Enquête sur une rencontre du conseil du Canton de Pelee le 22 juin 2021
Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario
Janvier 2022
Plainte
1 Mon Bureau a reçu une plainte à propos d’une rencontre du conseil du Canton de Pelee (le « Canton ») le 22 juin 2021.
2 La plainte alléguait que la discussion à huis clos du conseil ne relevait d’aucune des exceptions prescrites dans la Loi de 2001 sur les municipalités (la « Loi »).
Compétence de l’Ombudsman
3 En vertu de la Loi[1], toutes les réunions d’un conseil municipal, d’un conseil local et des comités de l’un ou de l’autre doivent se tenir en public, sauf si elles font l'objet d'exceptions prescrites.
4 Depuis le 1er janvier 2008, la Loi accorde à quiconque le droit de demander une enquête visant à déterminer si une municipalité a respecté la Loi en se réunissant à huis clos. La Loi fait de l'Ombudsman l'enquêteur par défaut dans les municipalités qui n'ont pas désigné le leur.
5 L’Ombudsman enquête sur les réunions à huis clos pour le Canton de Pelee.
6 Lorsque nous enquêtons sur des plaintes concernant des réunions à huis clos, nous examinons si les exigences relatives aux réunions publiques énoncées dans la Loi et le règlement de procédure applicable ont été respectées.
7 Depuis 2008, notre Bureau a enquêté sur des centaines de réunions à huis clos. Pour aider les conseils municipaux, le personnel municipal et le public, nous avons créé un recueil en ligne des cas de réunions publiques. Nous avons créé ce recueil interrogeable pour permettre aux intéressé(e)s d'accéder facilement aux décisions de l'Ombudsman et à ses interprétations des règles des réunions publiques. Les membres du conseil et le personnel peuvent consulter ce recueil pour éclairer leurs discussions et leurs décisions afin de déterminer si certaines questions devraient ou pourraient être discutées à huis clos, ainsi que pour examiner les questions liées aux procédures des réunions publiques. Des résumés des décisions antérieures de l’Ombudsman sont consultables dans ce recueil : https://www.ombudsman.on.ca/digest-fr/accueil.
Processus d’enquête
8 Nous avons reçu une plainte à propos d’une rencontre tenue par le conseil du Canton de Pelee le 22 juin 2021. Le 4 août 2021, nous avons informé le Canton de notre intention de faire enquête.
9 Nous avons examiné le règlement de procédure du Canton et les parties pertinentes de la Loi sur les municipalités. De plus, nous avons examiné la documentation de la réunion, y compris l’ordre du jour de la séance à huis clos et l’ébauche de procès-verbal.
10 Nous avons examiné le rapport d’examen de la prestation des services du Canton, disponible publiquement, qui a été à l’origine de la réunion du 22 juin 2021, ainsi que d’autres communications pertinentes communiquées par l’auteur(e) de la plainte.
11 Nous avons effectué des entrevues avec tous les membres du conseil, ainsi qu’avec la greffière adjointe/trésorière, et la greffière/directrice générale (DG).
12 Mon Bureau a obtenu une entière coopération dans cette affaire.
Réunion du conseil le 22 juin 2021
13 L’ordre du jour de la réunion du 22 juin 2021 indiquait que le conseil tiendrait une discussion à huis clos en vertu de l’exception aux réunions publiques relatives à l’éducation ou à la formation, énoncée au paragraphe 239 (3.1) de la Loi.
14 La réunion a commencé à 15 h 00 et le conseil a immédiatement adopté une résolution pour se réunir à huis clos en vertu de l’exception de l’éducation ou la formation.
15 Comme l’indique l’ébauche de procès-verbal du huis clos, et comme l’ont confirmé les personnes interrogées, lors de cette réunion les membres du conseil ont reçu de l’information et une formation sur des processus fédéraux, des techniques de communication et les relations avec les parties prenantes, formation donnée par le personnel du député provincial local.
