aurait pas pu être qualifiée d’urgence. Il a ajouté que lui et le directeur des finances étaient relativement nouveaux à leurs postes, à cette époque, et cherchaient surtout à s’assurer que les fournisseurs seraient payés. De plus, durant tous les échanges de courriels, la greffière de la Ville était en congé pour des raisons personnelles.
Réunion du 14 octobre 2015
46 L’ordre du jour de la réunion ordinaire du Conseil le 14 octobre 2015 incluait une séance extraordinaire à huis clos pour discuter de trois questions, dont « POINT C - Remboursement de frais juridiques », en vertu de l’exception à l’alinéa 239 (2) b) pour les renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée. Ce point fait l’objet de la plainte reçue par notre Bureau.
47 Un rapport confidentiel du personnel a été remis au Conseil, décrivant le contexte d’une demande de remboursement de frais juridiques et donnant des renseignements sur les politiques et règlements municipaux applicables. D’après le rapport, le personnel a sollicité des conseils juridiques externes sur la question, et le rapport inclut une copie de ces conseils juridiques.
48 De plus, la copie d’une lettre provenant d’un avocat de la personne qui demandait le remboursement a été remise au Conseil. Cette lettre indiquait que la personne avait retenu les services de l’avocat et précisait les honoraires à payer.
49 La réunion ordinaire du Conseil le 14 octobre 2015 a commencé à 18 h 02 dans la salle du Conseil. À 19 h 13, le Conseil a résolu de se retirer à huis clos pour discuter de quatre questions, dont la suivante :
C. Remboursement de frais juridiques – alinéa 239 (2) b), renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée.
50 Quand la réunion à huis clos a commencé, six membres du Conseil composé de sept membres étaient présents. L’un des conseillers a quitté la réunion à 20 h 15, avant le début de la discussion du point C par le Conseil. Le conseiller Richard Fryer a fait savoir qu’il avait un intérêt pécuniaire dans le point C et il a quitté la réunion de 20 h 40 à 20 h 45, durant la discussion de ce point à l’ordre du jour. Par conséquent, seuls quatre membres du Conseil étaient présents durant la discussion du point C.
51 Durant la discussion, l’un des conseillers a suggéré de reporter la discussion du point C à la prochaine réunion à huis clos, étant donné que trois membres du Conseil étaient absents. Le président a déclaré que le Conseil voterait au sujet du report, quand il reprendrait sa séance publique.
52 Le Conseil a alors brièvement discuté du point C. Le personnel a répondu à des questions des conseillers et a répété les conseils juridiques donnés dans son rapport confidentiel.
53 La séance à huis clos a été levée à 21 h 12.
54 Le Conseil a voté en séance publique pour remettre la discussion sur le remboursement des frais juridiques à sa prochaine réunion à huis clos.
55 La réunion du Conseil s’est terminée à 21 h 25.
Analyse
56 Le Conseil a cité l’exception à l’alinéa 239 (2) b) pour des « renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée » en vue de discuter du point C, demande de remboursement de frais juridiques. Comme expliqué ci-dessous, la discussion ne relevait pas de l’exception des renseignements privés, mais relevait de celle du secret professionnel de l’avocat, à l’alinéa 239 (2) f).
Exception des renseignements privés
57 Bien que la Loi de 2001 sur les municipalités ne définisse pas précisément l’expression « renseignements privés », le Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée a rendu plusieurs ordonnances qui évaluent et déterminent les types de renseignements à considérer comme privés. Les décisions du Commissaire, bien que non contraignantes pour notre Bureau, peuvent s’avérer instructives.
58 Le Commissaire a conclu que, « pour constituer des renseignements personnels en vertu de la Loi, les renseignements doivent porter sur un particulier à titre personnel »[8]. Les renseignements à propos d’un particulier donnés à titre professionnel, officiel ou commercial ne constituent pas des renseignements personnels, sauf s’ils révèlent quelque chose de nature personnelle à propos de ce particulier.