16 Les personnes que nous avons interrogées ont systématiquement déclaré que l’objectif de la réunion était « l’éducation et la formation », et ont affirmé que toute référence à des questions politiques spécifiques n’avait été faite qu’à un haut niveau pour faciliter la formation. Nous n’avons trouvé aucune preuve de discussion ou de débat d’une quelconque question par les membres du conseil.
17 Les personnes interrogées ont souligné que le conseil avait l’intention d’utiliser l’information et la formation fournies pour faciliter la mise en œuvre de l’examen de la prestation des services du Canton et l’élaboration d’une stratégie d’affaires intergouvernementales.
18 Le conseil a adopté une résolution pour lever la séance à huis clos et ajourner la réunion à 16 h 15.
19 L’examen effectué par mon Bureau a révélé qu’aucune décision n’avait été prise et qu’aucune directive n’avait été donnée au personnel à la suite de la discussion à huis clos.
Analyse
Applicabilité de l’exception de l’éducation ou la formation en vertu de la Loi
20 En vertu de la Loi, toutes les réunions d’un conseil municipal, d’un conseil local et des comités de l’un ou de l’autre doivent se tenir en public, sauf si elles font l'objet d’une exception prescrite à l’article 239 de la Loi.
21 Le conseil a invoqué l’exception de « l’éducation ou la formation » pour tenir une réunion à huis clos le 22 juin 2021.
22 En vertu du paragraphe 239 (3.1) de la Loi, une réunion peut se tenir à huis clos si elle a pour but l’éducation ou la formation des membres du conseil, et si les membres ne discutent pas d’une question d’une manière qui fait avancer de façon importante les travaux ou la prise de décision du conseil.
23 La simple réception ou le simple échange d’information est peu susceptible de faire avancer de manière importante les travaux ou la prise de décision, tant qu’aucune tentative n’est faite pour discuter ou débattre de cette information relativement à une question spécifique qui est, ou sera, soumise à un conseil municipal, un comité, ou un conseil local[2]. En revanche, un conseil est susceptible de faire avancer les travaux ou la prise de décision quand il vote, parvient à un accord, donne des directives ou fait des commentaires au personnel, ou discute ou débat d’une proposition, d’un plan d’action ou d’une stratégie[3].
24 Mon Bureau a expliqué que l’exception de « l’éducation ou la formation » s’applique aux réunions à huis clos pour permettre aux membres du conseil d’acquérir les compétences ou l’information susceptibles de les aider à mieux comprendre les activités de la municipalité[4].
25 Dans un rapport de 2016 sur des réunions dans le Canton de Russell, mon Bureau a conclu que l’exception de « l’éducation ou la formation » s’appliquait à une réunion au cours de laquelle les conseiller(ère)s avaient été formé(e)s au vocabulaire et aux principes liés au processus de planification stratégique[5]. De même, mon Bureau a estimé que l'exception s'appliquait à une réunion de la Ville de Fort Erie durant laquelle les conseiller(ère)s avaient reçu une formation aux relations interpersonnelles et aux communications[6].
26 Le 22 juin 2021, le conseil du Canton de Pelee a reçu de l’information et une formation sur des processus fédéraux, des techniques de communication et les relations avec les parties prenantes. Le conseil n’a pas voté et il n’a pas donné d’instructions au personnel à la suite de cette séance, il n’a pas non plus délibéré sur des décisions spécifiques dont il était saisi. Le conseil n’a pas fait avancer de façon importante les travaux ou la prise de décision au cours de la discussion.