59 Dans ce cas, le Conseil cherchait à déterminer s’il devait indemniser une personne pour des frais occasionnés par l’exercice de ses fonctions officielles pour la Ville. Les renseignements n’étaient pas donnés à propos de cette personne à titre personnel, mais plutôt à titre officiel. Par conséquent, la discussion ne relevait pas de l’exception des renseignements privés à l’alinéa 239 (2) b) de la Loi.
Exception pour le secret professionnel de l’avocat
60 Bien que la Ville n’ait pas cité cette exception dans la résolution adoptée pour se retirer à huis clos, nous avons cherché à déterminer si la discussion relevait de cette exception énoncée à l’alinéa 239 (2) f) pour des conseils protégés par le secret professionnel de l’avocat.
61 La Cour suprême du Canada a conclu que le secret professionnel de l’avocat s’applique quand une communication entre un avocat et son client a pour but une consultation ou un avis juridique, et que la communication doit rester confidentielle entre les deux parties[9].
62 Le rapport du personnel au Conseil comprenait une correspondance d’un avocat externe de la Ville qui donnait des conseils au sujet de la demande de remboursement de frais juridiques. Durant la réunion, le personnel a fourni des renseignements qui reflétaient les conseils donnés par l’avocat.
63 Le Conseil a reçu des conseils juridiques, par écrit, d’un avocat de la Ville en prévision de leur examen lors d’une réunion confidentielle. Par conséquent, les conseils, et la discussion de ces conseils, relevaient du secret professionnel de l’avocat et cadraient avec l’exception énoncée à l’alinéa 239 (2) f).
Réunion du 26 octobre 2015
64 L’ordre du jour de la réunion ordinaire du Conseil qui s’est tenue à 18 h le 26 octobre 2015 indique qu’une réunion extraordinaire aurait lieu à huis clos pour discuter de deux points, dont le « remboursement de frais juridiques » en vertu de l’exception énoncée à l’alinéa 239 (2) b) pour des renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée. Ce point a fait l’objet de la plainte reçue par notre Bureau.
65 La réunion ordinaire du Conseil a commencé à 18 h 03, dans la salle du Conseil.
66 Le Conseil a adopté une résolution à 19 h 30 pour se retirer à huis clos afin de discuter de deux points, dont le point B « Remboursement de frais juridiques » en vertu de l’alinéa 239 (2) b).
67 Le procès-verbal de la réunion publique indique que le Conseil a fait une pause avant de se retirer à huis clos à 19 h 43. Avant le début de la séance à huis clos, le conseiller Richard Fryer a déclaré qu’il avait un intérêt pécuniaire relativement au point B. Selon le procès-verbal, il a quitté la réunion à 20 h 34, quand le Conseil a commencé à discuter du remboursement de frais juridiques.
68 Le Conseil a discuté du point B de 20 h 34 à 21 h 12. Nous avons examiné le procès-verbal de la séance à huis clos et écouté un enregistrement sonore de la réunion pour déterminer le contenu des discussions.
69 À huis clos, les membres du Conseil ont parlé de la personne qui avait présenté cette demande de remboursement. Ils se sont interrogés sur les circonstances qui avaient mené à cette demande, et ont évoqué des anecdotes personnelles à propos de circonstances similaires qu’ils avaient vécues dans leur vie personnelle. Ils ont aussi parlé d’autres personnes qui n’avaient aucun rôle officiel dans la Municipalité.
70 Dans le cadre des discussions à propos de cette personne et de leurs anecdotes personnelles, les membres du Conseil ont examiné l’applicabilité de la politique d’indemnisation de la Ville et de la Loi sur les municipalités à la demande. Ils ont fait référence à des cas antérieurs où certaines personnes avaient été remboursées en vertu de la politique.
71 Le Conseil a décidé qu’aucun rapport ne serait fait au public à ce sujet après la séance à huis clos.
72 Le Conseil a repris sa séance publique à 21 h 12. Le procès-verbal indique qu’il a déclaré que, pour le remboursement de frais juridiques, « il n’y a rien à ajouter à cet égard ». La réunion s’est terminée à 21 h 14.
Analyse
73 Une fois de plus, le Conseil a invoqué l’exception des « renseignements privés » pour discuter d’une demande de remboursement de frais juridiques à huis clos. Comme indiqué auparavant, l’exception des renseignements privés ne s’applique pas aux personnes à titre professionnel ou officiel, sauf si quelque chose de personnel est révélé à leur sujet.
74 Le 26 octobre, des renseignements personnels ont été divulgués tout au long de la discussion du point B à huis clos. Les membres du Conseil ont évoqué des anecdotes et des expériences personnelles. Les conseillers se sont interrogés sur les circonstances personnelles de la personne qui avait fait la demande. Le Conseil a aussi discuté des répercussions potentielles sur des personnes qui n’avaient pas de poste officiel dans la Municipalité. Ces discussions portaient sur des renseignements privés, aux termes de la Loi.
75 De temps à autre, durant la discussion des renseignements privés, le personnel a parlé de l’applicabilité de la politique d’indemnisation de la Ville et de la Loi sur les municipalités à la demande de remboursement de frais juridiques examinée par le Conseil. Ces parties de la discussion reflètent le point inscrit à l’ordre du jour, décrit dans le rapport du personnel, et mentionné dans la résolution adoptée pour se retirer à huis clos.
76 À elle seule, la discussion visant à décider de rembourser ou non des frais juridiques à un particulier conformément à la politique municipale et à la Loi sur les municipalités ne relève d’aucune des exceptions de la Loi.
77 En revanche, la discussion du point B par le Conseil était si fournie en renseignements privés qu’il n’est pas certain que les deux sujets auraient pu aisément être séparés.
78 Lors d’entrevues, certains membres du Conseil nous ont dit qu’à leur avis, ces discussions personnelles avaient influé sur leur décision quant à la demande de remboursement. Toutefois, lors d’autres entrevues, nous avons été avisés que la question du remboursement aurait pu être discutée sans qu’aucun renseignement personnel ne soit divulgué, si les membres du Conseil avaient usé de leur discrétion. Selon le personnel, ce sujet n’aurait pas pu être discuté en séance publique sans que les conseillers incluent des renseignements privés confidentiels à la discussion.
79 Par conséquent, même si le sujet énoncé dans la résolution n’aurait pas dû relever d’une quelconque exception des réunions à huis clos, la discussion relevait de l’exception des renseignements privés à l’alinéa 239 (2) b) de la Loi étant donné que le Conseil a élargi la discussion à des questions personnelles.
80 Il est compréhensible que, dans certains cas, le Conseil ait besoin de discuter de renseignements privés connexes, ou de répercussions, pour rendre en toute connaissance de cause une décision sur une question donnée, même si cette question ne relève pas d’elle-même des exceptions relatives aux discussions à huis clos énoncées dans la Loi. Toutefois, dans l’intérêt de la transparence, j’aimerais recommander au Conseil de tenter dans toute la mesure du possible de veiller individuellement et collectivement à ce que la discussion à huis clos reste centrée sur les questions relevant des exceptions de la Loi, conformément à la résolution adoptée pour se retirer à huis clos.
81 De plus, le Conseil devrait veiller à ne pas inclure de renseignements confidentiels ou personnels non essentiels à ses discussions de questions qui sont généralement débattues en séance publique car elles ne relèvent pas, à elles seules, des exceptions de la Loi. Le personnel ne devrait pas sentir le besoin de traiter à huis clos des questions qui ne relèvent pas des exceptions de la Loi pour éviter que le Conseil ne divulgue par inadvertance des renseignements confidentiels.