27 Par conséquent, la discussion à huis clos du 22 juin 2021 relève de l’exception de « l’éducation ou la formation ».
Définition de « réunion »
28 Bien que le sujet discuté le 22 juin 2021 relève de l’exception de l’éducation ou de la formation prévue par la Loi, nous avons également cherché à déterminer si la rencontre constituait techniquement une « réunion ». Le paragraphe 238 (1) de la Loi définit ainsi une « réunion » :
Réunion ordinaire, extraordinaire ou autre d’un conseil municipal, d’un conseil local ou d’un comité de l’un ou de l’autre, au cours de laquelle, à la fois :
a) le quorum est atteint;
b) les membres discutent ou traitent autrement d’une question d’une manière qui fait avancer de façon importante les travaux ou la prise de décision du conseil ou du comité. [caractères gras ajoutés]
29 Comme indiqué ci-dessus, le conseil n’a pas discuté d’une question d’une manière à faire avancer de façon importante les travaux ou la prise de décision lorsqu’il s’est rencontré le 22 juin 2021.
30 Dans un rapport de 2016 sur une réunion de la Ville du Grand Sudbury, mon Bureau a expliqué que « tous les rassemblements du Conseil ne constituent pas des réunions assujetties aux dispositions des réunions publiques »[7]. Dans ce cas, mon Bureau avait examiné une plainte à propos d’une table ronde tenue en privé avec le premier ministre. La discussion s’était limitée à des remarques de haut niveau concernant les besoins et les possibilités de la communauté. La table ronde ne constituait pas une réunion aux fins de la Loi et n’était pas assujettie aux règles des réunions publiques.
31 Bien qu’un quorum du Canton de Pelee ait assisté à la séance à huis clos du 22 juin 2021, la discussion s’est limitée à la communication d’information et n’a pas fait avancer de façon importante les travaux ou la prise de décision du conseil. Par conséquent, la discussion ne constituait pas une réunion au sens du paragraphe 238 (1) de la Loi et n’était pas assujettie aux règles des réunions publiques.
32 Bien que la rencontre du Canton de Pelee ne soit pas techniquement une réunion, la décision d’afficher publiquement un avis de cette rencontre et de consigner un procès-verbal a augmenté la transparence des actions du conseil. Elle a également facilité l’examen de cette plainte par mon Bureau. Je félicite le Canton d’être allé au-delà des exigences officielles et d’avoir maximisé l'information communiquée au public.
Opinion
33 Le conseil du Canton de Pelee n’a pas enfreint la Loi quand il a reçu de l’information et une formation le 22 juin 2021. La rencontre n’était pas une « réunion » au sens des règles des réunions publiques. Même si la rencontre avait constitué une réunion, la discussion aurait pu avoir lieu à huis clos en vertu de l’exception de l’éducation ou la formation énoncée au paragraphe 239 (3.1) de la Loi de 2001 sur les municipalités.
Rapport
34 Le conseil du Canton de Pelee a eu l’occasion d’examiner et de commenter une version préliminaire de ce rapport pour mon Bureau. En raison des restrictions mises en place à cause de la COVID-19, certaines modifications ont été apportées au processus habituel d’examen préliminaire et nous remercions le conseil et le personnel de leur coopération et de leur souplesse. Tous les commentaires que nous avons reçus ont été pris en compte dans la préparation de ce rapport final.
35 Mon rapport devrait être communiqué au conseil du Canton de Pelee. Le Canton a accepté de rendre mon rapport disponible lors de la prochaine réunion du conseil.
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Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario
[1] LO 2001, chap. 25.
[2] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos de séances d’information le 7 mars 2018 avec un quorum des conseillers du Village de Casselman, (août 2018), paragraphe 31, en ligne.
[3] Ibid.
[4] Ombudsman de l'Ontario, Enquête visant à déterminer si le Conseil du Village de Casselman a tenu une réunion à huis clos illégale le 8 janvier 2015, (avril 2015), paragraphe 54, en ligne.
[5] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur des réunions à huis clos du Conseil du Canton de Russell le 10 août 2015, (janvier 2016), paragraphe 33, en ligne.
[6] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur la réunion à huis clos du conseil municipal de Fort Erie tenue le 7 janvier 2008, (février 2008), paragraphe 29, en ligne.
[7] Lettre de l’Ombudsman de l’Ontario à la Ville du Grand Sudbury (19 mai 2016), en ligne.