Opinion
82 Mon enquête a conclu que le Conseil de la Ville d’Amherstburg a enfreint la Loi de 2001 sur les municipalités et le Règlement de procédure de la Municipalité quand il a approuvé par courriel des comptes créditeurs en décembre 2014 et janvier 2015. La discussion et l’approbation collectives des comptes par le Conseil, par courriel, ont constitué une réunion aux termes de la Loi sur les municipalités – réunion qui s’est tenue à huis clos mais ne relevait d’aucune des exceptions permises par la Loi.
83 Le 14 octobre 2015, l’exception des renseignements privés à l’alinéa 239 (2) b) qui a été citée dans la résolution adoptée pour se retirer à huis clos ne s’appliquait pas à la discussion du remboursement de frais juridiques. En revanche, la discussion du Conseil relevait de l’exception à l’alinéa 239 (2) f) pour des conseils protégés par le secret professionnel de l’avocat.
84 Le 26 octobre 2015, la discussion du Conseil relevait de l’exception des renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée, énoncée à l’alinéa 239 (2) b), uniquement car le Conseil a parlé d’autres renseignements privés durant toute la discussion. S’il s’en était tenu au point indiqué dans la résolution, la discussion n’aurait relevé d’aucune des exceptions aux règles des réunions publiques.
Recommandations
86 Je fais les recommandations suivantes pour aider la Ville d’Amherstburg à améliorer ses pratiques de réunions publiques.
Recommandation 1
Tous les membres du Conseil de la Ville d’Amherstburg devraient s’acquitter avec vigilance de leurs obligations individuelles et collectives garantissant ainsi que la Ville se conforme à ses responsabilités en vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités et de son propre Règlement de procédure.
Recommandation 2
Les membres du Conseil de la Ville d’Amherstburg devraient éviter d’exercer le pouvoir ou l’autorité du Conseil, ou de faire un travail préparatoire en ce sens, par courriel.
Recommandation 3
La Ville d’Amherstburg devrait veiller à ne discuter d’aucun sujet à huis clos, à moins qu’il ne relève clairement de l’une des exceptions de la Loi aux exigences des réunions publiques.
Recommandation 4
Le Conseil de la Ville d’Amherstburg devrait veiller, individuellement et collectivement, à restreindre ses discussions à huis clos aux questions relevant des exceptions légales en vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités.
Rapport
87 La Municipalité a eu la possibilité d’examiner une version préliminaire de ce rapport et de la commenter pour notre Bureau. Nous avons tenu compte des commentaires reçus dans la préparation de ce rapport final.
88 Mon rapport devrait être communiqué au Conseil et mis à la disposition du public dès que possible, au plus tard à la prochaine réunion du Conseil.
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Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario
[1] Loi de 2001 sur les municipalités, L.O. 2001, chapitre 25, paragraphe 238 (1).
[2] Ombudsman de l’Ontario, Porte ouverte sur le scandale des billets du concert d’Elton John (25 avril 2008), en ligne.
[3] Ibid, paragraphes 54-60.
[4] London (City) c. RSJ Holdings Inc., [2007] 2 R.C.S. 588, 2007 CSC 29 par. 32; Southam Inc. v. Ottawa (City) (1991), 5 O.R. (3d) 726 (Ont. Div. Ct.) par. 12-18; Southam Inc. v. Hamilton-Wentworth Economic Development Committee (1988), 66 O.R. (2d) 213 (Ont. C.A.) par. 9-12.
[5] Ombudsman Ontario, Enquête sur la réunion spéciale du Conseil du Canton de Nipissing le 25 avril 2008 (6 février 2009), en ligne.
[6] Ibid, paragraphes 29-30.
[7] Local Authority Services, Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletReport to the Council of the Township of the Archipelago Regarding the Investigation of Closed Meetings of the Council of the Township of the Archipelago and Council’s Human Resources Committee (septembre 2015) à 14, en ligne.
[8] CIPVP Ordonnance MO-2368, 26 novembre 2008.
[9] Solosky c. La Reine, [1980] 1 R.C.S.